12/11/2018 les-crises.fr  26 min #148170

De Brasilia à Wiesbaden : La revanche des peuples... Par Guillaume Berlat

Source :  Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 05-11-2018

Le premier numéro de « Diplomatie internationale » (« Le Magazine indépendant des relations internationales »), bimestriel couvrant la période novembre-décembre 2018 titre à sa Une sur « Populiste et Après ? Jusqu'où ira la vague nationaliste ou souverainiste ? » sur fond de photo de Matteo Salvini, vice-Président du Conseil italien. Il agrémente cette accroche médiatique de différents commentaires. « En Europe, aux États-Unis, en Amérique du Sud ou en Asie, le populisme séduit les électeurs déçus ou inquiets face à l'immigration ou la crise » écrit-il fort justement. Et de présenter les différents articles qu'il soumet aux lecteurs à qui l'on raconte aujourd'hui tout et son contraire sur ce phénomène : « Amérique : faut-il prendre au sérieux Trump ? » ; « Orban : l'homme de fer » ; « Brexit : au bord de l'accord » ; « Russie : l'Europe doit-elle se rapprocher de Poutine » ? ; « Turquie : la stratégie d'Erdogan » ; « Espagne : le retour du Franquisme » ; « Inde : Modi ou les pleins pouvoirs » ; « Israël : le projet de Netanyahu » ; « Venezuela : la dérive de Maduro ». Le tout est réhaussé d'une « opinion » de Michel Onfray, l'interdit de séjour dans les médias français pour cause de parler-vrai de parler qui dérange. Tout est dit ou presque sur le développement d'un phénomène qui laisse nos dirigeants déboussolés1.

La question du dégagisme quasi-permanent des partis traditionnels ne cesse de se poser au cours des dernières années, des derniers avec une réelle acuité sans que nos dirigeants bien/mal inspirés ne parviennent à juguler un phénomène qualifié de « mal » ou du moins le considèrent-ils comme tel2. Or, cette tendance au « démocrato-scepticisme » se répand aux quatre coins de la planète à la vitesse de l'éclair, par une sorte d'effet de contagion à l'instar d'une maladie honteuse3. Deux épisodes récents se déroulant le dimanche 28 octobre 2018 viennent grossir la saga du feuilleton « populiste » qui déboussole nos hommes et nos femmes politiques, voire incrédules, qui sait les deux mon colonel : Brésil4 et Allemagne. Durant son repos de la Toussaint, Emmanuel Macron se dit « frappé » (Mazette, quelle clairvoyance ?), dans un entretien au quotidien Ouest-France, par la ressemblance entre la situation actuelle en Europe et celle des années 1930, et appelle à « être lucide » (en pratiquant l'anathème et en accusant le thermomètre !) et à « résister » (contre les peuples ? contre l'expression du suffrage universel ? veut-il revenir au suffrage censitaire ?). Revenons sur la signification réelle de ceux scrutins qui se déroulent des deux côtés de l'Atlantique !

BRÉSIL : LA VICTOIRE DE JAIR BOLSONARO

Une fois encore, c'est le peuple brésilien qui a tranché de manière très démocratique dans ce qui apparait à l'évidence comme la chronique d'un succès annoncé. En France, le moulin à bêtises fonctionne à plein régime, démontrant le mépris souverain de la classe politique pour le peuple souverain selon les termes même de la constitution de la Ve République du 4 octobre 2018. Sic transit gloria mundi !

