03/07/2019 tlaxcala-int.org  5 min #158653

Israel : Assassinat d'un jeune éthiopien israélien par un policier

Les Israéliens éthiopiens qui manifestent contre le flingage policier d'un adolescent disent ce qu'Israël a besoin d'entendre : ce pays est raciste

 Eyal Gato איל גטו

Même le langage le plus javellisé ne peut dissimuler ou " blanchir " la situation complexe de la communauté : un état d'aliénation et d'isolement.

Manifestant·es au nord de Haïfa, Israël, 3 juillet 2019. Photo Rami Shllush

Les protestations d' Israéliens d'origine éthiopienne qui ont lieu dans tout le pays sont l'expression de la douleur et de la colère que la communauté vit depuis des années. Bien que les accusations des manifestants visent principalement les personnes en uniforme des forces de l'ordre, à y regarder de plus près, on discerne une accusation plus grave contre la société israélienne et l'État d'Israël et ses institutions dans leur ensemble.

Solomon Teka

Yosef Salama

Solomon Teka, Yehuda Biadga et Yosef Salmasa auraient pu être enseignants, médecins ou officiers de l'armée. Ils auraient pu être mes enfants, vos enfants ou ceux de vos amis. Mais tous les trois sont morts, l'un après l'autre, à la suite de clashs avec la police israélienne. Ce n'est pas une coïncidence. C'est le résultat d'une perception erronée qui est profondément ancrée dans les institutions de l'État.

Avant même qu'une personne n'ouvre la bouche, la société l'étiquette en fonction de son apparence et du groupe social auquel elle appartient. Ce processus a des implications importantes pour la société dans son ensemble et en particulier pour les personnes étiquetées, car il les place dans une position d'infériorité. L'étrangéité et le manque d'appartenance invitent à la confrontation interne avec les éléments les plus fondamentaux de l'identité d'une personne. Les individus sont tenus de nier leur propre identité, leurs habitudes, leur culture et leur langue, toute composante qui pourrait, à Dieu ne plaise, saboter la tentative d'appartenance, de faire partie de la collectivité et de jouir de la pleine égalité.

Depuis le début des protestations, cette expression, galvaudée et blanchie à la chaux, a refait surface à maintes reprises : « over-policing » [intervention policière excessive, équivalent de bavure, NdT]. Il s'agit apparemment d'une expression neutre destinée à expliquer une question complexe, mais dans la pratique, elle tente de minimiser le phénomène du racisme à l'égard des immigrants éthiopiens. L'excès policier, cela veut dire profilage, c'est supposer qu'une personne est dangereuse en raison de son appartenance raciale, de sa couleur ou d'une autre composante de son identité. Nous devons affirmer ouvertement que l'excès policier est du racisme.

Manifestant·es à Tel Aviv, Israël, 2 juillet 2019. Photo Avishag Shaar-Yashuv

La violence et le racisme sont des concepts clairs qui ne nécessitent pas d'interprétation. Il n'est pas nécessaire d'être sociologue pour percevoir que le racisme se propage dans la société comme une traînée de poudre, que ce soit contre les immigrants éthiopiens ou d'autres populations. Néanmoins, le cas éthiopien est exceptionnel, principalement en raison de la composante de couleur qui empêche l'assimilation complète dans la société israélienne où dominent les peaux claires.

La discrimination à l'égard des immigrants éthiopiens est une conséquence directe de différences externes. Même la langue la plus javellisée ne peut dissimuler ou "blanchir" la situation difficile et complexe de la communauté : un état d'aliénation et d'isolement de la société et de l'État dans lequel elle vit. Il est temps pour la société israélienne de se regarder dans le miroir et de comprendre qu'elle a un grave problème qui doit être traité à la racine. Il n'y a pas de différence entre le terme trompeur de "bavure" et un accord secret qui empêche la vente ou la location d'appartements aux immigrants éthiopiens. Un médecin qui refuse de soigner une personne d'origine éthiopienne est dans la même catégorie qu'un policier qui tire sur un adolescent de manière indiscriminée.

Il doit être clair pour toute personne réfléchie que l'atmosphère tendue actuelle n'est pas le résultat direct de la mort inutile de Solomon Teka, un garçon de 18 ans qui a été abattu par un commandant et officier de police. La mort de Salomon n'est qu'un symptôme d'une maladie maligne qui menace de détruire la société et l'État dans lesquels nous vivons. Un État que, malgré les défis et les difficultés constantes qu'il nous pose, nous continuons à aimer et dont nous aspirons à faire partie intégrante, significative et inséparable.

Nous avons établi notre vie ici en Israël non pas parce que nous cherchions une vie matérielle meilleure, mais principalement parce que nos ancêtres ont désiré Sion pendant des milliers d'années, en maintenant avec zèle leur judaïsme malgré les nombreuses difficultés et défis auxquels ils ont été confrontés. Il est particulièrement important de dire maintenant qu'Israël est notre foyer, parmi tous les juifs, musulmans et chrétiens qui vivent dans le Levant israélien. Nous respectons tout le monde et nous sommes des partenaires dans l'édification de la nation israélienne au même titre que tout autre groupe. Nous exigeons l'égalité totale des droits, comme c'est l'usage dans les démocraties dignes de ce nom. Tel est le message que les manifestants adressent à la société israélienne.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  bit.ly
Publication date of original article: 03/07/2019

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