22/09/2018 reseauinternational.net  44 min #146010

La descente aux enfers du Yémen - Une Guerre de la Terreur américano-saoudienne

Par Rajan Menon

C’est la guerre des Enfers, la guerre sauvage que l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et sept autres états du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord mènent au Yémen depuis mars 2015, avec le plein soutien du Pentagone et des armes américaines à profusion.

Il y a tout ce qu’il faut. Des enfants morts par douzaines, une campagne aérienne sans fin qui fait peu de cas des civils, famine, choléra, et j’en passe. Il n’est donc pas étonnant qu’elle soit de plus en plus critiquée au  Congrès et par les groupes de défense des droits de la personne. Pourtant, depuis que le président Donald Trump (comme Barack Obama avant lui) a embrassé la coalition dirigée par les Saoudiens comme le vertueux chevalier de ce pays errant au Moyen-Orient, la lutte contre les rebelles Houthis appauvris du Yémen – qui, à leur tour, ont été catalogués comme la main de l’Iran – ne s’est qu’intensifiée. Pendant ce temps, le  réseau d’Al-Qaïda continue de prendre de l’expansion.

Depuis des années, une campagne aérienne saoudienne acharnée ( alimentée par l’armée américaine) a frappé des cibles civiles inlassablement,  utilisant des bombes et missiles intelligents américains, sans le moindre signe de protestation ou de plainte de la part de Washington. Seul un massacre très médiatisé et complètement démesuré a récemment forcé le Pentagone à enfin faire un petit remue-ménage. Le 7 août, une attaque  aérienne a frappé un autobus scolaire dans le nord du Yémen – avec une bombe fabriquée par  Lockheed Martin – tuant 51 personnes, dont 40  écoliers. 79 autres personnes ont été blessés, dont 56 enfants.

ruines du bus scolaire

Peu après, un groupe d’experts nommés par le Conseil de Sécurité de l’ONU a publié un  rapport détaillant de nombreuses autres attaques odieuses contre des civils yéménites, notamment de personnes assistant à des mariages et à des funérailles. La  pire d’entre elles a tué 137 personnes et en a blessé 695 autres lors de funérailles à Sana’a, la capitale du Yémen, en avril de cette année.

L’attaque contre ces écoliers et le rapport de l’ONU ont amplifié une indignation mondiale croissante contre le carnage qui frappe le Yémen. En réponse, le 28 août, le Secrétaire à la Défense  James Mattis a fait savoir que le soutien de l’administration Trump à la campagne militaire des potentats du Golfe Persique ne devait pas être considéré sans réserve, que les Saoudiens et leurs alliés devaient faire « tout ce qui est humainement possible pour éviter toute perte de vie innocente ». Considérant qu’ils n’ont jamais réussi à atteindre une telle norme depuis le début de la guerre il y a près de cinq ans et que l’administration Trump n’a clairement pas l’intention de réduire son soutien aux Saoudiens ou à leur guerre, la nouvelle intervention de Mattis était une blague cruelle, aux dépens des civils yéménites.

Les statistiques de la souffrance

Des chiffres épouvantables témoignent de la souffrance que les Yéménites ont endurée. Les avions de combat saoudiens et émiratis ont officiellement tué – et c’est considéré comme une estimation modérée –  6 475 civils et blessé plus de 10 000 autres personnes depuis 2015. Les cibles visées ont été les  fermes, les  maisons, les  marchés, les  hôpitaux, les  écoles et les  mosquées, ainsi que les anciens sites  historiques de Sanaa. Et aucun de ces incidents n’ont été des attaques ponctuelles. Elles se sont produites à  maintes reprises.

En avril 2018, la coalition dirigée par les Saoudiens avait  mené 17 243 frappes aériennes à travers le Yémen, touchant 386 fermes, 212 écoles, 183 marchés et 44 mosquées. De telles statistiques rendent ridicules les affirmations répétées des Saoudiens et de leurs alliés selon lesquelles de tels « incidents » devraient être considérés comme des erreurs compréhensibles et qu’ils prennent toutes les précautions raisonnables pour protéger les innocents.  Les statistiques compilées par le Independent Yemen Data Project montrent clairement que la mort des civils yéménites n’empêche pas les monarques du Golfe de dormir paisiblement.

