07/06/2019 histoireetsociete.wordpress.com  9 min #157483

Macron et Trump commémorent ensemble l'anniversaire du débarquement

Voir son cauchemar se réaliser ou poursuivre dans une reconquête offensive?

Voici ce que j'écrivais alors que Maxime Gremetz m'envoyait de réunions en réunions assister au bradage du socialisme européen, comme je le raconte dans la première partie de mes mémoires, j'ai retrouvé ces notes mais je ne les ai pas utilisées dans la rédaction de ces mémoires, c'est l'actualité qui remet le cauchemar au goût du jour.

L'actualité sous un triple aspect, un la célébration incroyable du débarquement avec Trump en chef de parade, le coma dépassé de la pensée tel qu'il apparait dans nos médias et le chœur des vierges qui s'inquiète de la résurrection de la gauche...

Quand j'ai écrit ces lignes, je vivais alors la mort de mon compagnon et la maladie de mon enfant, cela ne prédisposait pas à un optimisme béat, mais ce que je voyais se dérouler sous mes yeux, la manière dont de la Hongrie à l'Italie en passant par la maison mère l'URSS de Gorbatchev et la Pologne d'où tout partait sous le patronage de Jean-Paul II, Walesa et de la CIA, des dirigeants communistes prétendaient rallier la social démocratie et dénonçaient le « soviétisme » qui avait empêché les traditions nationales, le vrai socialisme de s'épanouir. En fait de traditions c'étaient celle du national socialisme qui avaient fleuri dans ces lieux et qui refleuriront quand les PC passèrent à la social démocratie. Tout cela est longuement décrit dans mon livre, les faits, les événements. Ce qu'il en ressort c'est que les mouvements divers, les premières révolutions oranges qui secouaient le socialisme européen relevaient d'aspirations confuses et contradictoires mais la contrerévolution qui s'ensuivit ne fut jamais présentée aux peuples comme la fin du socialisme et l'apparition d'un monstrueux capitalisme mais bien comme une manière de joindre au socialisme les avantages supposés du libéralisme.

Voici donc ce que je ressentais en ce temps-là, les cauchemars dans lesquels je me débattais:

Depuis l'enfance, je fais le même rêve: on vient me chercher pour me conduire dans un camp d'extermination, dans l'antichambre des tortures. Toujours je demeure pétrifiée, incapable de résister, les jambes coupées. Je me laisse faire, parfois je vais jusqu'à préparer ma valise et me présenter toute seule au rendez-vous de mes bourreaux.

Cette nuit, j'ai erré dans une ville traversée par des canaux. J'étais à Bruges. Moi, debout dans une longue barque plate chargée d'enfants à qui j'imposais le silence, j'avais le cœur étreint de l'angoisse d'être rejointe. Nous longions des façades verdâtres rongées par l'humidité. Elles étaient aveugles pour la plupart mais, ça et là, il y avait des fenêtres éclairées d'une lumière blême. Derrière il se passait des choses innommables dont je devais protéger les enfants. Nous glissions sans bruit sur l'eau visqueuse, j'appuyais sur une gaffe, en me redressant après l'effort. Tout à coup, au loin, un bruit d'orchestre, celui d'une parade de cirque, a commencé à enfler. J'ai vu apparaître un radeau sur lequel s'agitaient des nains et d'affreux clowns: les nouveaux maîtres du monde. Ils étaient là, obscènes, stupides, comme sur un plateau de télévision avec un présentateur prêt à toutes les servilités et un fond de rires préenregistrés.

J'allais à la rencontre de ceux que je cherchais à fuir.

Et bien, hier en regardant la télévision, j'ai repensé à ce cauchemar prémonitoire: me voici au rendez-vous. J'ai fait le tour de la planète pour que nous tentions moi et les enfants de leur échapper et ils sont là, encore plus stupides, plus obscènes, plus vides et dangereux que je les avais imaginés.

Trump, le clown en chef, en train de couvrir de sa fanfare et de celle de ses alliés la réalité de ce que fut la deuxième guerre mondiale. Même ceux qui ignorent - ils sont nombreux dans les jeunes générations - à qui l'on doit réellement la victoire sur le nazisme devraient bien se dire que s'il ne tenait qu'à Trump et à ses partisans, le nazisme serait au pouvoir. Mais que penser de Macron? Macron fier d'avoir réussi son opération à la Mitterrand, faire du Rassemblement National sa seule opposition crédible. Sous le parrainage du trublion de mais 68, anticommuniste de toujours Cohn Bendit, le Jadot ni à droite ni à gauche, a déjà la bague de fiançailles au doigt. Ils vont venir renforcer les choix libéraux de l'Europe, une manière de maintenir à flot un navire qui fait eau de toute part et où l'alternance sans alternative entre socialistes, démocrates et démocratie chrétienne conservatrice a épuisé son potentiel d'électeurs. Une Europe empêtrée dont les 28 cas de figure en reviennent toujours au même, mettre en concurrence les forces de travail pour gonfler les capitaux, faire sortir le sang du profit de la plèbe. Tous ces gens ignobles, des clowns dénuées de la moindre envergure, déguisés pour la parade en train de célébrer la victoire des « alliés » sur l'Allemagne nazie, en oubliant à qui ils la devaient.

Tandis que Xi et Poutine renforcent leur alliance et que le reste de la planète se demande comment se débarrasser d'un Trump qui a la moitié du cerveau acquise au Klux klux klan et l'autre moitié en tiroir caisse, de lui, et de nous glorieux français, ils se la jouent tous seuls en sauveurs de l'humanité eux et la cour d'Angleterre...

Croyez -vous que la liquidation du PCF soit étrangère à ce négationnisme historique qui nous conduit à être rejoints par ceux que l'on feint de fuir?

