28/06/2018 arretsurinfo.ch  8 min #143036

Les sanctions contre la Syrie ont des « répercussions dévastatrices » sur la population civile

Nos autorités fédérales participent depuis 7 ans à la déstabilisation de la Syrie en guerre, par des sanctions économiques.

Nos autorités se sont en effet ralliées, le 18 mai 2011, aux sanctions de l'UE contre ce pays. Or, la Suisse, Etat neutre, ne fait partie ni de l'UE ni de l'OTAN. Elles se conduisent de manière totalement irresponsable en appliquant, comme elles le font, les sanctions de l'UE contre un pays victime d'une guerre pilotée par les monarchies du Golfe, soutenue par les puissances de l'OTAN, notamment la France, par groupes terroristes interposés.

Ce faisant, tout en prétendant se mobiliser « depuis des années [...] en faveur d'une aide humanitaire efficace » nos autorités suisses contribuent à aggraver le sort du peuple syrien *

[Silvia Cattori]

John Eibner responsable CSI. devant le consulat suisse à Alep

ONU: Les sanctions contre la Syrie ont des « répercussions dévastatrices » sur la population civile - Le Conseil fédéral refuse de les examiner

Publié par  csi-suisse.ch le 18 mai 2018

Pas de pièces de rechange pour l'équipement médical, l'approvisionnement en électricité et en eau ou les ambulances. Selon Idriss Jazairy, rapporteur spécial auprès de l'ONU, les sanctions aggravent encore le sort de la population. Il appelle au dialogue sur une réduction des sanctions visant à terme leur suppression totale. Le Conseil fédéral n'a jusqu'ici guère manifesté d'efforts en ce sens. Le gouvernement suisse est paralysé par la peur de déroger à la politique de sanctions américaine.

« Le fait que les mesures coercitives unilatérales contribuent à la souffrance continue du peuple syrien me préoccupe vivement », a déclaré hier Idriss Jazairy, rapporteur spécial auprès des Nations Unies, lors d'une conférence de presse à Damas. Du 13 au 17 mai, M. Jazairy a effectué une visite en Syrie afin d'y examiner les effets négatifs des sanctions sur la population civile. Elles sont désastreuses : « Comme elles sont particulièrement étendues, ces mesures ont des répercussions dévastatrices sur l'ensemble de l'économie et sur la vie quotidienne des gens ordinaires. »

Dr NabilAntaki à Alep « Nous souffrons de l'embargo et des sanctions »

Les sanctions empêchent la livraison de pièces de rechange vitales

À cause des sanctions, le pays manque de pièces de rechange pour l'équipement médical, l'approvisionnement en électricité et en eau, les tracteurs, les ambulances, les bus et les usines, a indiqué Idriss Jazairy. « Ironiquement, ces mesures prises par des États préoccupés par les droits de l'homme ont involontairement contribué à exacerber la crise humanitaire. » Voici ce que réclame le rapporteur spécial de l'ONU : « Un dialogue sérieux sur la réduction des mesures coercitives unilatérales [...] visant à terme leur suppression doit avoir lieu. »

Le Conseil fédéral ne veut pas examiner les répercussions des sanctions sur la population civile

Le gouvernement suisse reconnaît certes que les sanctions ont des « conséquences négatives » (courrier du conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann à CSI du 31 janvier 2017). Il ne manifeste cependant guère d'efforts pour réduire les sanctions comme le recommande Idriss Jazairy. Le 9 mai 2018, le Conseil fédéral a rejeté un postulat qui le chargeait d'examiner si la population civile était protégée des dommages collatéraux des sanctions. La Suisse « se mobilise depuis des années [...] en faveur d'une aide humanitaire efficace », explique le Conseil fédéral dans sa réponse, ajoutant que l'administration fédérale se penche « depuis longtemps sur les conséquences des sanctions internationales sur l'aide humanitaire. »

La Suisse craint un conflit avec les États-Unis

« Le problème est à Washington, pas à Berne. Nous non plus, nous n'aimons pas les sanctions », a confié un haut fonctionnaire à CSI. Le Conseil fédéral craindrait que les États-Unis infligent des mesures punitives (sanctions secondaires) pour violation des sanctions. La Suisse s'est ralliée en 2011 aux sanctions draconiennes de l'UE, qui avait pour sa part emboîté le pas aux États-Unis.

