15/12/2018 arretsurinfo.ch  22 min #149663

Gilets jaunes: l'aventure continue

Réflexion helvétique sur les Gilets jaunes

Manifestation du mouvement des gilets jaunes, à Belfort, le 01 décembre 2018. Image: Wikipédia

Par Michel Piccand

12  Décembre 2018

Le mouvement des Gilets jaunes en France a nourri pas mal de commentaires en Suisse. En effet, comment rester indifférent, d'autant que sous certains aspects ce mouvement renvoie à des problèmes identiques dans notre pays, problèmes qui sont générés par ces mêmes partis politiques qui défendent les principes économiques de l'UE et qui n'ont plus guère d'idées de ce qui se passe dans le peuple. Il faut dire que savoir ce qui se passe (vraiment) dans le porte-monnaie du citoyen à la fin du mois échappe en général à ceux qui se font offrir des voyages autour du monde ou qui ont des comptes retraites opulents comparés au reste de la population.

Pour rappel, le principe fondamental de l'UE c'est ce qu'elle nomme les 4 libertés de circulation des personnes, des services, des capitaux et des marchandises. Il n'y a pas besoin d'avoir étudié l'économie cinquante ans pour comprendre que concrètement ces 4 libertés aboutissent dans un marché unique à une mise en concurrence croissante des individus les uns avec les autres, et aussi des états-membre entre eux. Les 4 libertés (sic) ont donc ainsi permis la pression à la baisse non seulement sur les meilleurs salaires européens mais aussi sur les systèmes sociaux et fiscaux les mieux dotés. Lorsque le président de la Banque centrale allemande, Hans Tietmeyer, Démocrate-chrétien CDU, déclarait en 1999 qu'il fallait mettre en concurrence les systèmes non seulement fiscaux mais sociaux de tous les états-membres ce n'était pas des paroles en l'air, il y a réussi, un des résultats visibles se voit aujourd'hui en France [1].

Sur notre continent parait-il très avancé en matière d'information tout le monde aujourd'hui sait qui est la Commission européenne. Demandez à votre voisin s'il a entendu parler d'ERT et vous obtiendrez un long silence. ERT European Round Table est le principal lobby industriel de l'UE, y figurent en permanence les 35 CEO des 35 plus grandes multinationales européennes du moment. Leurs bureaux se situent à Bruxelles juste de l'autre côté de la rue où se trouve ceux de la Commission [2].

Je me rappelle avoir découvert l'existence d'ERT bien des années après mes études de droit économique européen et à vrai dire un peu par hasard. Je cherchais alors un renseignement sur un projet de modification du fonctionnement institutionnel de la Commission, et ayant accumulé des textes divers dans mes archives, tout à coup je me demandais si je n'avais pas la berlue. J'avais deux textes qui présentaient exactement le même projet de modification, deux copiés-collés, le premier émanait du lobby ERT qui exprimait son point de vue sur la manière de modifier le fonctionnement de la Commission et à côté le texte final de la proposition de la Commission elle-même. Ces deux textes étaient rigoureusement identiques, le texte de la Commission reprenant mot pour mot la proposition d'ERT...

L'Union européenne c'est deux mondes bien distincts qui se côtoient mais ne se mélangent pas. D'un côté un vaste peuple disparate à qui l'on raconte l'amitié et la paix, de l'autre une administration politico-économique pour qui le principe des 4 libertés représente un grand échiquier sur lequel on peut déplacer sans entraves les facteurs de production du travail (les salariés) et du capital (les investissements) pour les mettre en concurrence et faire baisser les coûts et augmenter les marges. La première grande illustration de ce phénomène est apparue en 2004 dans les négociations à la baisse des salaires imposés par Volkswagen à ses employés allemands. Avec la libre-circulation UE qui allait être mise en place dans les ex-pays de l'Est, le marchandage fut réduit à sa plus simple expression par le directoire de VW ; soit vous réduisez vos prétentions salariales soit nos prochains investissements auront lieu à 300 km à vol d'oiseau, en République tchèque, juste de l'autre côté de la frontière. La baisse des salaires fut acceptée par les ouvriers allemands [3]. En Suisse deux des plus ardents défenseurs de l'UE et de ses principes économiques et territoriaux sont le parti socialiste et le parti écologiste, soutenus par Amnesty International. Il faut quand même le savoir.

