10/11/2018 2 articles cadtm.org  7 min #148089

Guinée Conakry : Déclaration à l'issue du séminaire de formation sur les dettes illégitimes, leurs impacts et les alternatives

À Conakry en Guinée

À l'initiative du CADTM Afrique et du Secrétariat international partagé du Réseau CADTM, (Comité pour l'abolition des dettes illégitimes) s'est tenue dans la ville de Conakry, en Guinée, une formation sur les dettes illégitimes, leurs impacts et les alternatives du 6 au 8 novembre 2018 dans la salle de conférence de l'Institut national de recherche et d'action pédagogique sis à Donka, dans la commune de Dixinn.

Cette rencontre, destinée à la formation des membres du Réseau, a permis aussi d'échanger entre les soixante militantes et militants venu-e-s de quatre (4) pays africains (la Guinée Conakry, le Mali, le Maroc, le Bénin) et la France.

Le mécanisme de la dette comme système de transfert des richesses du Sud vers le Nord et ses conséquences sur la vie des peuples de notre continent ont été au centre des travaux de cette formation.

Nous, mouvements sociaux réunis à cet effet à Conakry en Guinée, avons au cours de cette formation traité plusieurs thèmes qui touchent les problèmes entravant le progrès social et économique du continent africain particulièrement la Guinée Conakry.

Ainsi, nous avons abordé ce qui suit :

  • La situation politico-économique et sociale de la Guinée ;
  • La dette et l'aide publique au développement dans le cadre de la réalisation du Plan national de développement économique et social de la Guinée Conakry ;
  • Les mouvements sociaux et le Plan national de développement économique et social de la Guinée Conakry ;
  • L'historique de la politique anti-dette du CADTM, objectifs, stratégies, structures organisationnelles du Réseau international CADTM ;
  • La situation actuelle de la dette en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne
  • Quelles alternatives au système de microcrédit ?
  • Les impacts de la dette sur les Droits humains fondamentaux, notamment en fonction du genre et de la classe sociale ;
  • L'audit citoyen de la dette et les arguments juridiques pour répudier une dette illégitime, illégale, odieuse et insoutenable ;
  • La dette comme outil de domination politique et de transfert des richesses.

L'actualité et l'importance de ces problématiques, analysées au cours de cette formation, nous amènent à réaffirmer la nécessité d'élargir le front social commun entre les mouvements des pays du Sud d'une part et le Nord d'autre part. La construction croissante de résistances et d'alternatives à travers les mouvements sociaux que nous représentons constitue déjà aujourd'hui, et constituera plus encore demain, les forces nécessaires pour mettre au pas les logiques de dépendances dans laquelle le système capitaliste et le système dette tente de nous emprisonner.

Par voie de conséquence nous, mouvements sociaux réunis durant ces trois jours, avons remarqué une fois encore :

  • Qu'au-delà des effets d'annonce d'annulation de la dette par les pays dits développés et autres institutions de Bretton Woods, une nouvelle crise de la dette est déjà visible pour certains pays africains et se pointe à l'horizon pour d'autres ;
  • Que les accords de libre-échange constituent des instruments en faveur des grandes puissances capitalistes et des multinationales du Nord et qu'à ce titre ils représentent des accords commerciaux néocoloniaux contre les peuples ;
  • Que les industries extractives présentes développent leur activité au mépris du droit à la vie des populations et des travailleurs, et qu'elles exercent leur pillage en toute liberté et en toute impunité sans qu'aucun contrôle ne soit exercé par les autorités politiques et administratives sur elles ;
  • Que l'orientation de l'agriculture vers l'exportation au profit du secteur de l'agrobusiness détruit l'agriculture vivrière, accentue l'appauvrissement des paysans et la dépendance alimentaire de nos pays vis à vis de ceux du Nord ;
  • Que les partenariats public-privé ne sont que le nez caché de la privatisation ou la mobilisation de l'argent public pour nourrir le privé.