Chronique d'un succès annoncé : le succès du peuple

Jamais un candidat n'a été pilonné grâce à un tel tir de barrage par la presse de la bienpensance internationale - celle qui s'autorise à définir le bien et le mal - dans les semaines ayant précédé le premier tour d'une élection présidentielle, mais surtout le second au Brésil. Grâce à sa boule de cristal et à son de clairvoyance, elle voit déjà « l'extrême droite au pouvoir, un illusionniste sans scrupule »5. Jair Messias Bolsonaro, puisque c'est de lui dont il s'agit est traité de tous les qualificatifs les plus injurieux : « populiste », fachiste », « sexiste », « homophobe », « raciste », de Donald Trump version tropicale, de « fasciste aux portes du pouvoir », « Jair Bolsonaro ou la haine de la démocratie », de « petit frère sud-américain de Donald Trump »6... En voilà un qui est habillé pour l'hiver. Mais, rien n'y fait ! Lors du second tour des élections présidentielles du 28 octobre 2018, il l'emporte avec 55% des suffrages contre son adversaire du parti des travailleurs (P.T.), Fernando Haddad7. Comment aurait-il peu en être autrement, et quoi qu'en puisse penser du nouvel élu, le Brésil est confronté à une très grave crise : corruption généralisée des politiques, insécurité insupportable et situation économique particulièrement dégradée ? De quel crédit de confiance disposait, le candidat du parti des travailleurs lorsque l'on se souvient de la destitution de Dilma Rousseff en août 2016, la condamnation de son prédécesseur Lula, en juillet 2017, puis son emprisonnement en avril 2018 et son interdiction de briguer un nouveau mandat ?8 « La peur du rouge a précédé celle du brun ». Qu'ajouter de plus sur le morcellement de l'opposition face à un candidat, si démagogue soit-il, qui fait de la lutte contre la corruption et l'insécurité son cheval de bataille ? Les peuples refusent de reprendre les mêmes et de recommencer comme si de rien n'était. Cette élection était courue d'avance sauf pour les Candide. Une fois encore, nos bons esprits crient au « populisme », concept pris dans sa dimension la plus méprisante9. L'homme ne fait que répondre aux attentes de son peuple10.

Pour ce qui est du programme du futur président de la République brésilienne, voici ce que nous en savons à ce jour11.

Sur le plan économique, il se situe dans une approche typiquement libérale en administrant un remède de cheval pour réduire les déficits et redonner du dynamisme à une économie qui tourne au ralenti12.

Sur le plan de la sécurité, il entend donner un sérieux tour de vis et faire donner l'armée, le cas échéant, pour remettre de l'ordre dans les favelas et autres lieux de haute criminalité. On peut lui faire confiance.

Sur le plan de la justice, il choisit comme ministre le juge Sergio Moro, magistrat à l'origine de l'incarcération du charismatique Lula. Un fonctionnaire dont on dit qu'il s'est sacrifié pour combattre la corruption13.

Sur le plan diplomatique, Jair Bolsonaro se présente comme un admirateur de Donald Trump dont il inspire sa diplomatie. Il envisage de de transférer l'ambassade du Brésil à Jérusalem, mesure répondant à la demande des églises évangéliques dont le soutien a été déterminant dans son élection14. Il a promis de fermer l'ambassade de Palestine à Brasilia. Il envisage également de revoir ses relations avec la Chine, premier partenaire commercial du Brésil. À cet égard, il emploie une formule choc : « La Chine n'achète pas au Brésil, la Chine achète le Brésil ». Au multilatéralisme, il préfère le bilatéralisme dont il pense qu'il favoriserait l'économie brésilienne. Durant la campagne électorale, il a promis de se retirer du Comité des droits de l'homme de l'ONU, motif pris que cet organe avait réclamé la libération de l'ex-président Lula. Dans la même veine, il a promis d'extrader l'Italien Cesare Battisti, condamné en Italie pour quatre assassinats dans les années 1970. L'asile politique de ce militant d'extrême gauche avait été obtenu sous le règne de la corruption du chef des « pettistes », Lula.

S'agissant du climat et de l'environnement, le futur président entend, comme l'a fait Donald Trump sortir de l'accord de Paris sur le climat. Au rythme où vont les choses, on peut et doit s'interroger sur ce qu'il restera bientôt du chef d'œuvre de la diplomatie multilatérale climatique arraché en décembre 2015 à Paris par ce grand escogriffe de Laurent Gaffius. L'homme qui entend porter sur les fonts baptismaux un pacte mondial pour l'environnement ?

