10/10/2018 reseauinternational.net  10 min #146809

Israël peut-il appliquer la stratégie de la « décongestion » ? Pour quel résultat ?

Par le Général Amine Htaite

Dans le cadre de son application de la stratégie du soft power (la  manière douce), confirmée dans le concept stratégique 2010 de l’OTAN, le camp d’agression sur la région s’est tourné vers la Syrie, après son échec de 2008 au Liban et son incapacité à détruire la résistance en démantelant son Signal Corps, et après avoir échoué dans ses objectifs en Iran en 2009 et l’effondrement de son plan pour imploser l’Iran par un soulèvement populaire sur lequel comptaient l’Amérique et les autres composantes du camp d’agression, qui considèrent « Israël » comme leur représentant régional au Moyen Orient.

Le camp d’agression pensait que la destruction de la Syrie et le contrôle de ses décombres lui permettraient de démanteler l’axe de la résistance. Il pourrait ainsi faire  passer la « liquidation du siècle » qui consoliderait définitivement l’existence et la fonction d’Israël dans la région. Ensuite, le camp d’agression pourrait, sans partage, mettre la main sur les richesses pétrolières et gazières de toute la région.

Les forces d’agression étaient persuadées et même presque convaincues que la réalisation de leur objectif en Syrie et dans la région était une certitude, qu’aucune force n’était capable de les affronter ou de les empêcher d’atteindre leurs objectifs, d’autant qu’elles ont utilisé, pour mener leur guerre, une armée de substitution composée de groupes terroristes de près de 300 000 hommes armés, amenés de la région et d’ailleurs, à qui argent, armes et équipements nécessaires ont été généreusement prodigués. Parce que ces forces d’agression croyaient que la victoire en Syrie signifiait une réorganisation de la région pour y régner durant les cent prochaines années, elles pensaient que cette guerre méritait toutes ces largesses.

Cependant, le terrain syrien a contredit les conjonctures, les espoirs et les plans des forces d’agression. Des équations y sont nées et imposées progressivement et successivement, surtout après que l’axe de la résistance, avec l’Iran et le Hezbollah, a excellé en se défendant durant les quatre premières années de l’agression, ce qui lui a permis de maintenir les structures de l’Etat et sa position officielle au niveau international, malgré les plaies et les blessures qui lui ont été infligées. Après avoir réussi à se défendre, et après que la Russie ait répondu à la demande syrienne, les forces de la résistance, avec le soutien actif et influent de la Russie, sont parvenues à récupérer la plupart des territoires qui avaient échappé au contrôle de l’Etat syrien, et seuls deux dossiers restent à traiter … le dossier de l’est de l’Euphrate et le dossier d’Idlib qui est en haut de l’échelle des priorités de l’Etat syrien, après avoir accompli la libération du front Sud.

Là, les forces d’agression ont craint une opération militaire qui libérerait Idlib la captive, et ont donc eu recours à la mise en scène de l’utilisation d’armes chimiques pour servir de prétexte à l’intervention occidentale (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Allemagne) directe pour empêcher la libération d’Idlib. Sauf que la Russie, qui avait évité la confrontation militaire avec l’Occident, a tout fait pour réfuter les allégations occidentales et bloquer l’agression. Elle s’est ensuite tournée vers ses partenaires dans le processus des accords d’Astana pour chercher des solutions au problème d’Idlib et ainsi endiguer la confrontation avec l’Occident.

Et en effet, la Russie a réussi à trouver la parade à Sotchi, en concluant un accord à propos d’Idlib avec la Turquie. Cet accord est considéré comme une solution dont la nature politique se traduit sur le terrain et dont la  procédure transitoire provisoire s’achèvera avec le retour d’Idlib à la souveraineté syrienne telle que définie par le Président Bachar al-Assad.

Lorsque les procédures de la libération d’Idlib ont commencé, conformément à l’accord de Sotchi, le camp d’agression est intervenu pour barrer la route à ces mesures et empêcher leur mise en œuvre, en attaquant directement la région. Les agresseurs n’ont pas redouté la présence russe dans la région où Israël, la France et la Grande-Bretagne, sous supervision et contrôle américains, ont participé à l’agression, tuant 15 officiers supérieurs russes. Les attaquants pensaient que leur message à la Russie lui ferait mal et obligerait la Turquie à suspendre l’exécution de l’accord.

Une fois encore, les calculs sur le terrain étaient contraires aux estimations occidentales, car la Russie a réagi au crime par la prise d’une décision stratégique sismique qui a bouleversé la scène en repoussant toute agression dont les Etats-Unis et leurs alliés menaçaient si le dossier d’Idlib n’était pas appréhendé selon les conditions coloniales occidentales. La décision russe était de renforcer les capacités de défense aérienne syrienne, de façon à fermer l’espace aérien syrien à tout avion hostile ainsi qu’à tous types de projectiles, bombes et missiles intelligents que des armes occidentales peuvent tirer contre la Syrie.

