14/03/2019 mondialisation.ca  8 min #153417

Après l'échec, les États-Unis, le Groupe de Lima et l'opposition vénézuélienne optent pour la solution militaire

Les États-Unis retirent leur personnel d'ambassade au Venezuela

Washington a annoncé lundi soir qu'il retirait tout le personnel de son ambassade à Caracas. Cela pourrait bien indiquer des préparatifs d'intervention militaire directe des États-Unis pour mener à son terme l'opération prolongée de changement de régime visant le Venezuela.

« Cette décision reflète la détérioration de la situation au Venezuela ainsi que la conclusion que la présence du personnel diplomatique américain à l'ambassade est devenue une contrainte à la politique des États-Unis », a déclaré dans un communiqué le secrétaire d'État Mike Pompeo.

Interrogé lors d'une conférence de presse mardi, Elliott Abrams, l'envoyé spécial de l'administration Trump pour le changement de régime au Venezuela, a déclaré qu'il était « prudent de retirer ces personnes », car leur présence rendait « plus difficile aux États-Unis de prendre les mesures qui s'imposent pour soutenir le peuple vénézuélien ».

A la question de savoir si on préparait une intervention militaire et si le gouvernement Maduro devait considérer la déclaration de Pompeo comme une menace, Abrams, un ancien fonctionnaire du département d'État sous Reagan, a répondu qu'il allait continuer « à dire, car c'est vrai, que toutes les options sont sur la table ». Dans les années 1980, Adams a supervisé de vastes crimes de guerre en Amérique centrale. Il a été condamné pour avoir menti au Congrès sur une opération illégale pour financer la guerre contre le Nicaragua,

Il a refusé de répondre à une question sur les options militaires élaborées par le Pentagone pour une intervention au Venezuela ; il serait « pour [lui] insensé d'aller plus loin » et de préciser la nature de la menace brandie par le gouvernement Trump.

Abrams a également averti de ce que de nouvelles sanctions économiques plus sévères contre le Venezuela étaient en préparation et que des sanctions secondaires, y compris contre la Chine, étaient une autre option qui restait « sur la table ».

Le département d'État américain a aussi lancé un avertissement extraordinaire à l'intention des citoyens américains, les exhortant à ne pas se rendre dans le pays et demandant à ceux qui y séjournaient ou y résidaient de partir.

Ambassade des États-Unis à Caracas

Le Venezuela a rompu ses relations diplomatiques avec les Etats-Unis après que Washington eut fomenté, puis reconnu l'investiture auto-proclamée de Juan Guaidó le 23 janvier comme « président par intérim ». Le législateur de droite et « actif » politique américain de longue date n'avait été installé que peu avant comme président d'une Assemblée nationale contrôlée par l'opposition.

En réaction, le gouvernement de Nicolas Maduro avait ordonné le retrait de tout le personnel diplomatique américain. Les Etats-Unis ont retiré tous les américains à charge et les fonctionnaires « non essentiels », ne laissant en place qu'un effectif minime.

Le gouvernement vénézuélien a réagi avec colère à l'annonce de Pompeo, insistant sur le fait qu'il avait ordonné lundi que tout le personnel américain restant quitte le pays dans les 72 heures. Cela suivait la rupture de pourparlers entre les deux pays sur la création de sections d'intérêts pour maintenir des relations diplomatiques minimes, des ambassades de fait opérant sous la protection d'une puissance tiers.

Pompeo avait annoncé le retrait du personnel américain quelques heures seulement après avoir lancé, à une conférence de presse du Département d'État, une diatribe incendiaire contre le Venezuela et le « socialisme », mais sans rien dire de l'évacuation du personnel de l'ambassade américaine.

Suivant ses notes, Pompeo avait décrit Cuba comme la « véritable puissance impérialiste » du pays et condamné la Russie pour les accords obtenus au Venezuela par sa compagnie pétrolière publique Rosneft et sa fourniture d'équipements militaires au gouvernement Maduro, dont des systèmes portables de défense aérienne.

La diatribe de Pompeo, un ex-député républicain droitier du Kansas, exprimait l'objectif primordial de l'impérialisme américain : une mainmise totale des conglomérats énergétiques basés aux Etats-Unis sur les réserves pétrolières du Venezuela, les plus importantes de la planète. Elle exprimait aussi sa crainte qu'une intervention militaire directe n'ait un coût considérable.