Chronique d'une ineptie annoncée : le mépris du peuple

En France, les réactions de l'intelligentsia de la République en godillots et de son « leader maximo », Emmanuel Macron baignent dans l'hypocrisie moralisatrice et frisent l'indécence diplomatique tant elles font litière de l'expression de la souveraineté du peuple et se prononcent avant même que Jair Bolsonaro ne prenne officiellement ses fonctions en janvier 2019. Elles semblent ignorer tous les contre-pouvoirs existants encore au Brésil15.

Du côté du château, Emmanuel Macron a félicité, dès le 29 octobre 2019, Jair Bolsonaro pour son élection mais a souligné que la France entendait baser sa coopération future avec le Brésil sur la base des valeurs démocratiques et des engagements sur le climat, deux avertissements très clairs au nouveau président brésilien. « La France et le Brésil entretiennent un partenariat stratégique noué autour des valeurs communes de respect et de promotion des principes démocratiques », peut-on lire dans un communiqué de l'Elysée publié au lendemain du scrutin. « C'est dans le respect de ces valeurs que la France souhaite poursuivre sa coopération avec le Brésil, pour relever les grands défis contemporains de notre planète, aussi bien dans les domaines de la paix et de la sécurité internationales, que dans le cadre de la diplomatie environnementale et des engagements de l'Accord de Paris sur le climat », poursuit ce document. Il faudra bien qu'un jour tous ces honnêtes gens veuillent bien nous expliquer ce que signifie véritablement le terme « valeurs » toujours décliné au pluriel. Celui au nom duquel la France éternelle se couche devant le prince réformateur MBS lorsqu'il découpe en rondelles à la scie et en musique, Jamal Khashoggi dans les locaux du consulat général d'Arabie saoudite à Istanbul16. Ville qui accueille le sommet des quatre (Erdogan/Macron/Merkel/Poutine) sur la Syrie. Encore un concept à géométrie et à indignation variable selon que votre escarcelle est bourrée de pétro-dollars ou désespérément plate. C'est ce que l'on qualifie vraisemblablement de logique au pays d'un certain René Descartes !

Du côté de la République au pas de l'oie, on ne fait pas dans la dentelle. Le parti présidentiel, la République en marche à coups de pompe dans l'arrière-train, prend moins de gants qu'Emmanuel Macron, jugeant Jair Bolsonaro « fièrement homophobe, climatosceptique, sexiste, raciste ». « Cette tragédie électorale nous oblige. Nous n'avons pas le choix, nous ne devons pas échouer. Sinon nous voyons ce qui nous attend. Progressistes de tous pays, unissons-nous ! », écrit sur Twitter le mouvement fondé par Emmanuel Macron. « Le Brésil est tombé dans la tragédie », renchérit sur la même plateforme son délégué général par intérim, Philippe Grangeon.

Du côté du Quai d'Orsay, du Quai des Brumes, c'est également du lourd, du très lourd. Plus tôt que la REM, le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Jean-Baptiste (Cardinal) Lemoyne avait appelé à un « extrême courage » et à une Europe forte au lendemain de l'élection du candidat d'extrême droite. « Face à la montée d'extrêmes, que ce soit d'extrême droite ou d'extrême gauche partout dans le monde, il faut être d'extrême courage et c'est ce à quoi nous appelons ici », a déclaré Jean-Baptiste Lemoyne sur France 2. « La candidature de M. Bolsonaro a fructifié sur la faillite de quatre mandats du Parti des travailleurs, des cas de corruption, d'affaires, de scandales d'Etat », a-t-il estimé. « Il y a un retour d'autorité, de puissance. C'est pourquoi nous, les Européens, nous devons absolument être une Europe puissante face à la Russie, à la Chine, à un certain nombre de puissances qui se cristallisent autour d'un homme », a-t-il poursuivi17. Cet illustre inconnu aurait-il consommé quelques substances illicites avant de prononcer ses paroles historiques ? Celles que lui seul prend au sérieux mais qui font sourire dans les chaumières de notre douce France et dans les chancelleries des pays qui comptent encore dans le concert des nations. En dépit de sondages que l'on nous présente comme favorables aux partis nobles pour les prochaines élections européennes, on ne se sent pas très à l'aise dans les cercles bienpensants (ou mal pensants au choix) germanopratins à la veille de cette échéance qui pourrait sonner le glas de la politique de déni de réalité.