Mais ce n'était pas tout, il y eut la parodie de l'intellectuel contestataire, Finkielkraut venant s'expliquer sur son « dérapage » sur l'équipe de foot féminine. Tel que l'éternité le change il a meuglé son désespoir, sa solitude, les hyènes déchaînées contre lui. Il a accompli, lui et le plateau qui l'entourait l'exploit de porter le dérisoire de tous nos combats de femmes comme une ode à Macron. Il fallait chuter bien bas pour faire ressortir l'excellence du pouvoir français, de ses valeurs « actuelles », ce fut fait. Là encore quand l'alternative est entre Macron et Trump c'est l'asphyxie.

Sur les réseaux sociaux, ceux où intervient « la gauche dite radicale » un seul sujet : comment redonner vie à la gauche? Chacun y va de la sienne, et bien sûr l'épouvantail Rassemblement national est là pour donner quelque crédibilité à cet épuisement généralisé.

Pourtant depuis les années 1989 où je faisais ce cauchemar, l'expérience a été faite, refaite et étale tous les jours les conséquences de ses errances. La gauche pour la gauche et donc comme un moindre mal, la tambouille électorale de la lutte des places ne mène que là où nous en sommes.

Que l'on me comprenne bien, nous sommes à la veille des municipales et cela prédispose à ce genre de discours, je ne suis pas ennemie loin de là des rassemblements nécessaires pour gérer une ville, mais je puis vous assurer que la meilleure manière d'offrir sur un plateau celles-ci à Macron ou au Front National, c'est de continuer à appliquer des recettes auxquelles personne ne croit comme de ce discours creux et politicien, cette volonté de redonner un avenir à la gauche, c'est-à-dire soyons clairs au PS ou à l'un de ses avatars.

J'aurais espéré un autre discours du moins entre militants communistes, comment renforcer le parti communiste ? ce n'est pas simple question de boutique: en effet toutes les expériences d'une gauche autour de la social démocratie, PS ou mouvement, ont toutes abouti au même résultat, sans un parti communiste fort, la gauche ne cesse de trahir les classes populaires et entraine leur abstention, la dérive de l'ensemble de la société vers l'extrême-droite.

Si mes chiffres sont exacts, aux dernières européennes, nous n'avons absolument pas mordu dans la classe ouvrière et là est le véritable problème. Celui qu'a largement créé le Congrès de Martigues, détruire notre organisation et la manière dont elle était en prise sur les entreprises et les quartiers populaires. J'aurais aimé un début de réflexion là-dessus. Mais le poids de l'ancien leste lourdement le Conseil National, l'exécutif, là encore sous prétexte d'unité du parti, on entraîne dans les ornières d'un discours qui ne débouche sur rien et qui ne trompe personne.

C'est un peu comme l'Humanité qui quand il s'agit de faire appel aux souscriptions se retourne vers les communistes, mais quand il s'agit de faire parler Ian Brossat à sa fête n'est plus selon le mot de Pierre Laurent de l'époque, le journal des communistes. Lui prend la parole pour ne rien dire, mais pas Ian Brossat, l'image de la campagne. L'impossibilité de savoir qui paye qui, dans quelles poches tombent les subventions européennes du PGE et combien cette organisation coûte au Parti communiste. Bien sûr il vaut mieux parler de la résurrection de l'Union de la gauche, cela évite bien de gênantes questions: l'unité vous-dis-je, le rassemblement national nous menace et la gauche est là...

Même si on ne prend pas en compte la nécessité de l'existence d'un parti communiste, il est clair que toutes les solutions à « gauche » qui ont prétendu nier ce fait ne cessent de démontrer leur échec et ce depuis plus de vingt ans.

Il faut aussi bien voir que désormais les citoyens ont besoin de lisibilité et que le message doit être clair pour au moins mobiliser ses soutiens. Est-ce que la « gauche » est dans ce cas? Non! J'ajouterai que le PCF a encore du chemin à accomplir pour que son message soit audible, or il n'est jamais question de cela dans ce chœur vertueux qui en appelle à la « gauche » pour censément faire front au Rassemblement national, alors que celui-ci est la créature de la dite « gauche, de Mitterrand à Macron, fils des œuvres de Hollande et de l'Institut Montaigne.

Enfin, la plupart des problèmes que nous nous posons ont non seulement une dimension européenne de soutien ou non à l'OTAN et au grand capital, mais désormais une dimension planétaire, la paix, l'environnement et le renforcement de l'exploitation capitaliste, rien ne peut être pensé sans prendre position à ce niveau. La « gauche » française jusqu'ici à ma connaissance s'est montrée sous couvert des « droits de l'homme » le meilleur soutien de la politique de la CIA et de l'OTAN, et il n'y a eu aucune voix pour protester contre la politique étrangère néo-colonialiste et soumise aux Etats-Unis qui fait consensus.

Certes un programme municipal peut paraître étranger à ces grands enjeux, mais la question de l'avenir du PCF ne doit pas se jouer à chaque élection comme nous en avons pris la détestable habitude. Et la campagne des municipales ne doit pas servir de prétexte pour éluder ce qui depuis tant d'années nous a tous conduits là où nous en sommes. Au contraire, autrement comme dans mon cauchemar on se retrouve devant ce que l'on prétendait fuir.

Il y a eu un bougé, il peut ne pas être contradictoire avec l'échéance électorale qui est devant nous au contraire, mais il faut arrêter de faire comme si un Congrès n'avait pas eu lieu, comme si la bataille des européennes n'avait pas été un premier pas important. Parce que quel que soit l'avenir et s'il s'avère pire que ce que l'on peut entrevoir, on aura bien besoin des communistes organisés et combatifs pour y faire face.

Danielle Bleitrach

 histoireetsociete.wordpress.com

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