La décision russe a choqué et déconcerté tous les agresseurs qui voulaient nuire à la Syrie ; et à leur tête Israël qui a perdu un « champ de tir ouvert » qu’il pensait lui être acquis en Syrie. Les Etats-Unis ont perdu la carte de la menace de guerre et d’agression. Les allégations d’usage d’armes chimiques ont disparu des médias. Comme on ne peut perdre de vue la perte de la Turquie de sa carte de l’atermoiement et des manœuvres lui permettant de se dérober d’abord à l’accord de Sotchi et lui donnant ensuite la possibilité d’empêcher ou de compliquer les opérations militaires de libération d’Idlib, inévitables en cas d’échec de l’accord de Sotchi.

La succession d’événements dramatiques a engendré cette situation sinistre pour les forces d’agression ; les actes de la scène ont été complétés par les victoires de l’armée syrienne dans le désert de Suweida, aux abords des collines al-Safa, et par la ruine du projet américain de faire de cette région un nouveau « Tora Bora » ou un « Triangle des Bermudes » dans lequel l’armée syrienne coulerait, et de consolider la présence américaine à la base d’al-Tanf pour servir de soutien aux groupes terroristes et  à Daech.

L’entité sioniste a compris la nouvelle scène et s’est arrêtée devant les murailles en Syrie. Elle est partie chercher d’autres voies et directions pour décongestionner son agressivité. Le discours de Netanyahou a constitué la première annonce du changement de direction de l’agression « israélienne », et il a utilisé la tribune des Nations Unies pour cette annonce en jouant une pièce de théâtre risible dans laquelle il a affiché des images prétendant être celles d’entrepôts de missiles ou d’armes nucléaires stockés au Liban et en Iran. Certains ont compris que Netanyahu préparait l’opinion publique locale et internationale à des agressions dans ces deux directions.

Toutefois, la réalité et les réactions de l’Iran et du Liban ont privé Israël des chances de succès dans cette manœuvre. Tout le monde sait qu’Israël ne peut faire face seul à l’Iran, et s’il pouvait, il ne se serait pas retenu ces dix dernières années en se lamentant de la supposée menace nucléaire iranienne. Puis les missiles iraniens se sont abattus sur Daech à l’est de l’Euphrate pour servir de message aux Etats-Unis et à Israël de ce qui les attendait en cas d’agression.

Au Liban, l’attitude officielle et populaire était douloureuse pour Israël, à tel point que l’Amérique a rejeté cette posture. Mais avant cette réponse, il y avait, et il y a encore, des obstacles empêchant Israël de toute agression contre le Liban, obstacles produits par les équations de dissuasion stratégique finalisées en 2014, qui empêchent les attaques d’Israël et, ainsi, faire de la « stratégie de décongestion » au Liban ou en Iran une éventualité impossible à appliquer, car elle exposerait Israël à de grands risques qu’il ne peut contenir. Mais la question qui demeure est de savoir si Israël a renoncé maintenant à la mise en œuvre de cette stratégie ou s’il existe un autre champ, considéré comme un terrain compensatoire, où Israël peut aller.

Certains pourraient voir dans l’arène palestinienne, en particulier en Cisjordanie et à Gaza, un endroit où Israël pourrait évacuer son agressivité et démontrer sa puissance et la liberté de ses mouvements, après que les portes en Syrie, en Iran et au Liban lui ont été fermées au nez. Israël osera-t-il ?

L’éventualité existe indubitablement, mais les chances de mise en application ne sont pas élevées, surtout avec les attitudes récentes des Palestiniens sur le terrain et les positions politiques déclarées. Ici, l’opération de la résistance palestinienne dans le « Burkan » a été l’une des mesures proactives qui s’ajoutent à un certain nombre de positions et d’actions, et en tête la série des manifestations hebdomadaires (tous les vendredis) pour rejeter la liquidation de la cause palestinienne et pour marquer son adhésion à toute la Palestine. Ces mesures envoient un message important à Israël : la Palestine n’est pas le maillon faible et Israël ne devrait pas s’y aventurer. Il reste à renforcer ces mesures pour prévenir l’agression, et c’est aux dirigeants palestiniens qu’il incombe de prendre des positions servant cet objectif. La moindre des choses étant de s’unir sur les questions stratégiques et de s’entendre pour gérer les conflits sur les questions secondaires.

 Général Amine Htaite

Article en arabe :  al-binaa.com

traduit par Rania Tahar

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