14/08/2019 wsws.org  8 min #160321

Trump impose de nouvelles restrictions en matière d'immigration fondées sur les classes sociales

Par Eric London
14 août 2019

Lundi, l'administration Trump a publié un nouveau règlement au registre fédéral donnant aux agents de l'immigration le pouvoir de refuser la résidence permanente légale et la citoyenneté à tout immigrant pour des motifs explicitement fondés sur la classe sociale.

En vertu du nouveau quota de classe sociale, un immigrant sans papiers peut se voir refuser la résidence légale et la citoyenneté s'il a «un problème de santé» qui pourrait interférer avec son travail, s'il n'a pas assez d'argent pour couvrir «tout coût médical raisonnablement prévisible» lié audit problème, s'il a un «passif financier», s'il a une faible cote de solvabilité, s'il n'a pas d'assurance maladie, s'il ne parle pas anglais, s'il n'a pas de diplôme universitaire, etc.

De plus, tout immigrant ayant eu recours à des programmes sociaux comme les coupons alimentaires, Medicaid et les subventions au logement peut également se voir refuser la résidence permanente légale et la citoyenneté.

Cette mesure vise spécifiquement à favoriser l'expulsion des parents de la classe ouvrière. Une fois déclaré «interdit de territoire» pour des motifs «d'intérêt public», un immigrant peut alors être placé en procédure de renvoi et expulsé.

La nouvelle réglementation vise directement les immigrants qui cherchent à obtenir un statut légal permanent (la «carte verte») alors qu'ils se trouvent aux États-Unis avec un visa temporaire. Cela signifie qu'ils ne peuvent faire appel à aucun programme gouvernemental. L'impact, cependant, sera plus largement ressenti, car les quelque 12 millions d'immigrants sans papiers et leurs enfants citoyens redouteront que le recours aux soins de santé ou à tout autre service n'entraîne leur expulsion immédiate.

Trump et ses alliés fascistes présentent cette manœuvre comme une protection des programmes sociaux à l'usage des «Américains». Venant d'une administration qui a réduit les impôts des riches, attaqué les programmes sociaux et éviscéré les règlements sur la sécurité au travail, c'est tout un mensonge.

Ce mensonge a été révélé lorsque Ken Cuccinelli, directeur par intérim des Services de citoyenneté et d'immigration des États-Unis, le US Citizenship and Immigration Services (USCIS), a déclaré que la nouvelle politique «renforce les idées d'autosuffisance et de responsabilité personnelle». La classe dirigeante utilise ce type d'arguments du «ruissellement économique» reaganien depuis près de 40 ans maintenant pour justifier ses attaques contre les programmes sociaux de tous les Américains.

Les travailleurs de toutes nationalités doivent reconnaître ce mouvement pour ce qu'il est: une attaque contre les droits sociaux et le niveau de vie de la classe ouvrière tout entière.

Cette nouvelle politique compressera encore plus les dépenses sociales en arrachant des milliards de dollars des mains de la classe ouvrière pour aller garnir les poches de l'aristocratie financière. Loin de «protéger» les programmes sociaux des «Américains», la classe dirigeante va faire allusion au déclin de leur utilisation comme preuve que les programmes sur lesquels tous les Américains comptent doivent être vidés à fond.

Les alliés de Trump à Wall Street veulent ce changement parce qu'il affaiblira la position sociale objective de la classe ouvrière face au capital. On estime que 5 pour cent de la main-d'œuvre nationale est sans papiers, et en plongeant cette partie de la classe ouvrière dans un état de terreur constant, les grandes entreprises espèrent la forcer à accepter imperturbablement des salaires encore plus bas et des conditions de travail encore pires par crainte que toute plainte ne déclenche des rafles de masse des services de l'immigration dans leur le lieu de travail.

C'est le message qui a été envoyé lors des rafles menées la semaine dernière dans les salaisons industrielles à l'extérieur de Jackson, au Mississippi, lorsque des agents des services de l'Immigration et des Douanes (Immigration and Customs Enforcement - ICE) ont effectué des descentes dans sept lieux de travail pour retirer les travailleurs immigrants de la chaîne de montage, laissant des dizaines d'enfants sans leurs parents le premier jour de classe.

Ces rafles étaient des représailles de classe. En 2018, les travailleurs de ces établissements ont obtenu un règlement de 3,75 millions de dollars dans le cadre d'un recours collectif intenté contre Koch Foods, alléguant que les membres de la direction «procédaient à des attouchements sexuels ou faisaient des commentaires sexuellement suggestifs à leurs employées hispaniques, les frappaient et facturaient beaucoup d'entre eux pour des activités professionnelles quotidiennes normales». Les travailleurs qui se sont plaints ont été sommairement congédiés et harcelés.

Telles sont les conditions que Wall Street veut afin d'exploiter toute la classe ouvrière, indépendamment de leur nationalité ou de leur statut d'immigration, et les entreprises américaines ont l'intention de les imposer au moyen de la répression étatique. Les travailleurs qui pensent que la présentation d'une preuve de citoyenneté les protégera contre l'arrestation, la détention, le passage à tabac ou le licenciement pour s'être exprimés comme leurs alliés immigrants rêvent en couleurs.

