29/12/2018 vududroit.com  9 min #150174

Révélations de Mediapart : Benalla voyagerait depuis plusieurs mois avec un passeport diplomatique

Passeports Benalla : une enquête préliminaire étouffoir ?

Rémy Heitz nouveau procureur de Paris (choisi par Macron himself) marche-t-il sur les brisées de son prédécesseur François Molins, le virtuose du « circulez, il n'y a rien à voir » ?

Vous savez François Molins c'est ce procureur qui a refusé que l'on instruise sur les raisons de la disparition du coffre de Benalla et évidemment sur ce qu'il y avait dedans. Rappelons qu'au cours d'une perquisition absolument rocambolesque, grande première dans l'histoire judiciaire française la police s'était retirée avant d'effectuer la perquisition au domicile du gorille. Pour revenir et constater le lendemain que, ô surprise, le coffre personnel de Benalla avait disparu. Depuis, tout le monde se pose la question d'un air entendu : « qui a embarqué le coffre ? Qu'y avait-il donc de si important dans celui-ci ? Et pourquoi tout cela n'a pas intéressé Monsieur Molins ? » Les méchantes langues disent que poser la question c'est y répondre.

Eh bien, son successeur face au scandale provoqué par l'ahurissante affaire des passeports diplomatiques du body guard semble aussi avoir choisi son camp. On rappelle que pour effectuer des déplacements d'affaires en Afrique et notamment rencontrer quelques jours avant Emmanuel Macron le président du Tchad Alexandre Benalla aurait utilisé des passeports diplomatiques restés en sa possession après son licenciement, et ferait assez ouvertement, voire officiellement dans des courriers rendus publics, état de liens quasi organiques avec les services de l'Élysée. Le scandale bat son plein, et prudemment Jean-Yves le Drian s'est fendu d'un signalement au parquet de la non-restitution des documents à son ministère qui les avait délivrés.

Le parquet de Paris nous annonce précipitamment (histoire d'éteindre l'incendie ?)  l'ouverture d'une enquête préliminaire pour la recherche de plusieurs infractions. Dont la presse parle en mettant en avant le délit « d'abus de confiance » prévue à  l'article 314-1 du code pénal :

« L'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé. L'abus de confiance est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende. »

On pouvait craindre à la lecture de ce texte et la connaissance de son application que le parquet souhaite aller vers un enlisement. Car considérer que le fait de ne pas avoir rendu les passeports caractérise en abus de confiance est un peu tiré par les cheveux. L'article 314-1 vise essentiellement le détournement d'argent ou d'objets de valeur. Malgré une recherche approfondie en jurisprudence il est à craindre qu'il n'y ait pas précédent en matière de non-restitution de passeport.

Mais on apprend qu'est aussi visé dans ses deux alinéas  l'article 433-13 du code :

« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait par toute personne :

1° D'exercer une activité dans des conditions de nature à créer dans l'esprit du public une confusion avec l'exercice d'une fonction publique ou d'une activité réservée aux officiers publics ou ministériels. 2° D'user de documents ou d'écrits présentant, avec des actes judiciaires ou extrajudiciaires ou avec des documents administratifs, une ressemblance de nature à provoquer une méprise dans l'esprit du public. »

Première observation amusante,  l'article 433-12 a déjà été appliqué à Benalla pour l'usurpation de fonctions considérées comme effective lorsqu'il a joué les flics place de la Contrescarpe. Il les aura tous fait...

Cette fois-ci, il est visé par des soupçons de s'être comporté après son licenciement comme un agent officiel mandaté par l'Élysée, notamment en utilisant les fameux passeports. Ce qui est intéressant dans ces incriminations c'est que le parquet prend parti dans la polémique qui oppose l'Élysée et Benalla. Ce dernier prétend que tout ce qu'il a fait, l'a été en l'informant l'Élysée où il a gardé des contacts et quasiment avec leur accord. A priori l'enquête qui va se dérouler ne portera pas sur le comportement des services de l'Élysée dans leurs rapports postérieurs au mois de juillet avec Benalla, mais uniquement sur les activités de celui-ci entreprises à l'aide des passeports diplomatiques.

La ficelle est un peu grosse. En effet on constate aisément que ne sont pas visés par l'enquête :

  • les conditions et les raisons de la remise de ces passeports à Benalla le 23 mai 2018 alors qu'il était mis à pied. Et que d'autre part ses fonctions officielles ne justifiaient pas. Cela concerne Emmanuel Macron et son entourage à l'Élysée.
  • Les conditions et les raisons qui ont amené le ministère des affaires étrangères à réclamer lesdits passeports à Alexandre Benalla à la fin du mois de juillet (!). Et les raisons pour lesquelles le même ministère est resté complètement inerte face au défaut de restitution. Cela concerne Jean-Yves le Drian et ses services.
  • La réalité de ce qu'avance Benalla, c'est-à-dire que les services de l'Élysée lui auraient remis les passeports avec ses affaires personnelles au début du mois d'octobre. Date astucieusement choisie qui permettrait de se constituer un alibi et d'éviter les poursuites pour faux témoignage devant la commission d'enquête sénatoriale, celle-ci ayant eu lieu en septembre. Cela concerne à nouveau les services de l'Élysée.

C'est curieux cette impression persistante que l'on nous prend pour des imbéciles. Il serait peut-être opportun de nous aider à la dissiper. Il est en effet impératif que la lumière soit faite sur ces différents points qui recèlent autant d'infractions pénales.  Faux témoignage et parjure pour le mensonge devant la commission d'enquête, probables  faux et usage de faux pour l'obtention de la délivrance des passeports à Benalla au mois de mai,  détournement de biens s'il est avéré que les services de l'Élysée ont restitué au body guard les passeports début octobre, et  détournement de biens par négligence pour les services du ministère des affaires étrangères qui n'ont accompli aucune diligence pour récupérer les passeports détournés.

On voit donc que pour l'instant seul Alexandre Benalla est dans le tuyau, ses (anciens ?) amis sont pour l'instant tranquilles, et persiste la déplaisante impression que la poursuite de  la protection judiciaire de la macronie serait encore à l'ordre du jour.

La stupéfiante mise hors de cause de Muriel Pénicaud dans l'affaire du déplacement à Las Vegas d'Emmanuel Macron, le maintien ridicule d'Alexandre Benalla sous le statut de témoin assisté au motif que l'arme qu'il brandissait sur une photo aurait été un pistolet à eau (!), n'ont pas eu l'air de beaucoup affecter le nouveau procureur de Paris. Même si ces faits contribuent à l'effondrement de la crédibilité de l'appareil judiciaire dans l'opinion.

Je crois que pour le parquet de Paris, ce serait peut-être une bonne idée d'être un peu moins timide, et de faire vraiment son boulot. La République y trouverait son compte.

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