03/11/2018 reseauinternational.net  10 min #147813

L'Amérique latine et les Caraïbes dans la stratégie « made in China 2025′

par Oscar Ugarteche et Larry Vargas

« Made in China 2025 » est un plan directeur industriel, annoncé par le Conseil d’État chinois en 2015 1, dont l’objectif est de consolider l’économie asiatique en tant que superpuissance mondiale, par l’innovation technologique dans les activités manufacturières comme axe central. Cette politique industrielle a non seulement des objectifs spécifiques pour 2025, mais aussi jusqu’en 2049 2, centenaire de la fondation de la République Populaire de Chine et du maoïsme.

Cette stratégie inclut implicitement le projet politico-économique « Belt and Road«  3, également connu sous le nom de « Nouvelle route de la soie« , car il reconstruit les anciennes routes commerciales reliant les civilisations asiatiques, reliant en particulier la Chine à l’Afrique et à l’Europe au XIXe siècle, en incorporant une route maritime parallèle. Belt and Road vise à générer 55 % du PIB mondial 4, avec des implications économiques sur 75 % des réserves énergétiques et 70 % de la population mondiale, d’ici 2049.

Ainsi, le président chinois Xi Jiping, considéré comme le dirigeant politique chinois le plus influent depuis Mao Zendong, avec son credo de la résurgence de la Grande Nation chinoise, unit les différentes économies du monde, sous les cinq piliers de la coexistence pacifique 5 : respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale ; accord mutuel de non-agression ; accord mutuel de non-ingérence dans les affaires intérieures ; égalité et intérêt mutuel ; coexistence pacifique. C’est presque le parfait inverse des États-Unis en Amérique Latine. Bien que ce discours semble séduisant pour les économies émergentes, il sera nécessaire de savoir quel sera le coût d’opportunité social et économique de l’embarquement dans le train Made in China 2025.

En ce sens, les investissements économiques et infrastructurels de la Chine dans divers pays du monde, dans le cadre de ses stratégies industrielles, mettent à l’épreuve la suprématie des grandes économies et entreprises mondiales d’aujourd’hui, en plus de faire de la Chine un chef de file en matière d’innovation, capable d’influencer les normes et chaînes logistiques mondiales. Compte tenu de ce scénario, quelles sont les implications de l’Amérique Latine et des Caraïbes (ALC) pour atteindre les objectifs de Made in China 2025 ?

Exportations et importations de ALC avec la Chine (en dollars US)

Ces dernières années, la Chine a manifesté un intérêt économique et géopolitique dans les différents pays de l’ALC. Un exemple de cela est la force commerciale qui, grâce à la croissance des exportations et des importations, a crée la boucle ALC-Chine. Cependant, la Chine considère les pays d’Amérique du Sud comme des fournisseurs de matières premières et, dans certains cas, comme une source de financement des investissements dans les infrastructures 6, tandis que les pays du bassin des Caraïbes considèrent la Chine comme un dragon bénéfique 7 en recevant des aides financières pour le développement social. Pour la Chine, le commerce avec les Caraïbes est minuscule par rapport au reste du monde, mais son intérêt pour cette région est surtout géopolitique, car elle remplace Taïwan comme source de matières premières à long terme et s’installe dans le bassin des Caraïbes, mettant Cuba mal à l’aise, tandis que les États-Unis se limitent à militariser leurs relations avec cette région.

Actuellement, bien que de nombreux pays d’Amérique Latine et des Caraïbes soient pris en compte dans le projet Belt and Road, le Panama est le seul pays qui a signé un mémorandum de participation dans ce cadre. Dans cette optique, lors du deuxième Forum chinois avec les États d’Amérique Latine et des Caraïbes (CEPALC), qui s’est tenu en janvier de cette année 8, les responsables chinois ont qualifié la région « d’extension naturelle » de la Belt and Road, ajoutant que la région est un « participant indispensable » dans sa construction.

Compte tenu de ce qui précède, il est évident que la région ALC entretient des liens commerciaux étroits avec le mécanisme central de l’économie mondiale du XXIe siècle. Cependant, il le fait de manière erronée, car il n’y a pas de diversification dans les biens et services échangés. Comme le montre le graphique 2, la plupart des importations chinoises en provenance de l’ALC sont des produits de base, maintenant une relation centre-périphérie.

Il est également évident que le déficit commercial du Mexique avec la Chine représente l’essentiel du déficit commercial de l’Amérique Latine avec le géant asiatique. Les pays du bassin des Caraïbes, dont la Mésoamérique, ont un déficit qui s’explique essentiellement par l’ampleur du déficit mexicain.

L’intégration de la région ALC en tant qu’engrenage de la machine Made in China 2025 est imminente, car elle représente le rôle d’un important fournisseur de matières premières, ainsi qu’un consommateur potentiel de produits manufacturés. Il est essentiel que les gouvernements des deux sous-blocs de l’ALC, sur le point de rejoindre le projet industriel chinois, considèrent l’intégrité commerciale et la diversification, à leur portée.

La situation en 2017 est que le déficit commercial moyen avec la Chine des pays du bassin des Caraïbes s’élève à 93,4% du total des flux commerciaux avec eux. Le plus marqué est Saint-Vincent qui n’exporte rien vers la Chine et le moins marqué est Trinidad et Tobago qui a un déficit de 54% du commerce total. Ils exportent du pétrole vers la Chine. Cela indique que le bassin des Caraïbes et l’Amérique Centrale n’offrent pas de biens et de services à la Chine, mais se limitent à acheter. Dans ce scénario, le Mexique achète des intrants pour l’industrie de l’assemblage afin de les fabriquer pour le marché américain. Son déficit avec la Chine représente 84% de ce qu’il échange avec elle.

En Amérique du Sud, la situation est différente. La Chine investit principalement dans les mines et achète d’importantes productions agricoles. Ainsi, le déficit moyen de l’Amérique du Sud est de 20,7 % du commerce total, avec des pays excédentaires comme le Brésil et des pays déficitaires comme le Paraguay, la Bolivie, l’Équateur, l’Argentine et l’Uruguay.

L’ampleur du déficit commercial du Mexique équivaut à 88 % du déficit de l’Amérique Latine avec la Chine. Il s’agit de 71,881 millions de dollars sur un déficit total de 81,028 millions de dollars pour les 22 pays. En raison de l’ampleur du déficit, le Mexique achète Made In China en très grande majorité sans vendre presque rien en retour. Apparemment, la Chine achète des matières premières et vend des produits industriels, suivant le vieux modèle de la dépendance latino-américaine du XIXe siècle.

1  english.gov.cn

2 merics.org

3 Pour plus d’informations, voir le site officiel de Bel et Road du Gouvernement chinois à l’adresse suivante :  yidaiyilu.gov.cn

4  alainet.org

5  cr.chineseembassy.org

6  revista.drclas.harvard.edu

7  tandfonline.com

8  chinacelacforum.org

Source :  América Latina y el Caribe en la estrategia “Made in China 2025”

traduit par Pascal, revu par Martha pour  Réseau International

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