Quel rapport avec les Gilets jaunes ? Vous avez déjà quasiment compris la substance de ce que l'on cherche à dire. Le rapport avec la Suisse est quant à lui parfaitement illustré par l'étonnement dont a fait part l'économiste en chef de la Tribune de Genève, affidé du PLR, anti-populiste notoire, pro UE, voyant une inanité dans la révolte française des Gilets jaunes du fait qu'à peine 14 % des Français vivent sous le seuil de pauvreté, à vrai dire l'illustration même de l'abîme qui existe entre le théorique et la vie concrète et réelle des gens [4].

Il est vrai que « seulement » 14 % des Français vivent sous le seuil de pauvreté et que c'est un des meilleurs scores de l'UE et que le revenu médian du Français est d'environ 20'750 euros par an (spa). Mais comme répété moult et moult fois ce qui compte ce n'est pas tant le montant du salaire mais c'est le revenu disponible (réel) d'une personne, c'est-à-dire le montant qu'il lui reste une fois qu'il a fait face à toutes ses dépenses obligatoires et d'entretien. Le Français dont on parle, touche donc en moyenne 1'730 euros par mois, ce qui veut déjà dire que plus de la moitié des travailleurs français ont moins. Si vous y rajoutez que ce Français médian est en moyenne selon les statistiques endetté, et doit consacrer chaque mois environ 10 % de son salaire pour rémunérer et rembourser sa dette, son revenu disponible passe alors à 1'557 euros. Auxquels vous pouvez soustraire le montant du loyer moyen de 630 euros par ménage, soit reste 927 euros. Auxquels, comme ce jeune gilet jaune l'expliquait, il faut soustraire les 130 euros qu'il doit dépenser chaque mois en carburant pour se rendre à son travail, soit de reste, pour le Français médian, 797 euros (26 euros par jour) pour manger, s'habiller, payer ses assurances, ses frais de télécommunication, ses amendes, ses frais divers, et tout le reste. La moitié de la France vit avec moins que ça.

Et l'économiste en chef de la Tribune de Genève, anti populiste, pro-UE, de s'offusquer et ne pas comprendre cette révolte selon lui injustifiée... Une image condensée de la manière dont pense l'UE et ses défenseurs.

Tout ce qui vient d'être dit est un tout et montre le hiatus, le trou infranchissable, entre les réalités vécues par le peuple et les statistiques écrans de fumée des théories et des politiciens en Suisse, y compris du PS et des Verts. Le problème se trouve dans cette réalité du revenu disponible réel qu'ils ne mesurent pas et qui en Suisse, pour en donner un exemple, peut s'illustrer par le coût des loyers et les biais statistiques qui les masquent. Que veut dire le coût moyen du loyer lorsqu'on mélange celui d'un un locataire âgé qui vit depuis 50 ans dans son logement et celui d'un jeune qui doit en trouver un nouveau au prix du marché ? Quels effets en termes de revenu disponible pour le premier et le second ? Ce n'est absolument pas comparable. On mesure le revenu disponible par rapport à l'évolution du coût de la vie, mais que prend-t-on en compte dans l'évolution des prix ? Dit-on que le prix de l'alimentation a baissé ? Oui si l'on y inclut les saloperies bon marché de viandes industrielles recomposées, tous les aliments épaissis avec des matières improbables qui détruisent la flore intestinale et font gonfler les ventres. Et il y a tout ce qui n'est pas mesuré, les appartements qui n'ont plus ni caves ni parking, les amendes et les émoluments administratifs qui ne cessent de croître, les produits bons marchés qui lâchent après quatre utilisations et qu'il faut racheter une seconde fois, le fait que tout se paie désormais au prix fort, l'utilisateur captif qui doit désormais payer pack Office plein pot, la taxe Billag, les taxes poubelles, les taxes sur les chiens, etc. etc. Les statistiques deviennent des écrans de fumée dont l'honnêteté abuse désormais sans complexe.

