22/03/2019 reseauinternational.net  10 min #153735

La génuflexion de Bolsonaro devant Trump déplaît aux soldats brésiliens

par Juraima Almeida

Lors de sa première visite officielle à la tête de l’État, le Président brésilien d’extrême droite Jair Bolsonaro a réalisé son rêve de rencontrer en privé son idole Donald Trump, pour l’assurer en personne du changement radical de la politique étrangère de son pays, dans sa mission pour devenir le principal allié stratégique de Washington dans la région.

Après avoir échangé des maillots de football avec Trump, Bolsonaro a dit oui à tout ce qui a été proposé : l’élimination de l’obligation de visa consulaire pour les citoyens américains pour entrer sur le territoire brésilien, sans réciprocité de la part des États-Unis ; il a autorisé l’utilisation de la base militaire de lancement de roquettes Alcantara et accepté toutes ses demandes dans l’espoir d’une intensification des relations commerciales bilatérales.

Et il est revenu avec une poignée de promesses : le soutien à l’adhésion du Brésil à l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), en échange du renoncement à son statut à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), où le Brésil est considéré comme une économie en développement, avec les avantages qu’une telle situation lui assure. Et il est revenu au milieu d’un malaise croissant parmi les commandants militaires.

Ce que personne n’a pu expliquer, c’est ce à quoi il s’est engagé lors de la visite qu’il a effectuée avec son Ministre de la Justice, Sergio Moro, à la CIA (la première fois qu’un président visite un centre de renseignement étranger) ou si un engagement de coopération a été signé. On n’a pas non plus révélé l’accord signé avec le FBI pour lutter contre « le trafic de drogue, le blanchiment d’argent et le terrorisme ». Il ne faut pas oublier que les mouvements sociaux sont qualifiés de terroristes par leurs dirigeants.

Cette fois, un Bolsonaro enthousiaste a réitéré son engagement à combattre le socialisme et le communisme au Brésil et dans tout l’hémisphère, et lorsque des journalistes lui ont demandé si son gouvernement pouvait collaborer à une intervention militaire au Venezuela, il a répondu avec sérieux :

« Certaines questions stratégiques, si on les divulgue, ne sont plus stratégiques« .

Dans son effort pour établir un parallèle entre sa trajectoire et celle de Trump, il dit qu’il croit en la transformation de son pays « par les mains de Dieu« , à qui il fait référence dans son discours (improvisé ?). Nous croyons en Dieu, nous sommes contre ce qui est politiquement correct, nous ne voulons pas d’idéologie de genre (…) « Nous voulons un grand Brésil comme Trump veut une grande Amérique » (en référence au slogan trumpiste « Make America Great Again »).

La vérité est que la visite de Bolsonaro à Trump n’a eu que peu de couverture dans la presse locale et n’a été soulignée que par deux médias (Los Angeles Times et CNN). Deux autres lui ont accordé une importance secondaire (Bloomberg et The Washington Post), quatre l’ont présentée comme une nouvelle de peu d’importance (Le New York Times, Le Wall Street Journal, Fox News et MSNBC), et l’un d’eux (USA Today) l’a simplement ignorée.

Généraux préoccupés

Le ton adopté aux États-Unis par le Président Jair Bolsonaro concernant le soutien à une éventuelle action militaire contre le Venezuela a sonné l’alarme parmi les généraux actifs des Forces Armées, qui craignent d’aider Washington dans une mission visant à renverser le gouvernement constitutionnel de Nicolás Maduro, un point de rupture dans le soutien des dirigeants militaires au gouvernement, suite à la promesse électorale de permettre l’installation d’une base américaine au Brésil.

Dans leurs groupes WhatsApp, les militaires ont échangé des impressions sur les paroles de Bolsonaro. La version selon laquelle le Brésil pourrait offrir une aide logistique à une invasion ou une action américaine est inacceptable pour la majorité des responsables de la défense brésilienne, souligne le quotidien conservateur Fila de Sao Paulo.

Bolsonaro s’est rendu aux États-Unis accompagné de sa famille et de son principal conseiller militaire, le général Augusto Heleno, Ministre de la Sécurité Institutionnelle et Commandant de la Mission de l’ONU en Haïti, et du porte-parole Otávio do Rêgo Barros, un général actif en pleine ascension dans l’armée, qui a modéré les propos du président en disant :

« La démocratie existe uniquement parce que les militaires le veulent bien« .

