12/10/2018 arretsurinfo.ch  7 min #146917

La lutte pour le pouvoir à l'intérieur des Etats-Unis met en péril la paix dans le monde

L'Allemagne adhère encore à l'alliance belliciste américaine

Par Willy Wimmer

 Zeit Fragen,  N° 21, 17 septembre 2018

Au cours d'une seule semaine, nous nous sommes aperçus de la dimension des événements auxquels nous tous sommes confrontés, même en n'étant pas Américains. Deux personnes ont posé les jalons, représentant les phares de l'establishment belliciste dominant de Washington.

L'un est l'ancien sénateur John McCain, auquel fut rendu un dernier hommage dans le pays entier et dont le cercueil fut placé de façon spectaculaire dans la salle à coupole du Capitole, un traitement d'honneur tout à fait à l'opposé du peu de considération accordé à l'actuel président Donald Trump. Chaque année, il se manifestait à la fameuse conférence de Munich, et il était évident que nul ne pouvait contester sa réputation d'«archiprêtre de la guerre» au sein du parti républicain. Il n'était pas seul, cela fut visible avec l'alliance des va-t'en-guerre englobant également le parti démocratique et sa dernière candidate suprême Hillary Clinton.

Pour des millions d'Américains, Trump est le contrepoids à l'alliance des va-t'en-guerre

Des millions d'Américains ont perçu Washington comme insensible à leurs besoins et ont pensé devoir placer un contrepoids sous forme du président Donald Trump pour sauver l'«Amérique» en tant que pays libre. Toutefois, la Washington politique actuelle éprouve une telle haine contre son propre président, perçu comme «arriviste politique», que l'on doit se demander comment un chef d'Etat peut survivre à une telle menace subversive. Avec John McCain une icône républicaine de la coalition belliciste a disparu, et aucun successeur n'est en vue. La prochaine guerre sera-t-elle donc renvoyée à plus tard?

Bob Woodward: «La grande peur dans la Maison Blanche»

Non, ni à Washington, ni parmi les partisans internationaux des troupes de la sainte croisade washingtonienne, on est forcé d'attendre. Avec la prépublication du livre rédigé par le fameux auteur américain Bob Woodward et intitulé «Fear: Trump in the White House» [La grande peur: Trump à la Maison Blanche], on prépare le terrain. Il semblait que la situation à Washington ne pouvait empirer. Après la mort de John McCain, tout ce qu'on voulait pouvait être mis en route à Washington. Mais une seule chose ne pouvait se faire: attendre jusqu'à ce que le bouquin sur cet abominable actuel habitant de la Maison Blanche sorte de presse - car il ne fallait surtout pas perdre de temps...

Depuis presque deux ans, le président Trump est constamment mis sous pression. Le livre de Bob Woodward est sensé contribuer à l'éliminer de sa présidence et de toute influence politique. Nous Européens pourrions observer cette vision d'autodestruction américaine en nous délectant dans notre fauteuil. Cela est cependant la dernière chose que nous pouvons nous permettre. Pourquoi? Parce que l'establishment washingtonien et ses éminences grises londoniennes sont en train de bricoler des prétextes pour déclencher la prochaine guerre, tant en Syrie qu'avec l'empoisonnement des Skripal. En Europe, nous devons garder les yeux ouverts. Entre la prochaine guerre et nous Européens, il n'a plus que Donald Trump. Selon Sigmar Gabriel, cette guerre pourrait nous éliminer tous. Tant que le président américain ne déclenche pas sa propre guerre, on ne peut prouver le contraire, même si notre espoir de paix ne tient plus qu'à un fil, vu la rage belliqueuse washingtonienne.

Souvenez-vous des mots de Roosevelt - une caractérisation de la politique américaine

On n'a qu'à prendre en compte les transformations de la situation mondiale dont les Etats-Unis sont principalement responsables depuis des décennies. Selon l'auteur allemand Wolfgang Effenberger, dans son livre sur la «Pax Americana» paru déjà en 2004, le président de l'époque Roosevelt a affirmé le 5 octobre 1937 à Chicago dans son texte écrit que «sous la terreur actuelle de l'absence du droit international, des peuples innocents sont brutalement sacrifiés sur l'autel de l'avidité du pouvoir et de la domination sans égard pour la justice et le respect humain.»
Suite à ce discours, il est difficile de s'opposer à l'impression que Roosevelt aurait également - concernant l'Europe et ses régions limitrophes - fustigé à juste titre la politique menée par son pays depuis le déclenchement de la guerre criminelle contre la République fédérale de Yougoslavie et tout ce qui a suivi.