Les Gilets jaunes montrent qu'une brèche est potentiellement en train de s'ouvrir. Les souverainistes suisses devraient s'en saisir et montrer que non il n'y a pas que deux seuls modèle de réponses économiques, celui des socialistes ou celui des libéraux-radicaux, mais qu'il existe des pistes sérieuses pour améliorer le revenu disponible des citoyens en dehors des préceptes socialistes ou PLR qui nous sont imposés aujourd'hui. En premier lieu l'arrêt de cette ultra-concurrence effrénée et dérégulée de tous contre tous qui est en train de tout détruire, notre revenu disponible et notre qualité de vie, et qui ne pourra être arrêtée qu'en sortant de la libre-circulation des personnes.

À côté de la question de la libre-circulation, les souverainistes suisses doivent maintenant innover et proposer des solutions nouvelles pour améliorer le revenu disponible des Suisses (ces solutions existent et peuvent même se faire en améliorant l'équilibre fiscal). C'est là tout simplement une question existentielle qu'ils doivent porter de toute urgence en avant parce c'est cela qu'attend l'électorat, c'est aussi ce que dit la révolte des Gilets jaunes.

L'augmentation du revenu disponible (ou du pouvoir d'achat) du citoyen a toujours été la clé pour le parti qui veut accéder au pouvoir. Et c'est exactement ce que vient de faire l'Italie même si sa solution semble discutable. Offrir aux Italiens un revenu citoyen et avancer l'âge de la retraite tout en baissant les impôts, donc au prix d'un accroissement potentiellement très rapide d'une dette publique déjà colossale, et en tablant sur une relance keynésienne de la demande intérieure, ne sera pas tenable longtemps si celle-ci ne produit pas rapidement les effets escomptés, et même si pour l'Italie le revenu citoyen n'est en fait qu'un minimum vital de 780 euros assuré en tant que filet social qui devenait nécessaire face à la paupérisation.

Le modèle français de Macron compte tout autant d'incertitudes avec son plan initial de réduction drastique des impôts, couplé à une réduction simultanée et toute aussi drastique des dépenses publiques, dans le but ici aussi de stimuler parait-il la croissance, et qui on le voit n'a abouti qu'à une crise sociale majeure. Ce qui en passant n'a pas empêché le FMI de saluer le premier plan Macron et la France comme le chef de file des réformes en Europe. On appréciera. Une croissance en berne et un revenu disponible réel en baisse, notamment du fait du relèvement de la CSG et du coût des carburants, et devant lequel Macron a dû précipitamment lâcher du lest et décréter un «état d'urgence économique et sociale» en offrant une augmentation du SMIC de 100 euros par mois, l'annulation de son augmentation de la CSG et la défiscalisation des heures supplémentaires, toutes mesures qui vont se traduire pour l'Etat français par une augmentation de 8 à 15 milliards d'euros de charges annuelles supplémentaires... et dont personne ne semble savoir pour l'instant comment elles seront financées...

La révolte des Gilets jaunes en France, mais aussi la révolte électorale qui a surgi en Italie, donnent des indications précieuses à la Suisse. Ces révoltes montrent qu'après dix-sept ans d'Union monétaire avec un euro qui devait leur apporter monts et merveilles et améliorer les conditions de vie de tous, il y a loin, très loin de la coupe aux lèvres, et c'est le moins qu'on puisse dire, rien ne montre une stabilité et un équilibre assuré pour ces deux pays fondateurs de l'UE.

Vu de Suisse, en somme, tout autant des raisons majeures de ne pas s'allier de manière plus intime à ces modèles européens qui sont en train de montrer actuellement leurs limites. Et ici deux exemples majeurs pour les Suisses de prendre dès aujourd'hui des mesures pour protéger le revenu disponible de leurs citoyens, dont la première et la plus fondamentale mesure est l'arrêt de la libre-circulation des personnes, seule à même de stopper la concurrence croissante et destructrice que les Européens génèrent aussi en Suisse.

