18/10/2018 reseauinternational.net  14 min #147170

Le prince clown saoudien a contrarié les journalistes mainstream en s'en prenant à l'un des leurs

Exclusif : Sept des gardes du corps de bin Salman parmi les suspects de l'affaire Khashoggi

MEE révèle les grades des militaires saoudiens soupçonnés d’avoir tué Jamal Khashoggi et leurs liens étroits avec le prince héritier Mohammed bin Salman

par David Hearst

Middle East Eye peut révéler que sept des 15 hommes soupçonnés d’être impliqués dans une opération visant à tuer le journaliste saoudien Jamal Khashoggi appartiennent à la sécurité personnelle et à la protection du prince héritier Mohammed bin Salman.

Les suspects sont allés dîner chez le consul général d’Arabie Saoudite après avoir assassiné et démembré Khashoggi à l’intérieur du consulat, a indiqué mercredi à MEE une source au bureau du procureur général d’Istanbul. La police turque a finalement  eu accès à l’immeuble mercredi.

La plupart d’entre eux sont des officiers de haut rang qui ont accompagné le prince héritier lors de visites diplomatiques au Royaume-Uni et en France au début de cette année.

Les 15 hommes ont été photographiés lors du contrôle des passeports à l’aéroport Ataturk le 2 octobre (AFP)

MEE a obtenu du ministère de l’Intérieur saoudien un document détaillant leurs grades, leur date de naissance, leur passeport et leurs numéros de téléphone, et indiquant quand ils ont accompagné bin Salman lors de voyages à l’étranger. Tous sont membres de la force de sécurité spéciale du prince héritier.

MEE ne publie pas le document afin de protéger la sécurité de ses sources.

La confirmation que ces sept membres sont des membres de haut rang de l’équipe de protection rapprochée du prince héritier et qu’ils voyagent régulièrement avec lui lors de visites prestigieuses compliquera les efforts en cours pour éloigner bin Salman de l’enquête sur le meurtre à Istanbul.

Trois suspects ont visité le Royaume-Uni

Au moins trois d’entre eux ont accompagné bin Salman lors de sa visite au Royaume-Uni en mars. Il s’agit du Lieutenant Dhaar Ghalib Dhaar Al-Harbi, du Sergent Major Walid Abdullah Al-Shihri et de Abdul Aziz Muhammad Musa Al Hawsawi.

Au moins deux d’entre eux ont accompagné le prince héritier en France en avril. Il s’agit du major général Mahir Abdul Aziz Muhammad Mutrib et du colonel Badr Lafi Muhammad Al-Oteibi.

Mohammed bin Salman rencontre la reine Elizabeth en mars 2018 lors de sa visite au Royaume-Uni (AFP)

Middle East Eye a appelé les sept numéros de téléphone avec les indicatifs téléphoniques saoudiens, mais la plupart des numéros avaient été déconnectés. L’un des numéros a sonné sans réponse. Un homme a répondu à un autre numéro en disant qu’il n’était pas la personne nommée dans le document.

Les médias turcs ont publié les noms et les photos des 15 suspects la semaine dernière après que des sources turques proches de l’enquête eurent déclaré à Middle East Eye et à d’autres organes de presse que les procureurs présumaient que Khashoggi avait été tué et démembré peu après son entrée au consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul le 2 octobre.

Le 2 octobre, plusieurs des suspects sont arrivés à l’aéroport Ataturk par des vols commerciaux tôt le matin, tandis que d’autres sont arrivés à bord d’un jet privé en provenance de Riyad plus tard dans la matinée. Un deuxième jet privé a atterri à Istanbul cet après-midi-là, et trois suspects ont également voyagé par des vols commerciaux.

Les suspects se sont rendus dans deux hôtels proches du consulat saoudien mais ont tous quitté le pays quelques heures après leur arrivée. Treize des 15 suspects ont quitté Istanbul à bord des deux jets privés le soir du 2 octobre, tandis que les deux derniers sont partis par des vols commerciaux tôt le 3 octobre.

Des responsables saoudiens ont nié avoir connaissance de la disparition de Khashoggi et ont d’abord affirmé qu’il avait quitté le consulat peu de temps après son arrivée. Après la publication des noms des 15 suspects, la  chaîne de télévision saoudienne al-Arabiya les a qualifiés de «touristes».

Cependant, CNN a rapporté en début de semaine que l’Arabie Saoudite s’apprêtait à admettre que Khashoggi était mort au cours d’un  interrogatoire bâclé ou d’une tentative d’enlèvement, dans un climat de répulsion internationale face aux circonstances présumées de la mort présumée du journaliste.

Celui que l’on suspecte d’être le « coordinateur »

Mutrib, l’officier le plus haut gradé parmi les sept nommés dans le document du ministère de l’Intérieur, a été identifié par les enquêteurs comme étant le « coordinateur de l’opération », selon des sources turques de MEE.

