10/11/2018 cadtm.org  7 min #148090

Guinée Conakry : Déclaration à l'issue du séminaire de formation sur les dettes illégitimes, leurs impacts et les alternatives

Rapport de synthèse du séminaire de formation en Guinée Conakry sur les dettes illégitimes, leurs impacts et les alternatives

Les travaux se sont déroulés du 06 au 08 novembre 2018 à Conakry dans la salle de conférence de l'Institut national et d'action pédagogique (INRAP).

Ce séminaire a été organisé par le Comité pour l'abolition des dettes illégitimes (CADTM) en collaboration avec le Centre d'études et de Recherche pour l'intégration et le développement de l'Afrique (CERIDA) ; il vise à renforcer les synergies Sud-Sud face au système dette et pour la mise en place d'alternatives. II a également pour objectif de contribuer à la compréhension des problématiques de la dette par les organisations membres du CERIDA) et les acteurs de la société civile guinéenne. Étaient présents, les représentants de l'administration, des organisations de la société civile, les médias, etc.

La rencontre a démarré par les différentes présentations.

Monsieur le représentant de la DND-APD/MEF, du CERPROMA et celles des délégués du CADTM qui se sont relayés pour présenter leurs communications. Ces communications ont porté sur la dette publique de la Guinée qui comprend deux parties :

- La dette extérieure et
la dette intérieure

Dans son exposé, il a indiqué que la dette publique représente 48 % du PIB (produit intérieur brut). Il a aussi déclaré que le taux d'endettement extérieur de la Guinée a été ramené à 21% en 2016 et 12% en 2017. Selon lui ces différentes dettes ont servi à la réalisation des infrastructures de base.

Monsieur le représentant de SERPROMA est intervenu sur le fonctionnement de sa structure et les motifs de non délivrance des agréments. Tout en promettant de remonter les différentes inquiétudes exprimées à sa hiérarchie.

Messieurs Broulaye Bagayoko, Omar Aziki et Claude Quémar ont fait une présentation sur l'historique de la politique anti-dette du CADTM, y compris le groupe de coordination du CADTM Afrique. Les exemples des pays qui ont eu le courage de s'affranchir de la dette des Institutions financières internationales ont été débattus.

La deuxième journée a commencé par la lecture, l'amendement et l'adoption du rapport du 1er jour.

Elle a été ponctuée de plusieurs communications, à savoir : la situation politico- économique et sociale de la Guinée, les alternatives aux microcrédits, l'impact de la dette sur les femmes, sur les droits humains, l'audit citoyen de la dette.

À l'entame des travaux, le président du CNOSCG a fait un exposé sur les différentes crises sociales et politiques que traverse présentement le pays. II a rappelé qu'en procédant à une analyse de la situation sociale, il s'est avéré que la Guinée est dans une situation de confusion due au manque de justice, à la corruption politique, aux insuffisances du code électoral qui nécessite une révision. Selon lui seul l'exercice du contrôle citoyen peut remédier à ces crises récurrentes.

À la suite de cette communication, les participants ont eu droit à un large éventail de partage d'expériences du Bénin, du Mali, du Maroc ainsi que celle de la Guinée.

Tamandaho Dossi Emilie du CADD Bénin a présenté l'expérience du Bénin, axée sur les tontines traditionnelles jusqu'à la création d'une banque avec un taux d'intérêt de 2 % dégressif comme alternative aux microcrédits a été présentée aux participants.

S'agissant du Mali, Korotoumou Traoré a présenté la situation du microcrédit et les alternatives qui encourageant les tontines des femmes afin de s'autofinancer. L'autre combat que mènent les femmes maliennes est de ramener le taux actuel très élevé de 24 % à 4 %.

Ensuite ce fut le tour de la Guinée de présenter sur l'expérience de la Mutuelle financière des femmes africaines (MUFFA de Ratoma et réseau MC2/MUFFA), un moyen de développement de la femme lancée le 27 juillet 2018 sur fonds propres d'un groupe de femmes. Dans son fonctionnement, en plus des parts sociales, la caution de deux cent dix mille francs (210 000) versées par les femmes adhérentes, il a la particularité d'être appuyé par Afriland first banque qui injecte 1 milliard de francs dans MUFFA. Le taux de remboursement est de 95 % avec un taux d'intérêt de 1,5 %.

