23/05/2019 lilianeheldkhawam.com  11 min #156784

Dépossession. Le rôle des banques centrales dans le mal qui détruit nos sociétés. Bruno Bertez

Les banquiers des banques centrales sont les personnes qui détiennent le pouvoir mondial. Ils créent, ils distribuent, ils jonglent avec des centaines de milliards et même des trillions. Ils n'ont de compte à rendre à personne. Ils ont réussi à bénéficier de l'impunité totale, de l'irresponsabilité et même au de la puisque les critiquer ou attenter à leur indépendance est interdit.

Qui a élu les Greenspan, Bernanke, Powell, Trichet ou Draghi? Personne !

Pourtant ils fixent les taux d'intérêt, c'est à dire le rapport entre le présent et le futur, ils manipulent les valeurs des monnaie les unes par rapport aux autres,; ils jonglent avec les prix des actifs, avec la valeur des patrimoines, avec le taux d'inflation et beaucoup d 'autres choses encore, moins visibles, plus mathématiques comme par exemple le risque.

Qui leur a donné ces pouvoirs que je qualifie souvent de démiurgiques?

Qui les a instauré comme apprentis sorciers? Ce n'est pas Alexander Hamilton. Ce ne sont pas non plus les pères fondateurs de la Fed. Si les promoteurs du Federal Reserve Act de 1913 pouvaient revenir sur terre pour voir le résultat de leur oeuvre, le choc les tuerait une seconde fois!

Le Congrès américain avait envisagé une institution qui devait fonctionner dans le contexte de l'étalon-or international. Il ne faut pas l'oublier. Cela signifiait que le dollar était défini par un poids fixe d'or. Le vieux Carter Glass, le défenseur de la Fed au Congrès, avait réprimandé les critiques lorsqu'elles avaient osé suggérer qu'il tentait de remplacer le dollar en or par un bout de papier vert.

Eh bien, c'est ce Glass lui-même qui est responsable de la majeure partie du mal qui a suivi. Le préambule législatif de l'acte que Woodrow Wilson a signé décrit un projet de loi «visant à fournir une monnaie élastique, afin de permettre l'escompte de billets de trésorerie, d' établir un contrôle plus efficace des opérations bancaires aux États-Unis et à d'autres fins».

Ces autres fins sont rapidement devenues les fins principales.

À peine l'Amérique est-elle entrée dans la Grande Guerre que la Fed a prêté main forte pour faciliter le placement des emprunt du gouvernement destinés à payer les dépenses.

Au moment où le système a célébré son trentième anniversaire, en 1943, la banque centrale a arrimé les taux d'intérêt afin de supprimer le coût de financement d'une guerre encore plus intense. C'est ce que l'on appelle du nom de répression financière dont je vous parle souvent.

La répression financière est un outil des gouvernements pour financer les guerres et quand je vous répète que nous sommes en guerre, je ne blague pas. L'autre outil je vous en parle souvent: c'est le mensonge, la fin de la Vérité.

La répression financière c'est ce qui a été instauré lors de la crise de 2008 et qui permet de quasi annuler le coût des dettes et symétriquement de supprimer la rémunération des épargnants. Par la décision de mise en place de la répression financière les banquiers centraux font des cadeaux par centaines de milliards aux emprunteurs et à tous ceux qui ont accès au crédit, les ultra riches et en face ils spolient tous ceux qui économisent, qui épargnent pour leur retraite ou pour installer leurs enfants. Ils brisent, ils pulvérisent une régulation, un équilibre séculaire.

Les banques centrales ont ainsi, ni vues ni connues, pris des trillions dans la poche des uns pour les transférer dans la poche des autres. C'est l'une des causes de la forte montée des inégalités, mais chut c'est un secret! La vraie guerre, c'est en effet... contre vous. c'est vous l'ennemi, c'est vous qu'il faut défaire.

Sautez une autre génération. En 1971, le dollar est devenu le bout de papier non collatéralisé que Carter Glass a nié être. C'est Nixon qui a coupé le lien qui rattachait le dollar à l'or, il a fermé ce que l'on appelle la vitrine de l'or, il a protégé le stock d'or américain car il a bien compris à quel point l'or était précieux puisque c'est la monnaie des rois, celle qui permet de payer vraiment, c'est à dire d'éteindre les dettes. Nixon a choisi en fait de ne plus payer les dettes américaines, de les transformer en bouts de papier, en dette à perpétuité, ce que bien sûr il ne faut pas dire non plus.

