19/07/2018 tlaxcala-int.org  5 min #143847

Israël, terre de miracles

 Gideon Levy جدعون ليفي גדעון לוי

Les jours de cerfs-volants abondent en miracles de ce côté du monde. Le fait que plus d'Israéliens se sont égratignés en se rasant au cours des derniers mois qu'ils ont été touchés par des feux de cerfs-volants est entièrement attribué à des miracles.

Un grand miracle s'est produit au moshav de Tkuma*. Une cendre portée par un cerf-volant en papier de Gaza a atterri dans la cour d'un jardin d'enfants. La maîtresse du jardin d'enfants a appelé ce qu'elle a vu dans le ciel une braise de la taille d'un doigt. Elle a été la première à la détecter et s'est empressée d'emmener tous les enfants dans la zone protégée. Un petit garçon portant une grande kippa a dit qu'un miracle s'était produit.

"Sur la terre d'Israël, quiconque ne croit pas aux miracles n'est pas un réaliste"

Le journaliste de Kan 11 TV dans le sud, Itzik Zoaretz, n'a pas manqué l'occasion d'expliquer les proportions de la catastrophe évitée : la cendre a atterri à quelques mètres d'un toit de jute dans la cour. Le jute est un matériau inflammable. Si le jute avait pris feu, tous les enfants du jardin d'enfants auraient péri dans les flammes. Peut-être que l'incendie se serait propagé, détruisant toutes les maisons du moshav. Peut-être qu'il aurait consumé tout le sud, et à partir de là, le chemin vers la destruction du pays aurait été très court. Un presque-Treblinka à Tkuma, et tout cela a été évité grâce au miracle.

La petite tache dans le sable, légèrement abasourdie, apparemment causée par une allumette jetée, était en quelque sorte contradictoire avec la description apocalyptique du journaliste, qui était la dramatisation d'un correspondant de guerre dans un bac à sable de jardin d''enfants, mais c'est comme ça avec les miracles et les merveilles.

Les jours de cerfs-volants abondent en miracles. Le fait que plus de gens se sont égratignés en se rasant au cours des derniers mois qu'ils ont été touchés par des feux de cerfs-volants est entièrement attribué à des miracles. Il ne se passe pas un jour sans que l'un des journalistes distingués sur le terrain fasse un rapport émotionnel sur une catastrophe qui a été miraculeusement évitée. La fusée Qassam qui est tombée à proximité, le cerf-volant qui est sorti au dernier moment - c'est ainsi qu'il faut orchestrer la campagne pour enfin déclencher la guerre que nous brûlons tant de faire. Pendant ce temps, un État qui décrit son établissement comme un événement miraculeux continue de vivre de ses miracles, même s'il s'agit d'une puissance régionale.

Les miracles intensifient le danger. C'est bon pour tout le monde. Si une cendre qui n'a touché personne est un miracle volant, il est clair que sans le miracle, une catastrophe se serait produite. Il est clair que la cendre a le pouvoir de semer la mort, nous devons donc lui faire la guerre. Mais le fait est qu'aucun cerf-volant ou ballon, pas même un "ballon à hélium", la dernière avancée des industries militaires de Gaza, n'a fait de mal à personne. La probabilité que cela se produise est négligeable. Les cerfs-volants nuisent à l'environnement et à l'agriculture - c'est un énorme danger et une grande cause d'angoisse, mais pas une cause de guerre. Jamais. Il n'y a jamais eu une guerre juste qui a été déclenchée pour un cerf-volant.

Les compte-rendus de miracles sont destinés à changer cela. Ne considérez pas cette cendre volante comme une cendre. Que ce ne soit pas un missile de croisière est le seul fait d'un miracle. C'est pourquoi nous devons matraquer Gaza.

La culture des miracles nous ramène à la promesse divine, le roc de notre existence ici, et il ne faut pas le minimiser. Les miracles ne se produisent pas à Gaza. Là-bas, nos tireurs d'élite, pilotes, drones, bombes et obus frappent et tuent, sans rabais miraculeux pour les cibles. Les miracles ne sont que pour le peuple élu.

Les miracles nous ramènent aussi au mensonge de la soi-disant guerre entre parties presque égales, Gaza et Israël. Si ce n'était pas par miracle, le Hamas nous aurait peut-être déjà détruits.

Sous couvert du mensonge des parties presque égales, nous pouvons les bombarder et les canarder sans retenue et dire que c'est la guerre. Mais les attaques des FDI sur Gaza n'ont jamais été une guerre, parce que rien qui ressemble à une armée ne les a jamais affrontées. Ce ne sont pas les miracles qui ont empêché le désastre pour Israël, mais seulement la misère pitoyable de l'autre côté. Gaza n'a pas d'armée, pas d'armes, certainement pas du genre de celles qui peuvent menacer les FDI de quelque façon que ce soit, pas même dans l'imagination la plus débordante.

Les incendies dans le sud sont inquiétants. La vie dans le sud est dure. Aucune frappe militaire ne peut résoudre les difficultés de la vie de part et d'autre de la barrière, et aucun miracle ne peut soustraire Israël à la nécessité de changer radicalement de direction, de passer de l'arrogance et de l'agression à l'humanité et à la compassion. C'est quelque chose qu'Israël n'a pas l'intention de faire. D'ici là, nous vivrons de miracle en miracle, d'attaque en attaque sur Gaza ensanglantée et meurtrie, où des miracles comme les nôtres n'ont jamais lieu, seulement la mort et la destruction.

NdT

* Le moshav de Tkuma est un village coopératif de colonisation par des immigrants juifs religieux d'Europe de l'Est et de Tunisie, dans le Néguev, à 5 km de Gaza. Il occupe le site d'un village palestinien rasé.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  tinyurl.com
Publication date of original article: 19/07/2018

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