Précarité de la situation actuelle pour nous tous

Cela met en évidence à quel point la situation est précaire pour nous tous qui aimons notre vie tout autant que la vie d'autrui. Le système qui a produit ces guerres doit être maintenu sans pitié, car sinon il faudrait s'attendre à une vague mondiale de procès contre les criminels de guerre. La situation syrienne est hautement dangereuse pour nous tous, car la situation qui s'y dessine à l'horizon est perçue par l'alliance des va-t'en-guerre de Washington comme un gros feu rouge» pour la poursuite de leur politique interventionniste pratiquée depuis 1999. Des bouleversements géopolitiques pourraient suivre presque immédiatement.

«Shareholder Value» et l'establishment libéral de gauche

En analysant de plus près la situation de «Washington», nous réalisons que ce ne sont pas que les guerres qui nous menacent. La campagne électorale du candidat présidentiel Bernie Sanders nous l'avait déjà montré. Tout ce qui pourrait s'opposer au «Shareholder Value» et à l'establishment libéral de gauche doit être abattu inconditionnellement. Ainsi, les rencontres entre la chancelière allemande et le président américain Obama [juste après l'élection de Donald Trump, ndlr.] ayant eu lieu avant et pendant le «Kirchentag protestant allemand» à Berlin font sens: si déjà l'alliance multipartite belliciste avec sa candidate présidentielle Hillary Clinton n'a pas réussi à empêcher l'accès au pouvoir de Donald Trump, il fallait qu'au moins l'establishment libéral de gauche au sein de l'OTAN puisse survivre. Toutes les forces furent mobilisées. Si on analyse la situation en Allemagne, on voit que cette clique défendra sa position de pouvoir avec «bec et ongles».

Le sombre rôle de l'Allemagne

C'est depuis longue date qu'il ne s'agit plus de chercher le «meilleur pour la cité». Après l'expérience de cette dernière élection présidentielle aux Etats-Unis, on ne veut plus remettre en question le système social. Depuis de longues années déjà, les pourfendeurs de l'«économie de marché sociale» sont insultés et étiquetés de «communistes». Quiconque exige que l'«Etat de droit démocratique» soit le fondement pour les droits humains et citoyens est exposé à des attaques, par l'entremise d'agents provocateurs, rappelant le passé allemand, et on leur montre ainsi qu'on ne lâchera plus jamais le pouvoir. Au pire des cas, on mobilisera la Bundeswehr contre son propre peuple, ce qui est d'ailleurs prévu dans le malfamé Traité de Lisbonne de l'Union européenne.
Les sbires du dernier système d'injustice en terre allemande sont mobilisés avec de l'argent étatique pour s'attaquer aux démocrates sincères, pour influencer les gens avec des diffamations auto-fabriquées. On se sert du bourbier politique «rouge-brun» pour obtenir les résultats souhaités en Allemagne.

En Europe, on ne respecte plus les voisins

La candidature de Manfred Weber - candidat de pointe du PPE (parti populaire européen) pour le poste de président de l'organe exécutif de l'UE - illustre parfaitement de quoi la politique berlinoise est capable. Plus personne ne cache le fait que le comportement de la Berlin politique est une des causes principales du Brexit. Avec la chancelière Angela Merkel, le principe du respect pour les voisins, recette du succès de la politique allemande de l'après-guerre, a été abandonné. Manfred Weber fut un éminent pourfendeur de l'immigration de masse organisée par Mme Merkel. Que veut-on atteindre avec un tel président allemand pour l'UE? Servir l'Europe ou plutôt le système de pouvoir berlinois, entièrement soumis à l'alliance des va-t'en-guerre washingtoniens? •

(Traduction Horizons et débats)

 Source: Zeit Fragen

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