07/01/2019 3 articles cadtm.org  7 min #150450

Les Grecs, otages fiscaux de la Troïka et des banquiers

(CC - Flickr - Jennifer Woodard Maderazo)

En Grèce, une Autorité Autonome des Ressources Publiques (Anexartiti Archi Dimosion Esodon, AADE), où siègent deux représentants de la Commission Européenne, a remplacé le Trésor Public et récupéré toutes les attributions du Ministère des Finances « L'Autorité jouit d'une autonomie de fonctionnement, elle est autonome administrativement et économiquement, et elle n'est soumise au contrôle ou à la tutelle d'aucun organe du gouvernement ni d'institution d'État ni d'autres autorités administratives ». De même dans l'article 3 on note que « le président, les membres du Conseil d'Administration, le Conseiller (nommé sur proposition de la Commission Européenne) et l'Administrateur exercent leurs fonctions selon la loi et leur seule conscience ; ils ne sont soumis à aucun contrôle hiérarchique ni aucune tutelle administrative, à aucun organe du gouvernement ni à d'autres autorités administratives ni autre organisme public ou privé. » Résultat : de plus en plus de contribuables modestes se retrouvent dans l'incapacité de payer leurs impôts. Pour recouvrer les arriérés de paiement et dette envers l'État, l'Agence Autonome opère des saisies directement sur les comptes bancaires des particuliers, sans crier gare. Pourtant les objectifs fiscaux fixés par l'AADE sont largement atteints pour la troisième année consécutive.

En septembre 2018, date de la deuxième échéance du paiement de l'impôt sur le revenu, ce sont 500 000 contribuables grecs supplémentaires, personnes physiques ou morales, (sur un total de 6.348.353) qui se sont retrouvées à leur tour endettées auprès de l'AADE, portant à 4,2 millions le nombre de contribuables en cessation de paiement de leurs impôts [1].

En conséquence, plus de 1,15 million de contribuables, personnes physiques ou morales, se sont vus imposer des mesures de « prélèvements directs » sur le versement de leur salaire, de leur pension de retraite ou sur leur compte bancaire (autrement dit, des saisies sur les revenus des ménages).
L'AADE annonce encore plus de 700 000 mesures de saisie dans les mois à venir.

En trois ans, le chiffre des dettes des contribuables grecs envers les impôts est passé de 74 milliards d'Euros [2] - en février 2015 dus par environ 3,9 millions de contribuables (dont 400 000 entreprises) - à 103,36 milliards d'euros en décembre 2018. (Ce chiffre ne prend pas en compte les majorations qui dépassent les 80 milliards d'€.)

« Les institutions créancières considèrent que l'économie grecque doit être saignée à blanc et que les contribuables sont des machines à payer, tels les condamnés d'une colonie de la dette », selon Nadia Valavani, ministre des Finances pendant le premier gouvernement Syriza entre janvier et août 2015. D'après ses archives, une grosse part de la dette fiscale a été créée après 2010, début des mesures d'austérité qui conditionnent les « plans d'aide » - à l'époque, 47 milliards sur les 74 milliards de dette fiscale de l'époque. Les 29,36 milliards de nouvelles dettes ajoutées entre 2015 et 2018 portent donc ce chiffre à 76,36 milliards. Pour résumer, les mesures d'austérité sont la cause de 74% du total de la dette des contribuables grecs.

Or pour l'essentiel, ces dettes d'impôt sont comprises entre 50 euros et 1000 euros. L'Autorité AADE a d'ailleurs remis en service les 100 versements pour faciliter les rentrées d'impôts, dans un contexte où le nombre des foyers qui se heurtent à une impossibilité de paiement augmente de manière exponentielle.

En effet les Grecs ont été soumis à des baisses des salaires et retraites allant jusqu'à 40% de leurs revenus, le chômage a explosé, les allocations et aides diverses se sont évaporées dans le même temps où les impôts directs et indirects étaient multipliés de manière exponentielle. Finalement, en 2018, un Grec sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté ramené à 382 euros par mois, d'après le site d'information [3] citant une étude de mars 2018 du Ministère du Travail grec.

Si en 2000, la dette des contribuables grecs envers les impôts s'élevait seulement à 3,5 % du PIB, elle s'élevait déjà à 40% du PIB en 2014, pour atteindre 55,5% du PIB en 2018. (Le PIB étant passé de 242 milliards d'Euros en 2009 à 186,4 milliards d'euros en 2018 [4].)

Pourtant l'État grec a encore dégagé un excédent primaire estimé à 7,626 milliards d'€ dans les 11 premiers mois de 2018, dépassant significativement l'objectif initial de 4,071 milliards d'€ inscrit pour la même période dans le budget prévisionnel.
[5].

C'est bien la preuve que les contribuables grecs, ponctionnés à la source pour 80% d'entre eux (tous les salariés et pensionnés du public et du privé) sont les otages d'un système fiscal inique, qui ne tient pas compte de la réalité économique des citoyens.

Rappelons que pour dégager un excédent primaire le gouvernement prolonge la politique antisociale brutale voulue par la Troïka. Les excédents primaires records sont aussi le résultat de la terreur fiscale qui règne en Grèce.

À la lumière de la crise sociale qui secoue la France devant l'injustice fiscale imposée par les pactes européens et la politique de la monnaie unique, il est temps d'en finir définitivement avec la propagande médiatique qui a décrit les Grecs comme de mauvais payeurs et mauvais contribuables, accusés injustement d'être ainsi responsables de leur dette publique par leur indigence.

Notes

[1]  liberal.gr

[2]  cadtm.org

[3]  ThePressProject

[4]  news247.gr

[5]  thepressproject.gr

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