Même les gens de gauche et les entrepreneurs libéraux devraient pouvoir comprendre qu'au-dessous des équilibres macroéconomiques, l'économie du point de vue politique n'est jamais qu'un système de vases communicants, que lorsque l'argent vient à manquer c'est ailleurs que le politique finit toujours par aller le chercher... en diminuant les prestations ou en augmentant les impôts, et que dans tous les cas aucun parti n'a jamais intérêt à ce que le revenu disponible du citoyen ne régresse ou diminue. En rappelant en passant que les actifs accumulés par la Suisse et sur lesquels elle vit encore aujourd'hui ont été engrangés sous un régime protectionniste de contingentement de l'immigration UE dans notre pays.

Les partis souverainistes de Suisse devraient bien écouter ce que racontent les révoltes en France et en Italie, ils pourraient jouer un rôle novateur et créateur en proposant de nouvelles solutions directement inspirées de principes économiques à nouveau véritablement nationaux, subtils, mais sans fausses pudeurs dans une politique économique nationale plus affirmée que les atermoiements actuels qui sont en train de nous aspirer vers une régression certaine.

Les élections c'est l'année prochaine et pas dans six ans. La question du revenu disponible en Suisse, son amélioration, c'est aujourd'hui et pas demain. D'autant que les partis pro-UE en Suisse ne devraient pas être si difficiles à contrer tant ils sont en train de s'empêtrer dans des contradictions insurmontables comme cette alliance PS-PDC qui prétend défendre le revenu disponible des Suisses en voulant s'opposer à l'augmentation des primes d'assurance maladie, mais qui viennent de rouler dans la farine tous les jeunes et les démunis avec la pseudo baisse de la redevance radio-tv, qui n'a été qu'un aplatissement et une redistribution plus large de sa charge selon un principe de flat tax.

Le jeune qui n'a qu'un laptop et ne regarde jamais la RTS qui en 2018 ne payait que la centaine de francs de la seule redevance radio pour sa connexion internet, se verra en 2019 soumis à la redevance « abaissée » mais entière de 365.- peu importe qu'il ait ou non une télévision, une hausse donc de 200.- pour lui de taxe et une baisse équivalente de son revenu disponible... Ceux qui pensent avoir été roulés peuvent s'adresser directement au PDC et à sa conseillère fédérale Doris Leuthard ainsi qu'aux spécialistes politiques des milieux du cinéma et du théâtre, à la gauche en général et aux partis pro-UE. Une politique donc qui consiste à déshabiller Paul pour habiller Jean et ici qui a déshabillé les moins bien lotis.

Il faudra rappeler que ce PS et ces syndicats qui tout à coup (un an avant les élections fédérales) s'autodésignent désormais comme opposés à l'UE à cause des questions de mesures d'accompagnement de l'accord institutionnel, font précisément partie de ceux qui font baisser le revenu disponible et le pouvoir d'achat des Suisses. N'est-ce pas eux, qui ont totalement soutenu dès le départ la libre-circulation des personnes dont le premier but était d'accroître de manière forcenée la productivité et le rendement des travailleurs en Suisse ? N'est-ce pas eux, qui racontaient aux Suisses des trucs de perlimpinpin pendant qu'un des hommes les plus puissants de l'UE, l'ancien président de la Banque centrale allemande, déclarait publiquement les intentions de l'UE de niveler tous les systèmes fiscaux et sociaux par le bas (voir plus haut). Cela se passe de plus amples commentaires... [5].

Le mot à ne pas oublier en 2019 ce sera « revenu disponible », et la désignation de ceux qui l'on fait et le font baisser en Suisse, on les connait ce sont les pro-UE. Ce sera des propositions souverainistes pour faire augmenter ce revenu et le protéger en dehors des canons désormais obsolètes des principes socialistes ou PLR de politique économique pro-UE. Comme on l'a dit des solutions existent, les souverainistes doivent maintenant aller plus loin dans leurs propositions économiques de défense de l'intérêt national. C'est désormais le bon argument au bon moment au bon endroit.

Les souverainistes doivent aller plus loin dans leurs propositions législatives, ils doivent proposer des réformes. Un autre grand problème qui concerne le revenu disponible des Suisses c'est celui de la gestion des dépenses de la Confédération et des cantons. Lorsque des Suisses ne mangent pas correctement jusqu'à la fin du mois, et que dans le même temps vous trouvez par exemple dans les comptes d'Etat des prêts de faveur pour 4 millions de francs au leader du marché national de l'exportation de fruits surgelés au Costa Rica (Delifrost) financé par de l'argent du peuple suisse, alors c'est que quelque chose ne va pas [6]. C'est qu'un principe d'ordre de priorités des dépenses est absent des règles qui gouvernement nos finances.