Avec le Quai d'Orsay new-look et jupitérien, le pire est toujours certain. Nous vivons un nouvel épisode de la bande dessinée de notre enfance, Les Pieds Nickelés avec dans le rôle de Croquignol notre menhir amateur de chouchen, de Ribouldingue notre drôle d'oiseau et de Filochard notre bénédictin inculte18. La réalité dépasse souvent la fiction. Tel est bien le cas avec l'épisode cévenol du 28 octobre 2018. La diplomatie n'est-elle pas la mesure dans l'expression écrite et orale ? Les excès de langage n'ont rien à voir avec elle. Ils relèvent des pratiques de cours d'écoles ou des banlieues difficiles. Bravo à tous ces ignorants qui nous coûtent un pognon de dingue et ne connaissent rien à la pratique diplomatique la plus élémentaire. Honte à eux ! Dans ces conditions, on comprend mieux le naufrage de la diplomatie française du buzz et de l'inconséquence.

Du côté des intellectuels (que représentent-ils ?), on en appelle à la solidarité internationale (que veut dire très concrètement ce concept aussi flou que celui de communauté internationale ?)19. Cela ne peut pas faire de mal et cela donne bonne conscience à peu de prix.

Seul du côté du Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, on se félicite de ce succès et on en félicite l'auteur, pensant que l'histoire pourrait peut-être se répéter dans l'hexagone à la faveur du coup de pompe jupitérien20. Qui sait ? Il ne faut jamais insulter l'avenir.

Tout ceci est profondément pitoyable pour des représentants de la patrie autoproclamée des droits de l'homme et autres fadaises « made in France » ! Alors même que les premiers concernés les dirigeants d'Amérique du Sud félicitent sans réserve le nouvel élu21. Mais, une mauvaise (bonne ?) nouvelle n'arrive jamais seule. En Allemagne, la chancelière accumule les déroutes élection après élection dans les Länder (Bavière hier, Hesse aujourd'hui).

ALLEMAGNE : LA DÉROUTE DE LA CDU ET DU SPD EN HESSE

Après les élections en Bavière, celle du Land de Hesse avaient tout de la chronique d'une défaite annoncée pour les deux grands partis de gouvernement (CDU et SPD). Aujourd'hui, il y a fort à que ces deux claques électorales ne soient les signes précurseurs d'une débandade programmée dans les mois à venir.

Chronique d'une défaite annoncée : l'Hessepoir fait vivre

Depuis quelques moins, les « merdes, ça vole en escadrille » (Jacques Chirac) chez nos voisins d'Outre-Rhin. Après la claque de la chancelière allemande aux élections fédérales d'octobre 2017 (recul de la CDU/CSU, chute vertigineuse du SPD, maintien des Verts, effacement du FDP et entrée de l'AFD au Bundestag, une première depuis 1945), les élections régionales (au niveau des Länder) tournent, les unes après les autres, à la Bérézina pour Angela Merkel alors que la situation économique dans le pays est florissante (excédents budgétaires, commerciaux, quasi plein emploi...). Après la gifle bavaroise pour la CSU, les partis traditionnels boivent le calice jusqu'à la lie aux élections dans le Land de Hesse22, ouvrant un boulevard aux Verts et, surtout à l'AFD, désormais présent dans tous les parlements régionaux et au parlement fédéral. Outre l'usure naturelle du pouvoir pour une chancelière indéboulonnable (qui sait pour combien de temps encore ?)23, une question sociétale est présente dans tous les esprits, celle de la politique d'accueil libérale (laxiste ?) d'un million de migrants en 2015 (cinq fois plus qu'en 2014). Décision utopique qui se paie à chaque élection régionale en RFA. Et décision prise, sans la moindre consultation/concertation préalable de ses partenaires européens. À quoi sert le traité de Lisbonne et tous ses gadgets nombreux, inutiles et coûteux comme le service européen d'action extérieure (SEAE) présenté comme une diplomatie européenne (qui n'existe pas de facto) et la haute représentante pour la politique étrangère et de sécurité, l'évanescente Federica Mogherini présentée comme un ministre européen des Affaires étrangères (qui n'existe ni de facto, ni de jure). La bonne blague si l'on est sérieux l'espace de quelques instants de réflexion !