L’Arabie Saoudite et ses partenaires ont accusé les Houthis, les rebelles avec lesquels ils mènent une lutte meurtrière, d’avoir également attaqué des civils yéménites, une accusation que Human Rights Watch a  confirmée. Pourtant, une telle défense du « ils l’ont fait aussi » n’excuse guère les bombardements incessants de sites non militaires par une coalition qui a une supériorité écrasante en puissance de feu. Les crimes des Houthis sont  bien pâles en comparaison.

Et en termes de destruction de vies civiles et de leurs moyens de subsistance, croyez-le ou non, c’est le moins que l’on puisse dire. Prenez le  blocus naval du pays par l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis qui a réduit le nombre de navires accostant dans le port de Hodeida contrôlé par les Houthis de 129 entre janvier et août 2014 à 21 durant les mêmes mois en 2017. Résultat :  beaucoup moins de nourriture et de médicaments sont entrés dans le pays, provoquant un désastre pour les Yéménites.

Ce pays, le plus pauvre du monde arabe, dépend depuis longtemps des importations pour 85 % de sa nourriture, de son carburant et de ses médicaments, de sorte que lorsque les prix ont grimpé en flèche, la famine  s’est propagée et la faim et la malnutrition ont explosé. Près de  18 millions de Yéménites dépendent aujourd’hui de l’aide alimentaire d’urgence pour survivre : cela représente 80 % de la population. Selon la  Banque Mondiale, « 8,4 millions d’autres sont au bord de la famine. » En décembre 2017, à la suite d’un déferlement de mauvaise publicité, le blocus Saudi-Emirati a été  légèrement assoupli, mais il avait déjà enclenché une spirale de mort.

Le blocus a également contribué à une épidémie de choléra, que la pénurie de médicaments n’a fait qu’exacerber. Selon un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé, entre avril 2017 et juillet 2018, il y a eu plus de 1,1 million de cas de choléra. Au moins 2 310 personnes, pour la plupart des enfants, sont mortes de la maladie.  Il s’agirait de la  pire épidémie de choléra depuis que les statistiques ont commencé à être compilées en 1949. Avec 800 000 cas entre 2010 et 2017, Haïti détient le record précédent, que les Yéménites ont  dépassé dans les six mois suivant l’apparition des premiers cas.  Les principales causes de l’épidémie : l’eau potable contaminée par des ordures en décomposition (non ramassées à cause de la guerre), des systèmes d’égouts dévastés et des usines de filtration d’eau qui ont cessé de fonctionner par manque de carburant – tout cela à la suite de la terrible campagne de bombardement.

En temps de guerre, les blocus économiques affament et rendent malades les civils et les soldats, ce qui constitue un  crime de guerre. La revendication des Saoudiens et des Émiratis selon laquelle le blocus a pour seul but de bloquer le flux d’armes iraniennes vers les Houthis n’a aucun sens, et ne peut être considéré comme un acte légitime d’autodéfense, bien qu’il ait été institué après que les Houtis aient tiré des missiles balistiques à  l’aéroport dans la capitale et la  résidence du roi de ce pays. (Les deux missiles ont été abattus par les défenses aériennes saoudiennes et étaient des réponses claires aux frappes aériennes de la coalition qui ont tué  136 civils sur le territoire tenu par les Houthis). Selon les  normes du Droit International Humanitaire ou simplement le bon sens, empêcher les importations du Yémen était une réponse disproportionnée, et il était facile de prévoir les conséquences catastrophiques à venir.

Fidèle à lui-même, l’ambassadeur du président Trump à l’ONU, Nikki Haley, s’est fait l’écho des  accusations saoudiennes  selon lesquelles les missiles Houthis étaient des  Qiam-1 fournis par l’ Iran et a condamné l’intervention de ce pays au Yémen. Compte tenu de l’ampleur des destructions par une coalition étrangère utilisant les armements et l’assistance technique fournis par les États-Unis (et la Grande-Bretagne), ses commentaires, dans des circonstances moins sombres, auraient été risibles.

