19/09/2018 tlaxcala-int.org  5 min #145861

79 % des Israéliens de droite croient que les Juifs sont le peuple élu. C'est une blague, ou quoi ?

 Gideon Levy جدعون ليفي גדעון לוי

Alors que la croyance en Dieu est une affaire privée, la conviction d'un peuple qu'il est élu esquisse les grandes lignes d'une politique qui explique en grande partie les actions d'Israël. Quand ils disent qu'ils sont le peuple élu, ils trahissent leur psychose.

Le peuple élu-Le peuple chassé. Carlos Latuff

Je donnerais cher pour rencontrer quelques représentants de cette majorité absolue, déterminante, arrogante et condescendante, telle qu'elle ressort d'un récent sondage Haaretz. Je leur demanderais : Vous êtes sérieux, les gars ? D'où sortez-vous une idée aussi saugrenue ? D'après quelle autorité ? Êtes-vous, vous, la majorité absolue, si sûrs que nous sommes les élus, les meilleurs, les champions, supérieur de plusieurs têtes au commun des mortels ?

Comment en êtes-vous arrivés à cette conclusion ? Permettez moi de vous poser la question qui tue, chère majorité : Sur quoi vous fondez-vous pour croire que nous sommes le peuple élu, que nous savons tout faire mieux que toutes les autres nations, que nous avons plus de mérites que tout le monde, que ce qui s'applique à eux ne s'applique pas à nous, parce que nous sommes si supérieurs.

Voici comment la majorité des Juifs israéliens ont répondu au sondage Haaretz-Dialog publié la semaine dernière : Nous sommes un peuple élu. Une majorité d'entre eux, 56 %, en sont certains. Ce chiffre passe à 79 %, soit une majorité écrasante, chez les personnes se déclarant de droite. Dans un pays où 76 % de la population croit en Dieu ou en une autre puissance supérieure, c'est peut-être une évidence. Or, si la croyance en Dieu est une affaire privée, quand c'est un peuple qui se croit élu, voilà qui esquisse les grandes lignes d'une politique qui en dit long sur les actions d'Israël.

Passons de la théologie à la pathologie. Les Juifs israéliens qui pensent appartenir à un peuple élu et choisi doivent se justifier, tant envers eux-mêmes qu'envers autrui. Facile de déclarer que Dieu existe ou n'existe pas. Personne n'attend de preuves ; mais lorsque la majorité d'une nation est convaincue qu'elle est supérieure à toutes les autres, on est en droit d'exiger un certain nombre de preuves. Dans le cas d'Israël, il est facilement démontrable qu'on est en présence d'une perte de contact avec la réalité, une illusion, et dangereuse de surcroit. En tout état de cause, un peuple convaincu qu'il est choisi représente un danger pour lui-même et pour les autres.

Le peuple juif est certes spécial, chargé d'une histoire glorieuse et sanglante. Les Juifs israéliens, eux aussi, ont de quoi être fiers. Mais quand ils disent qu'ils sont le peuple élu, cela révèle leur psychose. On peut douter qu'une autre nation pense cela d'elle-même aujourd'hui. Les Juifs israéliens n'ont aucune raison de le croire non plus. De quelle manière sommes-nous choisis ? En quoi sommes-nous meilleurs ? Et qu'est-ce que le Suédois, le Français, l'Américain, le Britannique ou l'Arabe est censé penser de cette insupportable arrogance ?

Inutile de donner plus de détails sur la moralité douteuse d'Israël quand il occupe un territoire. Tout Israélien, même avec un minimum de conscientisation, reconnaît qu'une nation occupante ne saurait être le peuple élu. Un peu d'humilité ne nuirait pas non plus quant à d'autres caractéristiques du peuple d'Israël - avant de s'autoproclamer lumière pour les nations. Je recommande, par exemple, de lire l'analyse complète et horrifiante de Dan Ben-David dans Haaretz sur le système éducatif du pays - qui n'a pas suscité le tollé nécessaire : la moitié des enfants d'Israël reçoit une éducation dont rougirait même un pays du tiers monde.

Un peu de modestie serait de mise chez les citoyens d'un État qui se classe 87e au classement mondial 2018 de la liberté de la Presse, derrière le Togo et la Côte d'Ivoire. Pas très reluisant non plus d'arriver 32e sur l'Indice 2017 de perception de la corruption par Transparency International. Les soins de santé sont un autre domaine où Israël mériterait de mettre un bémol à son estime de soi : en termes de dépenses de santé, le pays se classe au 28e rang sur les 36 États membres de l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), et au 30e rang pour le nombre de lits d'hôpitaux.

Le comportement des touristes israéliens à l'étranger ne sied pas toujours non plus à un peuple élu. Rappelons qu'Israël est le plus gros acquéreur de sous-marins allemands : serait-ce là que réside l'explication d'un tel sentiment de supériorité ?

Se complaire dans l'autoglorification est récemment devenu une caractéristique saillante du caractère national d'Israël. Il suffit de lire régulièrement le quotidien Israel Hayom ou d'écouter le Premier ministre : en résumé, "Voyez comme nous sommes beaux", du matin au soir.

La droite répand ce mensonge, pour promouvoir ses intérêts. Le populisme sycophante ne prospère pas seulement en Israël, mais ce n'est qu'ici qu'existe un si grand écart entre rêve et réalité. Un peuple élu ? Et si finalement il n'était pas différent de n'importe quelle autre nation.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  bit.ly
Publication date of original article: 15/09/2018

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