06/12/2018 reseauinternational.net  5 min #149227

Quand la France entraîne l'Occident dans la reconquête de l'Afrique sahélienne...

Le 31 octobre 2018, la Commission de la Défense de l'Assemblée nationale française accueillait la délégation de ses membres qui venaient de se rendre au Niger et au Mali pour prendre connaissance des activités militaires occidentales telles qu'elles se développent dans le cadre du G5 Sahel.

Le rapporteur, Jean-Jacques Michel, nous permet, tout d'abord, de prendre conscience de la dimension de l'espace géographique concerné :

« C'est une opération régionale, donc en réponse à des enjeux transfrontaliers, d'ampleur territoriale équivalente au continent européen […] avec un environnement désertique particulièrement éprouvant pour les femmes et les hommes, et surtout le matériel qui a des contraintes très difficiles par la nature de l'environnement. » (transcription, par M. J. Cuny, de la vidéo présente, le 29 novembre 2018, sur le site de l'Assemblée nationale)

« Surtout le matériel »… effectivement, cela coûte très cher… La soldatesque, c'est autre chose… Ça ne fait guère que des morts et des blessés…

N'empêche : il y a, là-bas, l'équivalent du territoire européen à « sécuriser »… et jusque dans le détail. En effet, nous dit le rapporteur :

« Il faut produire de la sécurité même dans les zones les plus reculées, donc quand on voit la dimension, l'immensité de l'espace, ce n'est pas quelque chose d'évident. »

Les habitants de l'ensemble de cette zone extraordinairement étendue n'y couperont pas, et jusque dans les moindres recoins : l'armée française et ses alliés sont venus là pour tout contrôler et en poussant jusque dans l'infiniment petit…

Or, ces Occidentaux y sont venus – bien malgré eux, sans doute ! – parce que, décidément, les populations locales refusent de se soumettre à la « démocratie ». Encore faut-il que ce soit une démocratie très conciliante avec les intérêts financiers impérialistes qui ne cessent de répandre le bonheur chez eux comme un peu partout sur la planète. Mais quand c'est à l'extérieur, ils préfèrent envoyer leurs avions et leurs bateaux de guerre, ainsi que quelques-uns de leurs fantassins de luxe, accompagnés de troupes dont il est impossible de méconnaître qu'elles sont de facture « coloniale », comme au bon vieux temps. Ce bonheur a donc fleuri tour à tour en Afghanistan, en Irak, en Libye et, pour finir, en Syrie, mais là ils sont tombés, à ce qu'il paraît, sur un bec…

N'empêche, au Sahel, ils ont tout de même encore l'impression d'être vraiment chez eux… et la délégation de la Commission de la Défense aussi : elle s'y trouvait bien. Tous les témoignages concordent.

Mais revenons au rapporteur… La « démocratie » s'exporte très mal dans les pays du Sahel, de sorte que les pauvres Etats qui ont eu la bonne idée de se rallier aux anciennes puissances coloniales qui prétendent la leur apporter dans leurs flancs ne méritent guère que d'être qualifiés d'« institutions locales » au milieu d'un univers extrêmement sauvage qui fait frémir l'Europe tout en lui donnant des dents de carnassier :

« Les principaux facteurs de la crise sont l'immensité des territoires qui sont mal contrôlés, une démographie galopante qui ronge les gains de développement possibles, et un sous-développement, une pauvreté qui nourrissent l'économie informelle, la corruption et fragilisent surtout les institutions locales. »

Le pire est qu'au-delà du cadre général particulièrement hostile, il y ait même des éléments populaires qui osent relever la tête en dehors du gentil cadre électoral qui devrait – normalement – leur clouer le bec :

« Autour de tout cela, nous trouvons des tensions inter-ethniques et un djihadisme d'opportunisme, en fait, différentes milices, ou chefs de guerre locaux, trafiquants, qui profitent de cette situation instable pour prospérer sur le plan d'une économie parallèle. »

Car il est entendu que l'économie occidentale qui voudrait bien se saisir des richesses du sous-sol n'a rien de parallèle, elle… Non, elle a l'habitude de se servir directement dans les plats, et, s'il le faut, à coups de fusil…

Tiens, au fait, les fusils (avions, drones, etc.), à quoi peuvent-ils servir dans le cadre de l'implantation de la démocratie à grands coups d'élimination physique de tout ce qui prétend résister ?

Gageons que la délégation va nous permettre de le mieux comprendre…

À suivre ici :

 unefrancearefaire.com

 Michel J. Cuny

 reseauinternational.net

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