Ces armes fournies par les États-Unis comprennent  des armes à sous-munitions, qui présentent un danger particulier pour les civils car, lorsqu’elles sont larguées d’un avion, leurs bombes dévastatrices se  dispersent souvent sur de vastes zones. (Ces bombes sont interdites en vertu d’un  traité signé en 2008 par 120 pays auxquels ni Riyad ni Washington n’ont adhéré). En mai 2016, la Maison-Blanche de Barack Obama a  confirmé qu’elle avait cessé d’envoyer de telles armes en Arabie Saoudite, qui a ensuite continué à utiliser des variantes  fabriquées au Brésil.

Cependant, d’autres armes américaines ont continué à affluer vers l’Arabie Saoudite, tandis que ses avions de combat  comptent sur les ravitailleurs de l’armée de l’air américaine pour le ravitaillement en plein vol ( 88 millions de livres de carburant en janvier selon une porte-parole du commandement central) et les militaires saoudiens reçoivent régulièrement du Pentagone, des  renseignements et des  conseils sur les objectifs à cibler depuis que la guerre a commencé. Et avec l’arrivée de Donald Trump, cette implication militaire n’a fait que s’intensifier :  Les Forces d’Opérations Spéciales Américaines se trouvent maintenant à la frontière entre le Yémen et l’Arabie Saoudite et tentent de trouver et d’attaquer les repères Houthis.

En juin 2018, ignorant  l’opposition américaine, la coalition saoudienne a encore accru le risque pour les civils yéménites en lançant une offensive («  Golden Victory « ) pour prendre le port d’Hodeida. (Tant pis pour l’ affirmation du Pentagone selon laquelle le fait de soutenir la guerre impose l’influence américaine sur la façon dont elle doit être menée et limite ainsi les pertes civiles). Les forces aériennes et les navires de guerre saoudiens et émiratis ont soutenu leurs troupes sur le terrain, rejointes par des milices alliées yéménites. Toutefois, l’avancée s’est rapidement arrêtée face à la résistance des Houthis, même après qu’au moins  50 000 familles aient fui Hodeida et que les services de base pour les 350 000 autres aient été interrompus, faisant craindre une nouvelle épidémie de choléra.

Les racines de la guerre

La progression du Yémen vers son état actuel de perdition a commencé lorsque les coups de vent du printemps arabe ont balayé le Moyen-Orient en 2011, déracinant ou secouant les régimes de la Tunisie à la Syrie. Les manifestations de rue se sont multipliées contre Ali Abdullah Saleh, l’homme fort du Yémen, et n’ont pris de l’ampleur que lorsqu’il a tenté de les réprimer. En réponse, il s’allia de plus en plus fermement avec l’Arabie Saoudite et les États-Unis, excluant les Houthis, dont le principal bastion,  le gouvernorat de Saada, se trouve à la frontière saoudienne. Adhérents à l’islam Zaydi, les Houthis ont joué un rôle central dans la création d’un mouvement politique,  Ansar Allah, en 1992 pour faire valoir les intérêts de leur communauté contre la majorité sunnite du pays. Dans un effort pour les affaiblir, les Saoudiens ont depuis longtemps promu des chefs religieux sunnites radicaux dans le nord du Yémen, tout en effectuant des raids intermittents dans les territoires Houthis.

Alors qu’une rébellion Houthie commençait, Saleh a essayé de devenir un allié encore plus indispensable de Washington dans ses campagnes antiterroristes post-11 septembre, notamment contre Al-Qaïda dans la Péninsule Arabique (AQAP), une franchise locale croissante d’al-Qaïda. Pour faire bonne mesure, il s’est joint aux Saoudiens pour dépeindre les Houthis comme les instruments d’un Iran que Washington et Riyad haïssaient tous deux.

Lorsque ces puissances en sont venues à considérer l’autocrate yéménite comme un responsable politique, elles ont aidé à le déloger et à transférer le pouvoir à son adjoint, Abdu Rabbu Mansour Hadi. Ces mesures  n’ont pas réussi à calmer le jeu, car le pays a commencé à se désintégrer et les efforts des États-Unis et de l’Arabie Saoudite pour consolider la transition de Saleh à Hadi se sont effondrés.

Abdu Rabbu Mansour Hadi

Pendant ce temps, les frappes régulières des drones américains contre l’AQAP ont  mis en colère de nombreux Yéménites. A leurs yeux, non seulement les attaques ont violé la souveraineté du Yémen, mais elles ont aussi occasionnellement tué des civils. Les  éloges de Hadi pour la campagne des drones ne firent que le discréditer davantage. Le pouvoir de l’AQAP a continué de s’accroître, le ressentiment dans le sud du Yémen a augmenté et les gangs criminels et les chefs de guerre ont commencé à opérer en toute impunité dans ses villes, soulignant l’inefficacité du gouvernement Hadi.

