05/12/2018 tlaxcala-int.org  6 min #149208

Dans les médias américains, Israël est intouchable

Marc Lamont Hill : Je suis désolé que mes choix de mots aient pu faire des dégâts

 Marc Lamont Hill

Au cours de la semaine dernière, j'ai été mêlé à une  controverse concernant mon discours aux Nations Unies sur le sort du peuple palestinien. Mes remarques ont suscité une vive controverse dans tout le pays et ici même à Philadelphie. Plus précisément, certains ont fait valoir que mes remarques entérinaient ou reflétaient l'antisémitisme. Pour cette raison, je me sens moralement obligé de répondre.

Marc Lamont Hill dans son coffee shop de Germantown, à Philadelphie. Photo ED HILLE / The Inquirer

Premièrement, je crois fermement que nous devons rejeter l'antisémitisme sous toutes ses formes. Cela signifie qu'il faut non seulement prévenir la violence physique contre les Juifs, mais aussi les images antisémites laides, les stéréotypes, les théories du complot et les mythologies. En tant qu'activiste et universitaire, j'ai fait de mon mieux pour pointer du doigt ces réalités et les remettre en question dans la mesure du possible. Par exemple, à la suite du massacre de la synagogue de Pittsburgh, j'ai non seulement dénoncé le massacre comme un ignoble acte terroriste, mais j'ai aussi parlé de la montée générale de l'antisémitisme aux USA et dans le monde. Tout au long de ma carrière, j'ai fait de mon mieux pour identifier et éradiquer l'antisémitisme dans chaque mouvement politique et social dont j'ai fait partie. On ne peut tout simplement pas s'engager en faveur de la justice sociale et ne pas s'engager dans la lutte contre l'antisémitisme.

C'est précisément cet engagement en faveur de la justice sociale qui m'a incité à accepter une invitation à prendre la parole devant les Nations Unies sur le sort des Palestiniens. Au cours de mon intervention, j'ai présenté une analyse profondément critique de l'État d'Israël. Plus précisément, j'ai contesté le système de justice pénale israélien, l'expansion des colonies de peuplement en Cisjordanie et la nécessité de traiter les violations des droits de l'homme dans tout le pays et les territoires occupés (en 1967). J'ai également réitéré l'importance de la solidarité mondiale pour produire la justice. On ne peut tout simplement pas être progressiste et ignorer le sort des Palestiniens.

Beaucoup se sont focalisés en particulier sur ma dernière phrase, qui disait que la justice exigeait une "Palestine libre, du fleuve à la mer". Les détracteurs de cette phrase ont laissé entendre que j'appelais à la violence contre le peuple juif. En toute honnêteté, j'ai été stupéfait, et attristé de cette réaction.

Mon utilisation de l'expression "du fleuve à la mer" était une invocation d'une longue histoire d'acteurs politiques - libéraux et radicaux, palestiniens et israéliens - qui ont avancé leur vision particulière de la justice dans la région allant du Jourdain à la Méditerranée. Pour beaucoup, la justice viendra d'une solution à deux États. Pour certains, comme moi, la justice viendra d'un seul État démocratique binational qui englobe Israël, la Cisjordanie et Gaza. Je crois fermement que c'est la meilleure méthode pour parvenir à la paix, à la sûreté, à la sécurité et à l'autodétermination tant pour les Israéliens que pour les Palestiniens. La justice exige que tout le monde, pas seulement une seule partie, soit libre et égal.

Tout au long de mon discours, j'ai parlé explicitement de la nécessité d'une réforme politique israélienne, en particulier en ce qui concerne les citoyens arabes d'Israël. J'ai également appelé à un redécoupage des frontières selon les tracés d'avant 1967, ainsi qu'à une plus grande attention aux droits humains de ceux qui vivent en Cisjordanie et à Gaza. À ce moment-là, je pensais que ces exigences formulées dans le discours reflétaient suffisamment ma foi dans un changement radical au sein d'Israël, et non le désir de sa destruction.

Manifestement, cela n'a pas été le cas

Je prends au sérieux les voix de tant de frères et sœurs juifs, qui ont interprété mes remarques comme un appel ou un appui à la violence. Plutôt que d'entendre une solution politique, beaucoup y ont vu un message codé qui évoquait une longue et profonde histoire de violence contre les juifs. Bien que ce soit la chose la plus éloignée de mon intention, ces mots en particulier ont clairement causé de la confusion, de la colère, de la peur et d'autres formes de sentiments négatifs. J'en suis profondément désolé.

En tant que communicateur, je dois assumer la responsabilité de la réception de mon message. Dans ce cas, les derniers mots de mon discours sont devenus une distraction dangereuse et nocive de mon analyse politique. Plutôt que de parler de la situation critique des Palestiniens ou d'engager des conversations difficiles mais nécessaires sur la manière positive et fructueuse d'aller de l'avant pour les deux parties, l'essentiel de la conversation a porté sur mes choix de mots. Dans cette mesure, je n'ai pas rendu service aux Israéliens ou aux Palestiniens. Pour cela aussi, je suis profondément désolé.

Au lendemain de cette controverse, je reste fermement attaché à l'amour et à la solidarité avec les peuples opprimés. Je reste engagé dans des dialogues critiques à travers la ville, le pays et le monde afin de faire avancer la cause de la justice. Et je reste ouvert à l'apprentissage, à la croissance et à la lutte commune pour la liberté.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  www2.philly.com
Publication date of original article: 01/12/2018

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