Les sanctions contre la Syrie sont contraires au droit international

« Ces sanctions enfreignent le droit humanitaire international », déclare John Eibner de CSI. Il se rend régulièrement en Syrie et y voit les conséquences des sanctions : « Elles ont l'effet d'une peine collective contre la population syrienne, ce que la Convention de Genève interdit (art. 33, Convention de Genève IV). »

Le 23 août 2016, des responsables religieux de Damas avaient adressé un appel humanitaire à la communauté internationale : « Mettez un terme au siège du peuple syrien ! Levez les sanctions internationales contre la Syrie et permettez à ce peuple d'exister dans la dignité ! » Les patriarches Jean X (Église grecque orthodoxe), Ignace Aphrem II (Église syriaque orthodoxe) et Grégoire III (Église catholique melkite) avaient tous trois signé cet appel.

Rejet de la demande d'examen des sanctions au Conseil national

Le postulat 18.3309 « Sanctions ciblées contre les auteurs de crimes de guerre en Syrie » rejeté par le Conseil fédéral avait été déposé le 16 mars 2018 par le conseiller national socialiste Mathias Reynard et cosigné par 14 membres du Conseil national, dont Lukas Reimann (UDC), Doris Fiala (PLR) et Marianne Streiff-Feller (PEV).

Mathias Reynard (PS) : « La réponse du Conseil fédéral est très décevante. Le gouvernement suisse devrait davantage s'inquiéter des conséquences de nos sanctions sur la population des pays concernés. Espérons que le Parlement soutiendra ma proposition, co-signée par des élus de plusieurs partis. »

Doris Fiala (PLR) : « Si la population civile souffre des sanctions contre la Syrie, alors la politique en matière de sanctions doit être sérieusement et entièrement remise en question ! »

Lukas Reimann (UDC) : « Le Conseil fédéral recule devant une tâche difficile mais essentielle. La décision d'imposer des sanctions devrait prendre en compte l'impact possible de celles-ci sur la population civile, ainsi que sur la neutralité, les bons offices et la diplomatie de paix de la Suisse. »

Marianne Streiff-Feller (PEV): « En tant qu'État dépositaire de la Convention de Genève, la Suisse a une responsabilité humanitaire particulière et doit absolument s'assurer que les sanctions internationales contre la Syrie n'atteignent pas les mauvaises personnes. »

Informations complémentaires

Idriss Jazairy a été nommé en mai 2015 « rapporteur spécial de l'ONU sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l'exercice des droits de l'homme ». Il examine les sanctions imposées sans mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, comme c'est le cas en Syrie.

 Portrait d'Idress Jazairy, rapporteur spécial de l'ONU

 Communiqué de presse d'Idriss Jazairy du 17 mai 2018

 Rapport final sur la visite en Syrie d'Idriss Jazairy, 17 mai 2018

 Postulat 18.3309

Photos  csi (utilisation sans frais)

Source:  csi-suisse.ch

Ndlr: [*] Au sujet des sanctions et de l'embargo qui ont poussé les Syriens à fuir la misère le Dr Nabil Antaki, qui vit à Alep et n'a pas quitté la Syrie durant la guerre, affirme: « Nous sommes révoltés par ces sanctions et cet embargo parce que ces sanctions et cet embargo ont été votés non pas contre le régime ou les cent personnalités du régime, mais contre la Syrie et tous les Syriens. Par exemple moi, comme une personne X vivant en Syrie, je n'ai pas le droit de faire la moindre transaction financière. Si je veux envoyer mille dollars à mes enfants, je ne peux pas le faire et je ne puis rien importer ni exporter. C'est très grave. Je suis médecin et je voulais remplacer une pièce d'un appareil médical, ce qui d'habitude prenait une semaine, et j'ai mis un an et demi pour avoir la pièce parce que je ne pouvais pas l'importer du Japon, d'une compagnie qui est une multinationale. Cela a pénalisé les Syriens alors qu'au bout de quelques mois l'Union européenne a levé les sanctions et l'embargo pour les transactions et l'importation dans les zones qui sont sous le contrôle des terroristes. Donc il n'y a que les Syriens qui habitent dans les zones qui sont sous le contrôle de l'Etat qui ne peuvent rien faire. Cela n'a pas pénalisé le régime comme ils pensaient le faire, cela a pénalisé les citoyens syriens ». [ arretsurinfo.ch]

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