Les réformes économiques néolibérales n’ont fait qu’enrichir une poignée de familles qui contrôlaient depuis longtemps une grande partie des richesses du Yémen, tandis que la  situation économique de la plupart des Yéménites s’aggravait radicalement. Le taux de chômage était de  près de 14% en 2017 (et  dépassait 25% pour les jeunes), tandis que le taux de pauvreté augmentait rapidement, tout comme l’inflation.

C’était une formule pour un désastre et quand Hadi a proposé un plan pour créer un système fédéral pour le Yémen, les Houthis étaient furieux. De nouvelles frontières auraient, entre autres choses, coupé leur terre natale de la côte de la mer Rouge. Ils abandonnèrent donc le gouvernement de Hadi et se ceignirent pour la bataille. Bientôt, leurs forces avançaient vers le sud. En septembre 2014, ils s’emparèrent de la capitale, Sana’a, et proclamèrent un nouveau gouvernement national. En mars suivant, ils occupèrent Aden, dans le sud du Yémen, et Hadi, dont le gouvernement s’y était installé, s’enfuit rapidement de l’autre côté de la frontière vers Riyadh. Les premières  frappes aériennes saoudiennes contre Sana’a ont été lancées en mars 2015 et la descente aux enfers du Yémen a commencé.

Le rôle américain

L’interprétation courante de la guerre au Yémen met en scène une coalition saoudienne soutenue par les États-Unis contre les Houthis, considérés comme des agents de l’Iran et des preuves de son influence croissante au Proche-Orient. La lutte contre le terrorisme et contre l’Iran est devenue la base du soutien de Washington à la guerre menée par les Saoudiens. Comme on pouvait s’y attendre, à mesure que cette représentation caricaturale d’une guerre civile compliquée gagnait du terrain dans les grands médias américains et parmi les experts de Beltway (ainsi que, bien sûr, au Pentagone et à la Maison Blanche), les faits gênants ont été mis de côté.

Malgré tout, toutes ces années et tous ces morts plus tard, il vaut la peine de considérer certains de ces faits. Il y a, par exemple, des  différences significatives entre la variante Zaydi Houtie de l’Islam Chiite et le Chiisme dominant en Iran – et certaines similitudes entre Zaydis et sunnites – ce qui rend les revendications omniprésentes sur un pacte religieux Iran-Houthi peu convaincantes. De plus, l’Iran n’a pas sauté dans la mêlée lors des violents affrontements de 2004-2010 entre les Saleh et les Houthis et n’a pas non plus entretenu de liens de longue date avec eux. En outre, contrairement à l’opinion qui prévaut à Washington, il est peu probable que l’Iran soit leur principale source d’armement et de soutien. La distance et le blocus naval de la coalition saoudienne ont rendu presque impossible pour l’Iran de fournir des armes aux Houthis dans le volume prétendu. D’ailleurs, ayant pillé diverses bases militaires lors de leur marche vers Aden, les Houthis ne manquent pas d’armes. L’influence de l’Iran au Yémen s’est sans aucun doute accrue depuis 2015, mais la réduction des complexités de la crise interne de ce pays aux ingérences iraniennes et à un bloc chiite dirigé par Téhéran, qui s’étend de Syrie vers la péninsule Arabe, revient au mieux à une simplification excessive.

L’obsession de Trump et de ses principaux conseillers pour l’Iran (un nombre remarquable d’entre eux sont des  Iranophobes) et l’obsession de Donald d’enrichir les armuriers américains et de  colporter leurs marchandises explique leur adhésion à la Maison des Saoud et leur soutien continu à son assaut sans fin contre le Yémen. (L’ amitié de Jared Kushner avec le prince héritier Mohammad bin Salman a sans aucun doute joué un rôle également). Rien de tout cela, cependant, n’explique le soutien américain à grande échelle pour l’intervention menée par les Saoudiens dans ce pays pendant les années Obama. Alors même que son administration dénonçait le massacre de civils syriens par Bachar al-Assad, ses responsables semblaient insensibles aux souffrances que la guerre infligeait aux Yéménites. En fait, l’administration Obama a offert  115 milliards de dollars d’armement à Riyad, y compris une enveloppe de  1,15 milliard de dollars finalisée en août 2016, lorsque l’ampleur de la catastrophe au Yémen était déjà trop évidente.