Dans la foulée du résultat catastrophique des élections dans le Land de Hesse, Angela Merkel annonce qu'elle abandonnera la présidence de la CDU et quittera la vie politique en 202124. En définitive, c'est Angela Merkel qui sonne la fin de son mandat de chancelière en lui fixant une échéance précise25. Et dire que Jupiter avait tout basé sur elle pour relancer l'Union européenne ! Tout s'effondre comme un vulgaire château de cartes26. Le discours refondateur de la Sorbonne, que les perroquets à carte de presse nous présentaient en son temps comme le must de la diplomatie jupitérienne, n'aura vécu que l'espace d'un matin. Mais, certaines bonnes âmes veulent encore croire qu'Angela Merkel s'engagera encore sur l'Europe alors qu'elle est durablement affaiblie27.

Chronique d'une débandade programmée : Au revoir Mutti, on vous regrettera28

Que s'est-il produit depuis l'été 2015 en Allemagne ? La politique du cœur sous la main d'un dirigeant humaniste qui se transforme en politique du coup de pied au derrière du peuple. Nous touchons là à la dimension irrationnelle des peuples plus chatouilleux, que nos élites déconnectées veulent bien le croire, dès qu'il s'agit de leur histoire, de leur culture, de leurs traditions, de leur langue, de leur mode de vie, de leur « Heimat », de leurs religions... Tout ce qui touche à leur A.D.N. et que l'intelligence artificielle - si intelligente soit-elle - ne parvient pas à déceler ! Dans un contexte de poussée de l'extrême-droite, de contestation de la mondialisation, de montée du terrorisme, de repli sur soi..., s'attaquer aux équilibres subtils sur lesquels repose une société est toujours problématique, pour ne pas dire dangereux. Le château de cartes peut s'effondrer à tout moment. Nous en avons un exemple devant nos yeux. D'autres pourraient suivre dans les mois et les années à venir.

Quand nos dirigeants comprendront-ils qu'ils ne sont que les mandataires des peuples et non le contraire ? Une belle leçon de droit constitutionnel pour nos élites méprisant le peuple ignare. Une belle leçon de géopolitique des passions. Une belle leçon de diplomatie pour les nullissimes. À quand un processus d'évaluation transparent et public de nos dirigeants : présidents de la République, premier ministre, ministres, secrétaires d'État ? Afin que les incompétents soient renvoyés à leurs chères études, au mieux, voire poursuivies politiquement, administrativement, financièrement et pénalement. Nos élites cesseraient certainement de nous raconter des bobards à longueur de journée.

Nous vivons désormais dans un univers hobbesien de rapports de forces sans règles, ni normes, rejetant le multilatéralisme et les institutions internationales. Il faudra bien nous y faire et surtout nous y adapter en attendant le retour de jours meilleurs pour le multilatéralisme et le droit international largo sensu.