L'administration Trump fonctionne selon une stratégie de classe consciente visant à diviser la classe ouvrière en prévision de l'éclatement de grèves de masse et de protestations sociales. Alors que les marchés boursiers mondiaux s'effondrent par crainte de «troubles» croissants, les journaux financiers du monde entier citent les manifestations de masse et les grèves en cours à Hong Kong, ainsi que les manifestations à Porto Rico, comme signes que les profits des entreprises sont en danger.

Partout dans le monde, cette stratégie de la bourgeoisie s'exprime par l'accession des partis d'extrême droite au gouvernement ou à des postes importants dans les appareils d'État.

Le message xénophobe de Trump et de ses alliés, dont l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), le Rassemblement national en France, la Ligue du Nord de Matteo Salvini en Italie, Jair Bolsonaro au Brésil et les gouvernements de droite en Europe de l'Est, vise avant tout à dresser les travailleurs les uns contre les autres et à détourner la colère sociale face aux inégalités en une direction réactionnaire inoffensive et non menaçante pour les profits des entreprises.

Aux États-Unis, le Parti démocrate facilite la progression de la stratégie fasciste de Trump, qui a engendré les attentats terroristes de Gilroy en Californie et d'El Paso au Texas. Ainsi cette année seulement, les démocrates ont voté pour augmenter le financement de l'agence ICE et du Service des douanes et de la protection des frontières, le Customs and Border Protection (CBP), ainsi que plusieurs milliards de dollars pour financer la construction de son mur le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

En fait, la disposition de «charge publique» que l'administration Trump est en train d'élargir de façon sans précédent est fondée sur le libellé législatif que le Parti démocrate a appuyé par un vote écrasant lors de l'adoption par le Congrès en 1996 de l'Illegal Immigration Reform and Immigrant Responsibility Act (IIRAIRA), ou Loi sur la réforme de l'immigration illégale et la responsabilité des immigrants.

Cette année-là, les démocrates avaient voté pour donner aux fonctionnaires de l'immigration la capacité de tenir compte de la situation financière d'un immigrant lorsqu'ils décidaient si celui-ci était «susceptible de devenir une charge publique», ouvrant ainsi la voie à un futur Trump d'invoquer spécifiquement et d'élargir considérablement le fondement de telles conclusions pour imposer une interdiction de territoire. Parmi les démocrates qui ont voté «oui» au projet de loi alors, mentionnons Bernie Sanders, James Clyburn, Elijah Cummings, Steny Hoyer, Adam Schiff, Nancy Pelosi et Charles Schumer.

Des batailles de classes d'une ampleur sans précédent dans l'histoire se profilent à l'horizon. La multiplication des grèves et l'expansion des manifestations de masse en Afrique, en Asie et en Amérique latine en témoignent. Les architectes de la politique de classe dirigeante se préparent aux luttes à venir en divisant les travailleurs et en les dressant les uns contre les autres selon leur race, leur nationalité, leur âge, leur sexe et leur orientation sexuelle.

Les ouvriers feraient une erreur désastreuse s'ils tombaient dans le piège de leurs ennemis. La position des travailleurs dans la société n'est pas déterminée par leur nationalité, leur sexe ou la couleur de leur peau, mais bien par leur position objective commune en tant que membre d'une classe exploitée dans le mode de production capitaliste.

Le véritable ennemi des travailleurs est l'aristocratie mondiale. Vingt-six milliardaires possèdent à eux seuls autant de richesses que les 3,8 milliards d'habitants les plus pauvres de la planète. Aux États-Unis, Bloomberg rapportait lundi que la famille Walton, propriétaire de Walmart, augmentait sa richesse de 100 millions de dollars par jour:

«D'autres dynasties américaines sont très proches en termes d'actifs accumulés. La famille Mars, célèbre pour ses friandises, s'est enrichie de 37 milliards de dollars, portant sa fortune à 127 milliards de dollars. La famille Koch, puissant joueur de l'industrie et du monde politique, a vu sa fortune bondir de 26 milliards de dollars de plus pour atteindre 125 milliards de dollars. Et c'est partout pareil ailleurs dans le monde. Les 0,1 % les plus riches aux États-Unis contrôlent aujourd'hui plus de richesse qu'à aucun autre moment depuis 1929. Mais leurs homologues d'Asie et d'Europe gagnent aussi du terrain. Dans le monde, les 25 familles les plus riches contrôlent près de 1400 milliards de dollars de richesse, soit 24 % de plus que l'an dernier.»

Les travailleurs doivent se préparer aux luttes qui approchent en établissant leur unité internationale et en sensibilisant leurs amis et collègues à la nécessité de s'opposer impitoyablement à tous ceux qui cherchent à les diviser et ainsi affaiblir la classe ouvrière internationale.

(Article paru en anglais le 13 août 2019)

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