Les dépenses fédérales sont réglées par deux grands principes, celui de l'équivalence des dépenses et des recettes et celui du bon usage des fonds. Il n'existe cependant aucun véritable ordre des priorités au-delà des dépenses obligatoires. Si vous y ajoutez que le parlement est le seul maître de ces dépenses, que s'il est empêché de dépenser plus qu'il ne reçoit rien ne l'empêche de tout dépenser, vous avez alors une idée du tableau. Il n'est plus acceptable que le parlement soit le seul maître des dépenses de la Confédération, le peuple doit désormais avoir les moyens de le contrôler. Il faut réintroduire des mécanismes permettant au peuple de contrôler ce que fait le parlement avec l'argent du peuple, par le biais d'un droit d'initiative ou de référendum financier, à tout le moins l'inscription désormais d'un ordre clair des priorités dans toutes les dépenses pour empêcher le parlement de jouer les grands seigneurs tant qu'un revenu disponible décent n'est pas assurés à tous les Suisses. Un principe de priorité de garantie du revenu disponible doit être inscrit dans les règles qui déterminent la répartition de nos dépenses. Plus de prêts au Costa Rica, plus de dons au fond de cohésion de l'UE, plus de participations et de subventions à la liste sans fin des programmes non nécessaires tant que tous les Suisses n'ont pas suffisamment d'argent pour finir le mois. Voilà un autre objectif parfaitement réalisable qui peut être porté par les souverainistes.

Michel Piccand

[1] Hans Tietmeyer, président de la Banque centrale allemande, juin 1999 : « Il doit y avoir une concurrence entre les systèmes fiscaux mais aussi sociaux, parmi les nations [...] Les systèmes sociaux doivent être compétitifs [...] Ils sont de plus en plus mis en concurrence. C'est définitif. Il n'y a pas de marche arrière possible. »

Hans Tietmeyer fut le dernier président de la Banque centrale allemande avant le transfert des pouvoirs monétaires à la Banque centrale européenne. Il est considéré comme l'un des pères fondateurs de l'euro et de l'Union monétaire de l'UE. Démocrate-chrétien, membre de la CDU d'Angela Merkel.

N.B. Les propos de Tietmeyer relèvent ici du capitalisme sauvage. On est très loin de la théorie libérale de la concurrence d'un Friedrich Hayek dans lequel l'Etat a le devoir de protéger la juste concurrence (Cf. La route de la Servitude. Chap. 3. 1943).

Il ne s'agit pas dans le cas la Suisse de remettre en cause le principe de concurrence en tant qu'expression de la liberté économique individuelle. Mais bien de remettre en cause le Level playing field, le niveau des règles du jeu imposé par l'UE avec la libre circulation. Level playing field faussé et corrompu parce qu'il ne place pas tous les concurrents dans les mêmes conditions. Dans la libre circulation UE ce n'est plus de la libre concurrence c'est un marché orienté et biaisé, c'est une dérégulation outrancière. Lorsqu'un travailleur UE ou frontalier accepte en Suisse un travail pour un prix qui ne permet pas à un Suisse de vivre décemment, et qu'il l'accepte parce que la contrepartie qu'il reçoit sera au moins le double de ce qu'il peut espérer dans le pays où il vit ou dans son pays d'origine, alors c'est un marché où le niveau des règles du jeu est faussé. De même les règles du jeu sont faussées lorsque par exemple un métallurgiste provenant d'un grand pays européen a acquis, notamment grâce à des commandes d'Etat, une dimension qu'il serait impossible d'atteindre en Suisse, et qu'il vient ensuite concurrencer les métallurgistes suisses sur leur propre marché. Ici les concurrences sont d'emblée faussées et détruisent les situations de ceux qui sont désavantagés par des conditions dont ils ne sont pas responsables. Ici ce n'est plus une concurrence créatrice mais une concurrence destructrice dans laquelle le cadre juridique (la libre circulation) ne protège pas la concurrence mais offre tout simplement des primes aux acteurs provenant de pays moins-disants, ce qui est à peu près le cas de tous les acteurs de l'UE face à la Suisse. Ce n'est plus un système de libre concurrence, c'est un système de destruction pour tous ceux qui n'ont pas les moyens ou la masse critique pour rivaliser avec les acteurs UE.