Ils disent que Mutrib avait affrété les deux avions privés pour la mission et était l’un des deux suspects à voyager avec des passeports diplomatiques.

Meshal Saad M Albost, né en 1987; Mustafa Muhammed M Almadani, né en 1961; Mansour Othman Aba Hussein, né en 1972; Mahir Abdul Aziz Muhammad Mutrib, né en 1971; Walid Abdullah al-Shihri, né en 1980 (AFP)

Mutrib a déjà été identifié par le  New York Times comme un diplomate affecté à l’ambassade d’Arabie Saoudite à Londres sur la base d’une liste diplomatique du bureau des affaires étrangères britannique datant de 2007.

Le journal a également  retrouvé des photographies Mutrib montant la garde aux côtés du prince héritier lors de visites en Espagne, en France et aux États-Unis.

De gauche à droite: Fahad Shabib A Albalawi, né en 1985; Dhaar Ghalib Dhaar Al-Harbi, né en 1979; Salah Muhammad A Tubaigy, né en 1971; Saif Saad Q Alqahtani, né en 1973; Badr Lafi Muhammad al-Oteibi, né en 1973 (AFP)

Dans ce document, Mutrib est désigné comme un « ingénieur en communication » et un « compagnon de sécurité » du prince héritier.

Deux des noms figurant sur la liste ne sont pas identifiés comme ayant accompagné bin Salman lors de ses visites à Londres et à Paris.

De gauche à droite: Nayif Hasan Saad al-Arifi, né en 1986; Abdul Aziz Muhammad Moussa al Hawsawi, né en 1987; Muhammed Saad H Alzahrani, né en 1988; Khaled Aedh G Altaibi, né en 1988; Turki Muserref M Alsehri, né en 1982 (AFP)

Les deux, cependant, sont haut placés. Il s’agit du major Nayif Hasan Saad Al-Arifi et du brigadier général Mansour Othman Aba Hussein. Les deux sont décrits comme des « agents de soutien (sécurité et protection) pour le prince héritier saoudien ».

Le spécialiste en autopsie

Salah Muhammad al-Tubaigy est un huitième homme, identifié sur des cassettes audio et dont le contenu a été  divulgué à MEE comme celui qui a procédé au démembrement de Khashoggi alors qu’il était drogué mais toujours en vie.

Tubaigy avait deux postes de direction. L’un d’entre eux était le poste de président du département des preuves médico-légales au sein de la Sécurité générale saoudienne. Le second était celui de président du conseil scientifique de la médecine légale au sein de la Commission saoudienne pour les spécialités de santé.

C’est l’équivalent saoudien du General Medical Council, le régulateur médical britannique, et dans un poste aussi éminent, Tubaigy serait un examinateur des médecins souhaitant se qualifier en tant que spécialiste en médecine légale, et c’est lui qui déciderait si les médecins formés à l’étranger étaient qualifiés pour travailler en tant que spécialistes en médecine légale dans les hôpitaux saoudiens.

Le New York Times a rapporté mardi que Tubaigy avait publié une étude sur la dissection et les autopsies mobiles et indiqué que sa présence parmi les suspects « suggère que la mise à mort aurait pu faire partie du plan initial ».

Les dernières révélations sur les liens étroits de bin Salman avec sept des 15 suspects vont probablement renforcer les soupçons sur ce que le prince héritier savait et sur le point de savoir si une opération impliquant des membres de haut niveau de son propre service de sécurité aurait pu être commanditée à son insu ou sans ordres explicites.

Officiellement, le prince héritier, qui est également ministre de la Défense, contrôle les trois forces armées saoudiennes, le ministère de la Défense, la garde nationale et le ministère de l’Intérieur.

Mardi, le président américain Donald Trump a tweeté que bin Salman avait « totalement nié toute connaissance de ce qui s’était passé » à Istanbul et avait lancé une « enquête approfondie sur cette affaire ».

Trump s’est entretenu avec bin Salman lors d’une visite du secrétaire d’État américain Mike Pompeo à Riyad, alors que l’étroite alliance de la Maison-Blanche avec le roi saoudien faisait l’objet d’une attention croissante à la suite de la disparition de Khashoggi.

Le ministère britannique des Affaires étrangères a déclaré au MEE qu’il allait devoir demander aux autorités saoudiennes de confirmer les membres de la délégation du prince héritier lors de la visite de bin Salman à Londres.

Le MEE a contacté les ambassades saoudiennes de Londres et de Washington ainsi que le ministère français des Affaires étrangères pour avoir leurs commentaires.

 Photo: Des médecins légistes et des enquêteurs turcs arrivent mercredi à la résidence du consul général d’Arabie saoudite (AFP)

Source :  middleeasteye.net

Traduction  Avic Réseau International

 reseauinternational.net

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