21/03/2019 lesakerfrancophone.fr  8 min #153690

Après l'échec, les États-Unis, le Groupe de Lima et l'opposition vénézuélienne optent pour la solution militaire

Plan de repli à long terme des Usa, si leur projet d'hégémonie mondiale tournait mal

Par Andrew Korybko - Le 8 mars 2019 - Source  orientalreview.org

Les USA veulent transformer leur coalition internationale contre le Venezuela en institution. Bolton, le Conseiller de Trump en Sécurité nationale, s'est  exprimé en faveur de la constitution d'une « coalition étendue » en soutien à l'initiative étasunienne de construire un « hémisphère complètement démocratique », allant jusqu'à embrasser fièrement la doctrine Monroe en déclarant que l'Administration Trump « ne craint pas d'utiliser cette phrase ».

L'homme est allé jusqu'à rappeler, non sans provocation, que les USA poursuivaient cet objectif depuis l'ère Reagan et les guerres par procuration soutenues par ce dernier dans cette région du monde en poursuite des mêmes objectifs affichés. Le « groupe de Lima » constitue déjà une base pour ce projet de coalition étasunienne ; mais pour transformer ce groupe, qui n'est guère plus qu'une suite de pays, en plateforme formalisée soutenant un changement de régime au Venezuela, il faudrait le faire muter - en ligne avec le stratagème «  Diriger depuis l'arrière » et aux fins de créer la «  Citadelle Amérique » - en structure pan-hémisphérique ressemblant à une OTAN latino-américaine.

Ce concept de « Citadelle Amérique » fait référence à la stratégie fondamentale étasunienne de reprendre le contrôle hégémonique et sans partage de l'hémisphère Ouest, après la  réaction en chaîne de coups d'État divers ou constitutionnels, qui réussit à inverser la « Marée Rose », d'abord au Honduras en 2009 sous l'administration Obama, et dont l'apogée se voit atteinte avec la «  prise » géostratégique majeure du Brésil, avec l'élection de Bolsonaro. Mais au stade actuel, le subterfuge clandestin des USA semble avoir atteint ses limites face à  trois pays en résistance : le Venezuela, le Nicaragua et Cuba : la prochaine phase de la construction de la « Citadelle Amérique » passera donc par des  interventions militaires directes - en propre ou par un soutien étasunien à des mandataires armés - ou la menace de telles interventions. La  Bolivie, dernier pays socialiste de la liste, reste bien plus facile à gérer de par sa situation géographique enclavée.

La fin du jeu, telle que les USA la veulent, sera la chute de tous les gouvernements de l'hémisphère orientés en faveur de la multipolarité, dans une nouvelle « contre-offensive » de  Nouvelle guerre froide contre la Chine et la Russie, et qui verrait par là Washington prendre le contrôle total des ressources et des marchés de l'hémisphère, et qui permettrait aux USA de mettre à profit leur influence hégémonique en privant ses rivaux - ou à en contrôlant leurs accès - à ces ressources et marchés. L'entreprise étant gigantesque, les USA veulent pouvoir donner le travail de « manutention » à des États vassaux, afin que ce retour de la doctrine Monroe se fasse de manière aussi masquée que possible ; le but final est de créer une structure dirigée économiquement par les USA, et complémentaire à l'OTAN de l'autre côté de l'Atlantique [Ce n'est pas tout à fait un hasard que le périmètre de l'Union Européenne et ses projets d'extension rejoignent systématiquement celui de l'OTAN, NdT].

L'idée de génie derrière ce concept de « Citadelle Amérique » réside en ce qu'elle met à disposition des USA une base de repli géostratégique ultime, en cas d'échec et de retour de flamme de leur politique du diviser-pour-mieux-régner sur l'hémisphère oriental qui verrait la présence du Pentagone diminuer dans cette lointaine moitié du monde. À long terme, il est concevable que le Partenariat stratégique Russie-Chine réussisse à démanteler les nombreuses structures travaillant au bénéfice des USA dans leur hémisphère oriental, et les remplace par des structures authentiquement multipolaires : les USA ne s'effondreraient pas pour autant, car ils disposeraient de cette zone de repli, de par les ressources et marchés qu'ils contrôleraient dans leur hémisphère « grande Amérique ».

Ce scénario « du pire » ne verrait pas seulement les USA survivre. Ils pourraient bien y prospérer.

Le présent article constitue une retranscription partielle de l'émission radiophonique context countdown,  diffusée sur Sputnik News le vendredi 8 mars 2019.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l'agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l'Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l'approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Note du traducteur Initialement titré littéralement en : Bolton est prêt à construire la "Citadelle Amérique". J'ai changé le titre afin d'exprimer l'idée de fond qui me semble manquer dans le titre originel.

Traduit par Vincent pour le Saker Francophone

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