Vous remarquerez que Nixon choisi de protéger le stocks d'or américain contre les demandes du Général de Gaulle par exemple et que si il l'a fait c'est parce que l'or est ce qu'il y a de plus précieux; mais pour vous, pauvres idiots, l'opération été présentée non pas comme une sacralisation ultime de l'or mais comme sa dévalorisation, sa démonétisation! Ah les braves gens.

On vous dit qu'il ne vaut plus rien, qu'il est bon pour la poubelle, au titre de relique barbare mais on conserve bien précieusement celui que l'on a et on n'y touche plus.

C'est ainsi que la gestion monétaire discrétionnaire, arbitraire, sans règle par les anciens professeurs d' économie, les PHD, est devenue la nouvelle technique de fonctionnement de la Fed. L'étalon-or était mort. Vive l'étalon PHD. Le doctorat le PHD est devenu l'étalon, le dollar c'est comme je le dis souvent l'étalon PHD.

Sans contrainte, libéré de l'or, la Fed est intervenue pour « nettoyer » après la catastrophe financière spéculative de 1998 créée par la gestion de LTCM. Elle est intervenus pour nettoyer après le sinistre spéculatif des dotcoms, les entreprises Internet, puis pour éteindre les incendies spéculatifs de l'immobilier et de l'hypothécaire de 2008. Le taux d'intérêt a été ramené à zéro, et maintenu ainsi pendant des années. Maintenant, si la Fed écoutait Trump, la politique monétaire serait utilisée pour financer MAGA, make america great again.

Hamilton aurait-il été choqué par ces mesures radicales? Certainement et Glass aussi. Mais la modernité en tant qu'idéologie sociale gérée par les classes dominantes a pour fonction d'euthanasier le passé, de neutraliser l'esprit critique, de supprimer les références et ainsi de valider les escroqueries des élites. « Le culte des ancêtres est un pauvre substitut du progrès », disent-ils.

La science, cependant, est une chose, la finance en est une autre. En science, les progrès sont cumulatifs et ils sont sous le contrôle de l'expérience et des résulats. En matière scientifique, « nous tenons sur les épaules de géants ». En finance, nous sommes juchés sur les épaules de nains de la pensée. Ce que j'ai écrit dès 1981, il y a fort longtemps donc.

Ce n'est pas parce qu'en matière financière nous n'apprenons jamais. Non. Nous apprenons. Mais nous n'apprenons pas ce qu'il faut: nous n'apprenons pas à comprendre le réel: cela, le réel, la finance a pour fonction de le masquer! La finance comme la monnaie et comme les narratives des élites et de leurs mercenaires ont pour fonction de la voiler, de la dissimuler. La finance c'est le grand non-su, le grand non-formulé.

Nous n'apprenons pas l'effort, mais la facilité, la veulerie, l'esprit de jeu et d'irresponsabilité. Nous apprenons à réagir aux incitations, aux manipulations, aux interventions désormais prévisibles de la Réserve fédérale et de ses consoeurs visant à soutenir le marché boursier, visant à forcer les gens, ceux qui le peuvent, à s'endetter et à gaspiller l'argent des autres. Nous apprenons certes mais nous apprenons à nous habituer au vice, au vice du casino et c'est ainsi que toute l'activité humaine est devenue le sous produit d'un jeu de casino.

Nous apprenons à profiter, lorsque nous le pouvons bien sur, des opportunités offertes par les taux d'intérêt toujours plus bas. Nous apprenons à spolier, à attirer à nous des riches réelles que d'autres ont produites mais pour lesquelles ils n'ont pas été payés, pas rémunérés.

Les taux d'intérêt sont probablement les prix les plus importants et les plus conséquents du capitalisme. Ils régulent les rapports entre le présent et l'avenir, ce que l'on appelle les préférences dans le temps.

Ils équilibrent l'épargne et l'investissement, ils actualisent les flux de trésorerie futurs, ils définissent les taux de rendement des investissements, ils mesurent le risque financier, ils déterminent les taux de change entre les différentes monnaies et donc le pouvoir de prélèvement d'un pays sur la richesse mondiale.

La Fed et ses homologues étrangers passent leur temps à manipuler, à influencer, les taux d'intérêt à long terme et à court terme.