L'escalade des menaces américaines se produit dans le contexte d'un enrayement manifeste de l'opération de changement de régime axée sur la tentative d'imposer au peuple vénézuélien Guaidó comme président « légitime ».

Une tentative visant à entraîner la chute de Maduro par le biais d'une intervention « humanitaire » bidon à la frontière colombienne s'est soldée par un fiasco le 23 février. L'opposition n'a pas réussi à mobiliser un soutien populaire significatif et l'accusation des médias occidentaux que le gouvernement Maduro avait incendié des camions d'« aide » douteuse a été démasquée comme l'acte de bandes organisées par l'opposition de droite qui ont lancé des cocktails Molotov aux forces vénézuéliennes.

L'opération de changement de régime orchestrée par les États-Unis a tenté d'exploiter la panne d'électricité prolongée qui a touché au moins 70 % du pays à partir de jeudi dernier. Les représentants du gouvernement ont déclaré que l'électricité avait été rétablie dans la majeure partie du pays mardi, mais mercredi école et travail furent suspendus pour une quatrième journée consécutive.

Pompeo, Abrams et le sénateur Marco Rubio, un républicain de droite de Floride qui a joué un rôle majeur dans l'élaboration de la politique latino-américaine de l'administration Trump, se sont tous réjouis des souffrances infligées au peuple vénézuélien et de ce que des millions de personnes étaient privées d'eau et de lumière dans 18 des 23 États du pays.

Le gouvernement Maduro a imputé la panne de courant à une cyber-attaque montée par l'impérialisme américain, qui, selon lui, visait le système informatisé du barrage de Guri et a fermé ses turbines. Alors que les responsables gouvernementaux n'ont pas encore présenté de preuves concluantes d'une attaque, Caracas a juré de présenter ces preuves aux Nations-Unies.

D'autres au Venezuela ont déclaré que la panne d'électricité dans tout le pays n'était pas le résultat d'une intervention extérieure, mais plutôt de l'incapacité du gouvernement à investir dans le système électrique du pays et à l'entretenir, et de la perte de personnel technique clé, qui a quitté le pays.

Le secrétaire exécutif de la Fédération des travailleurs de l'industrie électrique, Ali Briceño, a déclaré aux médias qu'une surcharge électrique avait déclenché un incendie qui avait détruit trois lignes à haute tension déclenchant la fermeture du barrage de Guri, et que le personnel formé pour faire face à une telle crise n'était plus là.

Dans un article publié par Forbes, Kalve Leetaru, chercheur au George Washington University Center for Cyber Homeland Security et ancien chercheur et instructeur à l'École pour le service extérieur de l'Université de Georgetown, écrit que le scénario d'un sabotage du réseau électrique véézuélien par les États-Unis était « en fait très réaliste ».

« Les cyber-opérations à distance nécessitent rarement une présence au sol importante, ce qui en fait l'opération d'influence démentable idéale », déclare M. Leetaru. « Compte tenu des préoccupations de longue date du gouvernement américain à l'égard du gouvernement vénézuélien, il est probable que les États-Unis maintiennent déjà une forte présence au sein du réseau d'infrastructure national du pays, ce qui rend relativement simple l'ingérence dans le fonctionnement du réseau. »

« Les pannes généralisées d'électricité et de connectivité, comme celle qu'a connue le Venezuela la semaine dernière, sont aussi directement tirées du manuel cybernétique moderne. Réduire la puissance aux heures de pointe, assurer un impact maximal sur la société civile et plein d'images médiatiques post-apocalyptiques, tout cela s'inscrit parfaitement dans le cadre d'une opération d'influence traditionnelle », poursuit-il

Son article ajoute encore que le réseau électrique vénézuélien vieillissant offrait une cible parfaite pour de telles opérations « puisque le blâme pour les défaillances du réseau incombe généralement aux fonctionnaires du gouvernement pour ne pas avoir supervisé adéquatement cette infrastructure ».

Entre-temps, le budget proposé par l'administration Trump pour l'exercice 2020 comprend 500 millions de dollars pour aider à la « transition démocratique » au Venezuela, dans des conditions où le financement du département d'État pour toute l'Amérique latine devrait être réduit de 27 % pour atteindre seulement 116 millions.

Bill Van Auken

Article paru en anglais, WSWS, le 13 mars 2019

La source originale de cet article est  wsws.org
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