26/05/2019 reseauinternational.net  6 min #156918

La Colombie de retour au régime de la haine ?

par Manuel Humberto Restrepo Dominguez

La polarisation, qui est devenue la stratégie centrale du parti au pouvoir, réapparaît avec tous ses outils de médiation et d'intimidation pour tenter de diviser la grande majorité de la population qui, en tant que masse unique, a subi passivement l'horreur de la guerre et a été victime de ses terribles conséquences. Le gouvernement, avec chaque acte de violation qu'il cause ou produit, affaiblit le tissu social, crée une impuissance généralisée, en fait profiter très peu et souffrir quelques-uns, quand il s'en prend avec arrogance à la paix convenue, qui a sans doute été la meilleure œuvre collective du XXe siècle.

Trois générations vaincues par la guerre croient encore que leur effort de générosité et de pardon en vaut la peine, que les temps de paix stable et durable sont encore possibles et que nous devons commencer à formuler des politiques et à allouer des ressources, même si tout tend à s'effondrer, à cause d'un homme, un trille, un parti, un dirigeant qui ternit tout, noircit le décor, trouble l'humeur, bouleverse l'atmosphère et empêche les gens de voir le bout du tunnel.

La Colombie est entraînée dans un moment de vide, de patrie autiste, aliénée, mue par les passions et les émotions d'une réalité réelle, dans laquelle les gens ordinaires ne sont qu'une partie d'une expérience de structure nazie mue par des chiffres et des calculs, qui donnent la sensation que le pays est comme le décrit le gouvernement et la vérité véhiculée par le parti dirigeant renvoie le pays au passage entre le Moyen Âge et la modernité, avec les gens du peuple, condamnés à rester au Moyen Âge à la merci d'un régime de la haine, qui les empêche de réaliser leur aspiration à une vie digne, avec des droits, des garanties et des libertés, comme il se doit dans la société moderne, avec l'État de leur côté et non contre eux, non converti en bourreau, ainsi que leurs juges alliés de cette injustice.

Comme il y a plusieurs siècles, les travailleurs ont tendance à être à la merci des accords de libre-échange, qui finissent par inonder tous les marchés locaux et les magasins avec des marchandises à un coût presque nul, et à casser le système productif, comme ce fut le cas dans le pays voisin assiégé par un blocus sans compassion, qui ne lui a ni enlevé la faim, ni apporté une meilleure « démocratie ». La machine politique, aidée par la « post-vérité », dispose d'un marché captif de la haine qui détruit le pays, réduit à néant la valeur de la vie et sacrifie l'avenir de 8 millions de victimes, 10 millions de paysans, 2 millions d'étudiants, professeurs et travailleurs universitaires, en plus de refuser l'autonomie à plus de 3 millions d'Indiens, Afros et Raizals et plusieurs autres jeunes sans perspectives d'emploi ou de changement pour leur destin.

Le gouvernement tient un discours incendiaire qui n'apaise pas, mais offense et appelle au combat, au litige, à l'obscurcissement et encourage délibérément des pratiques de guerre qui favorisent le désespoir, empêchent la réconciliation et s'enracinent dans le corps faible de la société et de l'individu solitaire et découragé qui s'enferme facilement dans son idéal de vengeance en croyant qu'il s'agît de justice.

La haine mieux que tout sait trouver rapidement des conditions propices à se répandre dans tous les espaces de la vie quotidienne, au sein des familles qui reproduisent la maltraitance et le féminicide, dans les écoles qui augmentent l'intimidation et le mépris des faibles, dans les rues pleines d'agressions, de vols, de cambriolages et de peurs de se promener, de rire, d'observer, aller et venir sans peur ni humiliation.

Les sentiments diffusés par le gouvernement favorisent le rejet, la répudiation, la discrimination et l'animosité à l'égard des exclus, des marginalisés, des victimes, des réintégrés, des démobilisés, des immigrants et des pauvres en général, dont le rêve de sortir de la barbarie était la paix possible qui les aurait ramenés à une vie digne.

Le pays semble être ramené aux pires moments de barbarie, avec une société divisée à cause de la mauvaise politique qui dresse des barricades qui se soucient peu de la perte totale du sentiment de souveraineté, de la pusillanimité des hauts fonctionnaires de l'État, du volontarisme du chef du parti et du gouvernement et ses armées environnantes, et ne veulent pas comprendre l'importance du peu de démocratie qu'il reste.

La mise en exercice du modèle de gouvernement, basé sur la polarisation, fait reculer le pays et, comme par le passé, revient à le rendre esclave de son maître nordique ; comme au Moyen Age, les serviteurs des nobles seigneurs qui apparaissent avec des tronçonneuses, des notaires et des techniques horribles pour compléter leur réforme agraire avide d'extraction de biodiversité et de biens minéraux et énergétiques qu'ils considèrent menacés par la paix qui se dessine ; et comme dans la modernité, la démocratie est « leur démocratie », la leur, qu'ils proclament être la première classe dans la sphère politique, soutenue dans l'interprétation du droit et de la justice, qu'ils font eux-mêmes, et dont ils rendent effective la capacité en définissant la vérité, le sens d'être humain, l'utilisation de la légalité ou de son arbitralité pour décider qui peut vivre et qui doit mourir ou de leur spectacle imposant la méthode de mort soit entre mépris et cruauté, soit lentement et en silence.

Les messages du gouvernement poussent le pays au désastre sans retour, à la catastrophe. Il y a suffisamment de raisons de comprendre que la paix est mutilée, détruite. Et que cela pousse au désespoir de quitter la patrie autiste pourrait se terminer par une rébellion pacifique sans précédent ni destin final, mais en tout cas dans le but d'empêcher l'État de redevenir une machine de guerre et de cruauté sans limite.

Source :  ¿Colombia de regreso al regìmen del odio?

traduit par  Réseau International

 reseauinternational.net

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