VENT PLANÉTAIRE29

« Brésil : inquiétant retour du passé » titre l'éditorial du Monde30. Il faudra s'y faire, quoi qu'en disent nos dirigeants atteints de psittacisme, la montée des « populismes » est un phénomène pérenne auquel il faudra s'adapter31. Aujourd'hui, à la lumière des résultats des dernières élections aux quatre coins de la planète32, notre élite sans boussole est confrontée à un choix binaire : continuer à dénoncer la bête immonde en pratiquant la politique de l'anathème ou innover en cherchant à comprendre, à réfléchir aux causes profondes de ce rejet croissant, par les peuples, d'un système à bout de souffle. Résultats sans appel mais aussi incapacité phénoménale de élites et des partis traditionnels à répondre aux attentes des peuples dont ils sont les représentants. « Plutôt que de tenter de comprendre les raisons de leurs disgrâces, les représentants des démocraties s'entêtent à ne rien entendre des critiques.... Emmanuel Macron n'est pas le dernier à caricaturer ces dirigeants 'populistes » qu'il assimile aux années 30. Il les voit comme des esprits fous qui mentent à leurs peuples... Oui, les discours de haine sont chez ceux qui les dénoncent... Le déni de réalité reste la commodité de ce monde qui perd pied... Les peuples réclament des bilans plus que des prêches » 33.

Même s'il existe des nuances, parfois importantes entre toutes les formes de « populisme », le moins que l'on puisse dire est qu'elles possèdent quelques points de convergence : rejet d'une mondialisation échevelée qui accroit les inégalités et le déclassement des classes défavorisées, crainte de perte de son identité, sentiment d'insécurité physique et culturelle... À trop détourner pudiquement le regard de leurs citoyens désabusés et mécontents, ils risquent d'essuyer un sérieux camouflet lors des prochaines élections au parlement européen, en mai 2019. Et de nous asséner après cette très probable mandale, le plus sérieusement du monde, qu'ils n'avaient rien vu venir. Les illusions du monde nouveau se dissipent. Un ordre mondial est à réinventer. Les amarres sont larguées. Reste à trouver le bon cap. Retour de l'histoire, retour de la géographie, retour des frontières, retour des nations et, en dernière analyse, revanche des peuples. Telle est la morale de l'histoire germano-brésilienne que nous venons de vivre ce dimanche 28 octobre 2018. De Brasilia à Wiesbaden, n'est-ce pas la simple mais écrasante revanche des peuples contre les élites, voire la révolte des peuples contre les utopies34 ?