Les marchés financiers et les ultra riches, comme leurs gouvernements adorent cela! Les taux artificiellement bas des 10 dernières années ont avantagé les investisseurs, les spéculateurs en général, les promoteurs d'entreprises, les spéculateurs immobiliers, et les politiciens.

Ils amortissent ou suppriment les capteurs, les avertisseurs, les indicateurs de risque. Les taux manipulés comme ceux qui prévalent depuis plus de 10 ans, allouent des fortunes tombées du ciel. Ce sont des désinhibiteurs financiers, ils encouragent à la prise de risque donc ils incitent à la spéculation. Mais le risque est toujours là lui! Il est logé dans le bilan des banques centrales c'est dire dans le patrimoine commun de tous les citoyens; de tous les contribuables.

Ceux qui s'enrichissent reportent structurellement le risque sur la société toute entière. C'est la socialisation mais inversée, c'est à dire socialisation pour les riches au détriment de la masse, au détriment des pauvres. Ah les braves gens.

Les taux bas - selon certaines mesures, ce sont les plus bas depuis 3 000 ans - ont pénalisé les épargnants, les classes moyennes, et ils ont incité les possédants à prendre des risques douteux.

Ils ont accéléré la croissance de l'endettement mondial, maintenu en vie des d'entreprises qui auraient échoué sans le crédit facile.

Ils ont creusé le fossé qui sépare les riches et les pauvres.

Ils ont détruit nos arrangements politiques, disloqué nos sociétés et crée ce que l'on fait semblant d'appeler pour le stigmatiser: le populisme.

Ce n'est que le début car ces taux bas détruisent en profondeur nos systèmes de retraite, ce qui va paupérsier, rendre dépendants, prolétariser des masses considérables de population.

Tout est devenu faux, artificiel. Nous vivons dans une «fausse économie». Nous disloquons nos sociétés et les valeurs qui vont avec. Nous produisons de nouvelles valeurs de moindre effort, de mensonge et de mystification. Tout en découle, le mal se répand de proche en proche, comme du liquide. Le pognon des banques centrales arrose tout et pourrit tout.

Le problème est que les coûts des politiques monétaires scélérates sont différés, les ravages sont peu clairs et non évidents. La chose monétaire est opaque. On peut toujours tricher avec tout ce qui est monétaire.

En revanche les cadeaux tombés du ciel que les politiques monétaires font pleuvoir sont bien visibles, gratifiants et immédiats.

Ces cadeaux sont transitoires.

Les entreprises zombies échouent finalement. Les prix bullaires des actifs gonflés à l'hélium monétaire finissent par chuter; il n'y a pas d'exemple dans l'histoire de plateau bullaire durable. La vérité des valeurs, la loi de la Valeur finissent toujours par s'imposer, la gravitation est toujours la plus forte. Tout ce qui est soutenu demande un effort, une énergie et donc l'effort finit soit par céder soit par être contre-productif.

En d'autre terme, il n'y a pas de free lunch, on ne rase pas gratis dans le vrai monde. Ce n'est que dans l'imaginaire monétaire que l'on a quelque chose pour rien.

Même ceux qui s'enrichissent en ce moment, maintenant, les ultra riches, subiront la contrepartie, le coût de leurs gains actuels: le système qui les fait exister part en lambeaux, les consensus s'effondrent. Un jour, ils seront nus.

La richesse n'est qu'un rapport social relatif à un ordre qu'ils sont eux même en train de détruire.

Ce texte m'a été inspiré par une conférence de Jim Grant, le géant de la chose monétaire et des taux d'intérêt. Je lui rend hommage.

J'ai laissé courir mes associations, mes raisonnements, ma propre logique mais je dois beaucoup à son texte je tiens à le préciser.

Disons, si cela existe, que c'est une sorte de détournement de son exposé pour exprimer quelque chose que j'avais à coeur de formuler.

Si vous avez compris ce que j'essaie de faire passer vous comprenez également que Macron, l'Europe, les élections, tout cela c'est du pipeau, c'est la surface des choses. Tout se passe ailleurs.

Seule une pensée radicale, c'est à dire une pensée qui va à la racine des choses, seule une pensée radicale peut faire progresser les luttes et leur donner un sens.

Tout le reste se situe dans la bouteille comme je le dis, dans l'imaginaire, dans la névrose et est un produit du système contre lequel on croit lutter.

C'est l'origine du sentiment d'impuissance que ressentent tous les révoltés et tous rebelles.

Bruno Bertez

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