Pour le Maroc qui n'a pas une tradition des tontines, les femmes sont obligées de recourir aux institutions de microcrédit.

Parlant de l'impact de la dette sur les femmes, il est ressorti qu'elle porte préjudice aux droits humains, qu'elle constitue un objet de domination auquel les femmes devraient faire barrage. Car elle pille, contribue à la dégradation de la qualité des soins ayant pour conséquence l'accroissement du taux de décès maternel et infantile, le chômage, une éducation au rabais sans compter son cortège d'humiliations auxquelles les femmes font face. Des humiliations qui ont pour noms les abandons de foyer, le suicide, les répudiations ; cette liste des impacts négatifs des microcrédits n'est pas exhaustive.

II est apparu clairement au cours des différentes communications que les programmes d'ajustement structurel empêchent les gouvernements de faire face à leurs obligations. Ils nous maintiennent par contre dans la misère. Du coup les facilitateurs recommandent qu'il faille enlever le secteur bancaire des mains des capitalistes ou des créanciers. Et que le secteur financier doit rester public pour financer les actions de développement de l'État. Des pistes de solutions adaptées à nos réalités comme la valorisation de la charte de Kouroukanfouga ont été évoquées, ainsi que le renforcement de capacité des élus pour freiner la corruption. Tout ceci soutenu par la vision de la CAD-Mali présenté par Souleymane Dembelé dans exposé sur la dette et les droits humains.

Toutes ces présentations ont été suivies de fructueux débats.

La journée a pris fin par la présentation sur l'audit citoyen de la dette. Ce thème a été également décortiqué dans toute ses dimensions.

Des questions liées aux arguments juridiques pour refuser de payer une dette, qu'est-ce qu'un audit de la dette publique, pourquoi le mener, le droit à l'audit, qui doit prendre l'initiative et comment le réaliser ; en passant par le droit à l'information aux catégories d'audit, tout a été passé au peigne fin.

Le facilitateur a surtout insisté sur le droit de regard de la société civile sur la gestion de la dette et l'obligation pour le gouvernement de rendre compte.

Le troisième jour, après lecture du rapport du deuxième jour, la problématique de la dette comme outil de domination politique et du transfert des richesses a été abordée.

Le présentateur a remonté l'historique de la dette depuis la période coloniale, des indépendances jusqu'à nos jours. Le cercle vicieux de la dette des années 1970, 1980, 1990 et celle en cours a aussi été étayé. II a noté que les indépendances de nos pays n'étant pas totales, la dette de l'époque coloniale a été reportée. C'est pourquoi ces pays ont continué de s'endetter avec des arguments comme les mégaprojets tels que la construction des barrages hydro- électriques. II y a aussi le cas des prêts bilatéraux contractés pour aider les régimes dictatoriaux à consolider leurs pouvoirs.

II a été révélé que la dette illégitime, odieuse et insoutenable accentue les pillages de nos ressources ; à cela s'ajoute les effets négatifs du libre-échange prôné par l'Organisation mondiale du commerce. Un modèle commercial qui à son tour promeut la privatisation des services publics, le rapatriement des capitaux. Nos pays se retrouvent être des éternels créanciers des pays développés. Tout ceci aggravé par la fuite des cerveaux, l'immigration clandestine, les paradis fiscaux, le chômage, des mesures d'austérité, l'asservissement des peuples imposé par les institutions financières parfois même aux pays du Nord.

Au titre des recommandations formulées, il faut noter :

La ré-instauration d'un système de contrôle de la population sur le mouvement des capitaux ;
La rupture avec les institutions financières, avec tout le système de la dette ;
Faire de la mobilisation sociale une arme ;
Réorienter notre agriculture afin qu'elle puisse répondre à nos besoins alimentaires ;
Veiller à la qualité des intrants et méthodes agricoles pour ne pas altérer nos sols, contrer la pollution de notre environnement qui constitue également des formes d'asservissement ;
Susciter un débat public autour de la dette ;
L'annulation de la dette.

Les rapporteurs :

Mariame BAMBA de la CONAG-DCF
Mamadou Aliou Sall du SLECG
Ahima Diallo du CONASOC
Hamid Sow de l'OGC
Aïcha N'Youla Camara du RAFFA

 cadtm.org

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