13/12/2018 tlaxcala-int.org  8 min #149553

Les nouvelles parfumées de Helio Brasil

 Adelto Gonçalves

I

Après avoir situé ses deux premiers romans - A última adolescência (Bom Texto, 2004) et Ladeira do Tempo-Foi (Synergia Editora, 2017) - dans le quartier traditionnel de São Cristóvão à Rio de Janeiro, l'écrivain Helio Brasil revient à la nouvelle, genre dans lequel il a fait son entrée tardive en littérature, à l'âge de 64 ans, en publiant O anjo de bronze e outros contos (Oficina do Livro, 1994). Cette fois-ci, dans O perfume que roubam de ti... e outras histórias [Le parfum qu'ils te volent... et autres histoires] (Synergia Editora, 2018), titre inspiré des vers de la célèbre chanson "As rosas não falam " (Les roses ne parlent pas), des compositeurs cariocas Angenor de Oliveira, surnommé Cartola (1908-1980), e Guilherme de Brito (1922-2006), il rassemble 26 nouvelles qui décrivent des personnages de divers moments de la vie du Brésil, de l'époque coloniale à la période actuelle.

Apparemment, ces histoires sont le résultat d'une vie entière consacrée au vice de la littérature, un amour soigneusement dissimulé jusqu'à ce que, déjà parvenu à l'âge mûr, l'auteur, au talent reconnu, autant comme architecte pour ses œuvres à Rio de Janeiro, que comme professeur d'université renommé, se décide à abandonner sa modestie excessive et se transforme en écrivain. La littérature lusophone y a gagné, car l'auteur a rejoint depuis lors un groupe distingué d'écrivains entrés tardivement dans la carrière, ce qui ne les a pas empêchés d'atteindre à la célébrité et à la reconnaissance de leurs talents littéraires. José Saramago (1922-2010), Pedro Nava (1903-1984) et Cora Coralina (1889-1985) en fournissent d'excellents exemples.

Aujourd'hui, Helio Brasil a décidé de vider ses fonds de tiroirs pour offrir au public des histoires inédites où se mêlent tous les sentiments humains, les bons et les mauvais, l'amour, la violence, la solitude, les préjugés, l'héroïsme, les conspirations, le désir, la foi, la trahison, les intrigues, la séduction et le mystère, entre autres. En même temps, il réédite quelques nouvelles qui avaient déjà été publiées antérieurement dans des recueils.

Ce sont des récits qui peuvent avoir pour décor un train bondé dans une banlieue de Rio ou les salons du palais royal, ou encore les chambres et les salles de séjour des maisons modestes ou des appartements bourgeois de Rio de Janeiro. Ainsi, des personnages historiques tels que le Hollandais Maurice de Nassau (1604-1679), Estácio de Sá (1520-1567), dom João VI (1767-1826) et Domitila de Castro Canto e Melo (1797-1867), maîtresse de dom Pedro I (1798-1834), premier empereur du Brésil, revivent sous la plume d'Helio Brasil dans quelques-unes de ces nouvelles, à coté de personnages populaires comme une femme de ménage, « rose douce-amère de la banlieue », qui est poursuivie par un homme d'affaires, son patron, un prêtre aux prises avec le désir charnel, un entrepreneur qui s'enrichit lors de la construction de Brasilia en participant aux combines malpropres du pouvoir, ou un nègre endetté et tourmenté par la nécessité de rédiger un livre qui sera signé par un quelconque richard.

La gare impériale de São Cristóvão. Photo Luiz Felipe Lopes Dias

II

Dans d'autres nouvelles, le lecteur lira les péripéties de la vie de l'écuyère d'un cirque décadent, un jeune homme hanté et tourmenté par l'attrait physique que produit sur lui sa soi-disant tante, ou encore une veuve de cinquante ans « oubliée de Dieu », vivant dans un maison du quartier décrépi de Catumbi, qui est soudain découverte et choisie par un jeune homme qui ne recherche que quelques minutes de plaisir.