Pour l'ensemble des raisons susmentionnées nous, mouvements sociaux participants, exigeons :

  • La mise en place d'un audit citoyen de la dette extérieure et intérieure de la Guinée Conakry pour en déterminer les parts illégitimes, illégales, odieuses et insoutenables et de procéder à leur abolition pure et simple ;
  • L'arrêt des classements du climat des affaires (programme Doing Business) de la Banque mondiale, qui ne s'appuient que sur le registre de la spéculation, au détriment des critères sociaux et environnementaux, et favorisent l'accaparement des terres et de l'eau ;
  • L'arrêt et l'annulation des contrats de prêts chinois et concessions d'autres multinationales basés sur le pillage systématique des ressources naturelles ;
  • L'arrêt et annulation des contrats de désendettement et de développement (C2D) qui maintiennent les peuples africains sous perfusion ;
  • L'arrêt de la vente des titres de dettes publiques sur les marchés financiers des pays les plus industrialisés aggravant la situation d'endettement des pays du Sud ;
  • La renationalisation de toutes les sociétés d'État et les services publics qui ont été privatisés sous la pression du FMI et la Banque mondiale et contre les intérêts des Africains ;
  • La création d'une banque du Sud en remplacement du FMI et de la Banque mondiale ;
  • L'arrêt immédiat de l'accaparement des terres, du pillage des ressources naturelles et minières de la Guinée Conakry et du continent africain ne profitant qu'à une élite étrangère et nationale ;
  • L'abolition de toutes les formes d'oppression (sociale, patriarcale, néocoloniale, politique, etc.) afin de promouvoir un développement autour des priorités et spécificités des peuples de l'Afrique ;
  • La réinstauration d'un système de contrôle de la population sur le mouvement des capitaux ;
  • La rupture avec les institutions financières et l'abolition de toutes les dettes illégitimes publiques et privées (microcrédits...) pour recouvrir notre souveraineté économique, politique et alimentaire.

Nous travaillerons aussi à :

  • Faire de la mobilisation sociale une arme ;
  • Susciter un débat public autour de la dette ;
  • Démultiplier la formation et la sensibilisation à tous les niveaux.

Nous, mouvements sociaux guinéens, nous nous engageons à poursuivre ce combat en développant notre solidarité pour la justice socioéconomique et climatique.

Nous ne devons rien, nous ne paierons rien.
Un autre monde est possible.

Fait à Conakry le 8 novembre 2018

Liste des signataires

ATTAC CADTM Maroc-Secrétariat International Partagé du CADTM
CAD Mali (Coalition des Alternatives Africaines Dette et Développement)
CADD-CADTM Benin (Cercle d'Autopromotion pour le Développement Durable)
CADTM France
SGAR (Secrétariat Général aux Affaires Religieuses)
APL (Association de Presse Libre)
APL (Association des papillons libres)
AFD (Action Femmes Développement)
Jeunesse CEDEAO
CONAG-DCF (Coalition nationale de guinée pour le droit et la citoyenneté des femmes)
CNOSCG (Conseil national des organisations de la société civile guinéenne)
SERPROMA (Service national de promotion et de règlementation des ONG)
AFOGAD (Association de Femmes Originaires de Gaoual pour le Développement Durable de Guinée)
AGUIPEL (Association Guinéenne de la presse en ligne)
AGFC (Association Guinéenne des femmes Chercheurs)
RAFFA (Rassemblement des Filles et Femmes Altermondialistes de Guinée)
SLEECG (Syndicat Libre des Enseignants et Chercheurs de Guinée)
AMG (Altermondialistes de Guinée)
ONG Pacific
RAFEP/G (Réseau Africain pour l'Autopromotion des Femmes, de l'enfant et de la Famille)
CADIF (Coalition pour les Alternatives Dettes et Développement)
CERIDA (Centre d'Etude et de Recherche pour l'Intégration régionale et le Développement en Afrique)
UGTG (Union Générale des Travailleurs de Guinée)
OGC (Organisation Guinéenne de la Citoyenneté)
FSPE (Fédération syndicale professionnelle d'éducation)
CONASOC (Coordination Nationale des Organisations de la Société Civile)
CONASIG (Confédération Nationale des Syndicats Indépendants de Guinée)
Jeunesse CEDEAO
SIFOG (Syndicat Indépendant des Forces Ouvrières de Guinée)
ONSLG (Organisation nationale des syndicats libres de Guinée)

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