Ces dernières années, l’opposition à la guerre s’est accrue au Congrès, le  sénateur Bernie Sanders et le  représentant Ro Khanna ayant joué un rôle important dans sa mobilisation. Mais  ces critiques du Congrès n’ont eu aucun effet sur la politique de guerre d’Obama et sont peu susceptibles d’influencer celle de Trump. Elles se heurtent à d’énormes obstacles. Le discours dominant sur la guerre reste puissant, tandis que les monarchies du Golfe continuent d’acheter de grandes quantités d’armes américaines.

C’est donc dans ce contexte que le Pentagone met en garde contre les limites du soutien américain à la campagne de bombardement au Yémen et que le secrétaire d’État Mike Pompeo  atteste, comme l’exige le Congrès, que les Saoudiens et les Emiratis prennent des mesures parfaitement crédibles pour réduire les pertes civiles, sans quoi l’armée américaine ne pourrait continuer à faire le plein de ses avions. (Mattis a «  approuvé et pleinement soutenu » la déclaration de Pompeo). A l’approche du cinquième anniversaire de cette guerre épouvantable, les armes et l’aide logistique de fabrication américaine lui restent essentielles. Songez  aux ventes d’armes du président Trump aux Saoudiens, même si elles ne totalisent pas  100 milliards de dollars (comme il le prétend) : Pourquoi les monarques saoudiens et émiratis craindraient-ils que la Maison-Blanche ne stoppe ces ventes lucratives ou mette fin au soutien financier de leur campagne de bombardement ?

Une chose est évidente : la politique américaine au Yémen n’atteindra pas ses objectifs déclarés de vaincre le terrorisme et de faire reculer l’Iran. Après tout, ses frappes de drones y ont commencé en 2002 sous George W. Bush. Sous Obama, comme au Pakistan et en Afghanistan, les drones sont devenus l’arme antiterroriste de choix de Washington. Il y a eu  154 frappes de drones au Yémen pendant les années Obama, selon les estimations les plus fiables, et  il y a eu entre 83 et 101 victimes civiles. Sous l’impulsion de Trump, ils ont  rapidement grimpé en flèche, passant de 21 en 2016 à 131 en 2017.

Le recours aux attaques de drones a renforcé le récit d’Al-Qaïda selon lequel la guerre américaine contre le terrorisme équivaut à une guerre contre les musulmans, dont la vie est jugée sacrifiable. Et tant d’années plus tard, dans le chaos du Yémen, le pouvoir et la portée du groupe  ne font que croître. L’intervention appuyée par les États-Unis et dirigée par l’Arabie Saoudite s’avérera probablement non seulement autodestructrice, mais aussi autoprophétique. Il semble cimenter une alliance entre  l’Iran et les Houthis qui, bien qu’ils aient été chassés d’Aden, contrôlent encore une grande partie du Yémen. Pendant ce temps, dans un mouvement qui pourrait rendre la guerre encore plus meurtrière, les Emiratis semblent se battre seuls, soutenant la  sécession dans le sud du Yémen. Il n’y a pas grand-chose à montrer sur le front de l’antiterrorisme non plus. En effet, les frappes aériennes de la coalition saoudienne et les attaques de drones par les États-Unis pourraient bien amener les Yéménites, furieux par la destruction de leurs maisons et de leurs moyens de subsistance et par la mort d’êtres chers,  vers l’AQAP. Bref, la guerre contre le terrorisme s’est transformée en guerre pour le terrorisme.

Au Yémen, les États-Unis soutiennent une intervention militaire sinistre pour laquelle – à moins d’être une société d’armement – il est difficile de trouver une quelconque justification, pratique ou morale. Malheureusement, il est encore plus difficile d’imaginer le président Trump ou le Pentagone arriver à une telle conclusion et changer de cap.

Source :  Yemen’s Descent into Hell – A Saudi-American War of Terror

traduit par Pascal, revu par Martha pour  Réseau International

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