Guillaume Berlat
5 novembre 2018


1 Thomas Canataloube, Inégalités, corruption, mensonges. Aux origines du crash des démocraties,  www.mediapart.fr, 2 novembre 2018.
2 Jean-Michel Thénard, Dégage, avec ton Brésil ! L'internationale populiste s'étend, Le Canard enchaîné, 31 octobre 2018, p. 8.
3 Isabelle Lasserre, Jair Bolsonaro renforce le camp des démocrato-sceptiques, Le Figaro, 30 octobre 2018, p. 4.
4 Lamia Oualalou, La Samba de l'extrême droite, Marianne, 26 octobre - 1er novembre 2018, pp. 30-31-32-33-34.
5 Claire Gatinois/Nicolas Bourcier, Bolsonaro élu, l'extrême droite au pouvoir. Un illusionniste sans scrupule, Le Monde, 30 octobre 2018, pp. 2-3.
6 Éric Zemmour, Jair Bolsonaro, petit frère sud-américain de Donald Trump, Le Figaro Magazine, 2 novembre 2018, p. 48.
7 Jean-Mathieu Albertini, Brésil : à qui profite l'élection de Bolsonaro ?,  www.mediapart.fr, 29 octobre 2018.
8 Claire Gatinois, Une opposition en miettes après une campagne ratée, Le Monde, 30 octobre 2018, p. 4.
9 Claudio Couto, « Un populiste par excellence », Les Échos, 30 octobre 2018, p. 6.
10 Sébastien Lapaque, Brésil : la victoire de Bolsonaro ou la revanche de « l'homme ordinaire », Le Figaro, 30 octobre 2018, p. 16
11 Michel Leclercq, Les robustes potions du président Bolsonaro, Le Figaro, 30 octobre 2018, p. 2.
12 Thierry Ogier, Brésil : la potion économique libérale de Jaïr Bolsonaro, Les Échos, 30 octobre 2018, p. 6.
13 Claire Gatinois, Au Brésil, les ambiguïtés du juge Sergio Moro, Le Monde, 1er - 2 novembre 2018, p. 2.
14 Luiz Felipe de Alencastro, Le vote des fidèles évangéliques a été déterminant, Le Monde, 31 octobre 2018, p. 22.
15 Claire Gatinois, Brésil : les garde-fous aux projets de Jair Bolsonaro, Le Monde, 31 octobre 2018, p. 4.
16 Benjamin Barthe/Louis Imbert/Gilles Paris/Piotr Smolar, L'affaire Kashoggi sape les ambitions saoudiennes. Les Occidentaux sont contraints de prendre temporairement leurs distances avec Riyad, Le Monde, 31 octobre 2018, p. 3.
17 Agence Reuters, Brésil : Macron rappelle les principes, son parti parle de « tragédie »,  www.mediapart.fr, 29 octobre 2018.
18 René Pellos/René Lortac, Les Pieds Nickelés ministres, Hachette, 1964. Résumé. Après avoir glané quelques subsides en porteurs de parapluies et gagné à une tombola un camping-car, les Pieds Nickelés descendent sur la Côte d'Azur. Leurs pérégrinations les amènent à la Principauté de Moncoco où ils se transforment d'abord en trafiquants d'alcool et de tabac, puis en guérisseurs nouvelle génération pour accéder in fine au côté même du prince Zigomar IV en tant que ministres. On ne peut que craindre le pire !
19 Antoine Acker/Silvia Capanema, Brésil : la solidarité internationale s'impose, Le Monde, 31 octobre 2018, p. 22.
20 Erik Emptaz, Fatigué, Macron s'isole et prend cinq jours de repos. Après Jupiter, le Roi-Sommeil. Coup de pompe, Le Canard enchaîné, 31 octobre 2018, p. 1.
21 Marie Delcas/Christine Legrand, Félicitations sans réserve des dirigeants latino-américains, Le Monde, 31 octobre 2018, p. 4.
22 Stefan Seidendorf, En Hesse, les électeurs face à l'image désolante du gouvernement allemand, Le Monde, 30 octobre 2018, p. 23.
23 Agence Reuters, Angela Merkel renoncerait à la présidence de la CDU,  www.mediapart.fr, 29 octobre 2018.
24 Cécile Boutelet, Merkel prépare l'après-Merkel. Le Long crépuscule d'Angela Merkel, Le Monde, 31 octobre 2018, pp. 1-2.
25 Ninon Renaud, Allemagne : Angela Merkel donne le coup d'envoi à sa succession, Les Échos, 30 octobre 2018, p. 5.
26 Cécile Boutelet, Allemagne : Angela Merkel va abandonner la présidence de la CDU, Le Monde, 30 octobre 2018, p. 8.
27 Catherine Chatignoux, Paris veut croire que Merkel s'engagera sur l'Europe, Les Échos, 31 octobre 2018, p. 7.
28 O. B.-K., La reine Angela est morte, vive la reine !, Le Canard enchaîné, 31 octobre 2018, p. 8.
29 Arnaud de la Grange, Vent planétaire, Éditorial, Le Figaro, 30 octobre 2018, p. 1.
30 Éditorial, Brésil : inquiétant retour du passé, Le Monde, 30 octobre 2018, p. 24.
31 Guillaume Berlat, Merci pour ce moment... populiste,  www.prochetmoyen-orient.ch, 22 octobre 2018.
32 Patrick Bèle, L'Amérique latine à droite toute, Le Figaro, 30 octobre 2018, p. 4.
33 Ivan Rioufol, La révolte des peuples contre les utopies, Le Figaro, 2 novembre 2018, p. 15.
34 Ivan Rioufol, précité.

Source :  Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 05-11-2018

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