[2] ERT. Table ronde des industriels européens.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Table_ronde_des_industriels_europ%C3%A9ens

[3] « En 2004 plusieurs négociations entre le puissant syndicat de la métallurgie IGmetall et les grands constructeurs automobiles accordèrent des baisses salariales en échange de garantie d'emplois et de promesses d'investissements. La même année le groupe Volkswagen obtint une réduction des salaires de 30% à l'horizon 2011 « date de libéralisation complète du marché du travail de l'UE élargie » contre « La promesse de préservation des sites ouest-allemands et de non-recours aux licenciements économiques avant 2011 ». (Note 79 in document cité ci-dessous).

Ceux qui voudraient comprendre comment l'Allemagne a mis en concurrence tous les systèmes sociaux de l'UE et comment cela constitue aujourd'hui une impasse presque insoluble pour la France, ils liront avec avantage L'EXEMPLE ALLEMAND. p. 138. Ici :  https://mouvement-9fevrier.org/la-croissance-economique-de-la-suisse-un-drame-politique-cache/

[4] Le blog de Marian Stepczynski. Tribune de Genève. Emmanuel Macron, Gorbatchev français ? 05/12/2018.

« Une France au bord de l'insurrection est un vrai mystère. Par quelque bout que l'on considère le problème, il n'y a aucune raison, statistiquement documentée, de voir dans l'explosion de colère des gilets jaunes le résultat d'inégalités ou d'atteintes au niveau de vie particulièrement criantes. »

[5] Sur les questions de productivité des travailleurs en Suisse :

« L'analyse officielle avait établi que la croissance du PIB ne pouvait être augmentée que par deux moyens, soit l'augmentation du nombre d'heures travaillées (augmentation de l'offre de travail « Pour augmenter le nombre d'heures de travail fournies, on peut soit faire travailler davantage de personnes, soit faire travailler les personnes plus longtemps» (Op.cit. p.15) soit l'augmentation de la productivité du travail, par laquelle on entend l'augmentation de la production par heure de travail. » (Note 9).

Sur les questions de mesures d'accompagnement en Suisse : « Ceci expliquant cela, l'on comprendra d'autant l'évaluation catastrophique de ces mesures d'accompagnements que le Contrôle parlementaire de l'Administration fit en 2011. (Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'attention de la Commission de gestion du Conseil national du 16 juin 2011. FF 2012 1039). Evaluation qui aurait dû soulever un véritable tollé au sein de la population mais qui fut quasiment passée sous silence par les médias. L'exercice ressemble à un véritable épisode de manipulation de la conscience collective. »

Autour de la note 4 du document cité ici.  https://mouvement-9fevrier.org/la-croissance-economique-de-la-suisse-un-drame-politique-cache/

[6] La SIFEM SA fond suisse d'investissement pour les marchés émergents financé par l'argent public de la Suisse, a en cours des prêts de faveur comme celui accordé à Delifrost pour un montant de près d'un milliard de francs. Les exemples de ce type sont nombreux, que l'on pense aux milliards de cohésion aux ex-pays de l'Est qui deviennent ensuite nos concurrents, que l'on finance alors que les acteurs dans ces pays paient moins d'impôts que nous, et qui deviennent ensuite des pays dans lesquels des entreprises suisse délocalisent en partie ou entièrement leurs activités (cf. par exemple la question actuelle de la délocalisation d'ABB en Pologne).

***

Pour une explication du lien entre baisse du revenu disponible et libre circulation des personnes lire l'essai "La croissance économique de la Suisse, un drame politique caché" et notamment le chapitre : La chute drastique du revenu disponible des plus pauvres, p. 135, ici :  mouvement-9fevrier.org

Source:  L'auteur

 arretsurinfo.ch

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