Pour se faire une idée du style concis et direct de cet auteur, qui rappelle un peu celui d'un autre écrivain carioca, le célèbre Machado de Assis (1839-1908), on peut lire ci-dessous un extrait du récit "Um alguidar cheio de frutas" [Une coupe pleine de fruits], qui raconte l'histoire de cette veuve, qui n'aurait jamais imaginé qu'un garçon puisse encore la désirer charnellement, sans aucune intention malveillante :

(...) Ziza s'aperçut qu'elle ne ressentait aucune peur. Étonnement. Ce n'était pas la peur qui faisait tressaillir sa poitrine. Elle suspendit sa respiration en sentant les lèvres du garçon sur les siennes, pendant que son corps puissant la plaquait contre le matelas. La femme l'enlaça de ses bras et de ses jambes. Plongée dans un étrange brouillard de désir, elle s'offrit tout entière.

Comme l'écrivain, lexicologue et traducteur Ivo Korytowski l'observe dans la présentation qu'il a écrite pour ce livre, la nouvelle œuvre de Helio Brasil dégage un effluve métaphorique qui rappelle Le Parfum (1985), un roman de l'Allemand Patrick Süskind, qui a connu un succès international. Il écrit : En plus du « parfum qu'on te vole », l'odorat du lecteur perçoit « le parfum puissant des ananas, des oranges et l'odeur sensuelle des pêches », « le parfum du jasmin », « le parfum de tante Céleste » et « la main douce et parfumée de Dorothy ». Pour Korytowski, depuis le livre de Süskind, « on n'a pas écrit d'ouvrage littéraire aussi... parfumé ! ». Après cette présentation, le lecteur n'a pas d'autre choix que de bien ouvrir les narines et de partir à la recherche de ce nouveau livre de Helio Brasil. Il ne le regrettera pas.

III

Né à Rio de Janeiro en 1931, Helio Brasil est diplômé en architecture de la Faculté nationale d'architecture de l'Université du Brésil (1955), aujourd'hui Université fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ). Il a travaillé à la Banque Nationale de Développement Économique (BNDE), actuelle BNDES, de 1955 à 1984, supervisant la construction du nouveau siège de l'institution, inauguré en 1982. Il a conçu en équipe des bâtiments résidentiels, commerciaux et industriels à Rio de Janeiro et dans d'autres États. Il a enseigné pendant 20 ans la discipline nommée Projeto de Arquitetura [Conception architecturale] à l'Université Santa Úrsula et a été professeur invité à l'UFRJ et à l'Universidade Federal Fluminense (UFF).

Depuis qu'il a pris sa retraite de la BNDES, il se consacre à la littérature, devenant l'un des plus importants auteurs brésiliens de fiction de notre époque. Il s'adonne à l'écriture de fictions depuis 1958, date depuis laquelle il a obtenu des mentions pour ses nouvelles dans des concours littéraires. Dans les années 1980 il a fréquenté l'atelier littéraire du professeur et écrivain Ivan Cavalcanti Proença, éditeur de la Livraria José Olympio Editora, de Rio de Janeiro, qui a publié ses œuvres dans des recueils.

Il a écrit sur le quartier de São Cristóvão une trilogie composée d'un ouvrage documentaire - São Cristóvão: memória e esperança (Préfecture de Rio de Janeiro, 2004) - et de deux romans: A última adolescência e Ladeira do Tempo-Foi, roman dramatique centré sur une imaginaire rue en pente du quartier de São Cristóvão, à l'époque de la redémocratisation postérieure à l'Estado Novo (1937-1946).

Il est également l'auteur de O Solar da Fazenda do Rochedo et Cataguases (Synergia Editora, 2016), écrit en collaboration avec José Rezende Reis ; Cadernos (quase) esquecidos (2016), édition artisanale ; Tesouro: O Palácio da Fazenda, da Era Vargas aos 450 anos do Rio de Janeiro (Editora Pébola, 2015), en collaboration avec Nireu Cavalcanti; et Pentagrama acidental, nouvelles (Editora Poiro, 2014).

Il a également collaboré aux recueils de nouvelles Doze autores e suas histórias (2003); A Marquesa de Santos (2004) ; Tempos de Nassau (2005); Ásperos e Macios (2010); O feitiço do boêmio 2010 (pour les 100 ans de Noel Rosa), publiées par Editora Bom Texto; et O Rei, o Rio e suas histórias (2013), publié par Editora 7 Letras.


O perfume que roubam de ti... e outras histórias
de Helio Brasil, com apresentação de Ivo Korytowski

Rio de Janeiro: Synergia Editora, 1ª edição

220 páginas

R$ 40,00

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  tlaxcala-int.org
Publication date of original article: 12/12/2018

 tlaxcala-int.org

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