Si l’orientation du gouvernement brésilien devait changer, ce serait une victoire pour l’aile ultraconservatrice du gouvernement et l’entourage de Bolsonaro, comme le Ministre des Affaires Étrangères colombo-brésilien, Ernesto Araújo, et le conseiller international de la présidence, Filipe Martins, qui se sont déjà opposés au vice-Président, le général Hamilton Mourão, attaché militaire au Venezuela et membre du gouvernement opposé à toute solution non diplomatique à la crise au Venezuela, qui s’est déjà manifesté contre une intervention.

Bolsonaro a déclaré que « la grande majorité des immigrants n’ont pas de bonnes intentions« , il a fait quelques diatribes contre les femmes, les minorités et les homosexuels, peut-être pour flatter son hôte de plus en plus agressif avec le contrôle de l’immigration, a déclaré le Washington Post.

Ce que Bolsonaro a tenté de faire à Washington, c’est de récupérer le rôle d’allié stratégique privilégié des États-Unis en Amérique du Sud, après l’échec retentissant de la Colombie, complice choisie par les faucons de Trump pour tenter une invasion au Venezuela.

Le Brésil et les États-Unis n’ont jamais été aussi proches, a assuré Trump, qui a annoncé des mesures plus sévères contre le Venezuela (le département du Trésor a immédiatement annoncé des mesures contre la compagnie minière d’État Minerven) ; il a répété que « toutes les options sont sur la table » et a demandé à nouveau aux membres de l’armée vénézuélienne de cesser de soutenir Maduro, qui en réalité n’est rien de plus qu’un pantin cubain. Washington pense que le bon lien entre les militaires vénézuéliens et brésiliens peut contribuer à provoquer un coup d’État.

Bolsonaro, qui a dîné avec Steve Bannon, gourou de la droite de Trump et ancien stratège, et qui a visité le siège de la Central Intelligence Agency, a déclaré qu’il avait parlé à son homologue de permettre à l’armée américaine de se positionner au Brésil près de la frontière vénézuélienne. Bolsonaro a également discuté de la crise vénézuélienne avec Luis Almagro, Secrétaire Général de l’Organisation des États Américains.

Dans les réseaux sociaux brésiliens, on a sévèrement critiqué le dirigeant pour avoir éliminé les visas pour les Américains qui voyagent au Brésil sans réciprocité avec les États-Unis et pour ses déclarations en faveur de la politique d’immigration controversée de Trump.

L’Accord spatial

L’accord spatial a été signé à la Chambre de Commerce de Washington. La base d’Alcantara, dans l’état de Maranhao, est idéalement située pour des lancements, car elle est très proche de la ligne de l’Équateur, ce qui permet d’économiser jusqu’à 30% de carburant ou de transporter plus de charge. L’accord devra être approuvé par le Congrès et de nombreux secteurs nationalistes y voient un risque de perte de souveraineté.

Construit en 1983, l’Alcantara Launch Center avait pour restriction de ne pas pouvoir être utilisé par d’autres pays. Avec le nouvel Accord de Garanties Technologiques (AST) qui permet aux États-Unis de lancer des satellites à des fins pacifiques à partir de cette base, le Brésil s’attend à ce que les investissements pleuvent (des centaines de millions de dollars, selon le colonel Carlos Moura, Président de l’Agence Spatiale Brésilienne), même si la souveraineté du pays est mise en péril.

L’armée brésilienne n’est pas d’accord avec cette cession de souveraineté pour de l’argent. Selon l’AST, seules les personnes désignées par les autorités étatsuniennes auront accès aux dispositifs technologiques étatsuniens. En contrepartie, le Brésil recevra un paiement pour la location de la base. L’accord doit passer par le Congrès.

Ces dernières années, la base a été limitée aux vols suborbitaux (jusqu’à 100 kilomètres au-dessus du niveau de la mer) et aux fusées expérimentales. Les entreprises étatsuniennes (Saces de Elton Mus, Virgen Galáctica de Richard Brandon et Blue Origen, de Jeff Bezos) savent qu’elles peuvent effectuer des vols spatiaux depuis Alcántara. Le marché spatial a progressé de trois milliards de dollars en 2017, selon les chiffres officiels.

Les États-Unis détiennent environ 80 % de la technologie de lancement des satellites (plus de 40 lancements commerciaux sont effectués chaque année). Un projet similaire avait déjà été bloqué (fin 2000) par le Congrès pour menace à la souveraineté nationale, qui considérait que la zone serait administrée par les États-Unis dans la pratique, étant donné les restrictions d’accès.

Il s’est rendu à Washington plein de cadeaux et de plébiscites et en est revenu avec à peine des promesses.

Source :  La genuflexión de Bolsonaro ante Trump disgustó a militares brasileños

traduit par Pascal, revu par Martha pour  Réseau International

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