20/08/2019 wsws.org  8 min #160527

Gotabhaya Rajapakse est désigné candidat à la présidentielle par le parti de l'opposition sri-lankais

Par K. Ratnayake
20 août 2019

Le Sri Lanka Podujana Peramuna (SLPP), principal parti d'opposition du pays, a choisi Gotabhaya Rajapakse, ancien secrétaire à la défense et frère de l'ancien président Mahinda Rajapakse, comme candidat à l'élection présidentielle de décembre. Le SLPP a été formé il y a plus de deux ans par une faction dissidente du Parti de la liberté du Sri Lanka (SLFP), dirigée par le président Maithripala Sirisena.

La sélection de Gotabhaya Rajapakse, ancien colonel de l'armée, est très significative. En tant que secrétaire à la défense, il a été directement impliqué dans des crimes de guerre au cours des phases finales de la guerre contre les séparatistes Tigres de libération de l'Îlam tamoul (LTTE) et pour la répression sanglante des travailleurs et des pauvres. Cela indique clairement que le SLPP et la classe dirigeante sri-lankaise dans son ensemble s'orientent rapidement vers des formes de gouvernement d'Etat-policier.

L'ancien président du Sri Lanka, Mahinda Rajapakse, a officiellement pris la direction du SLPP lors de son congrès national le 11 août et a annoncé la candidature de son frère.

S'adressant au congrès Gotabhaya Rajapakse a déclaré: «Ma priorité absolue sera d'assurer la sécurité dans le pays sans permettre aux terroristes extrémistes de se lever la tête.»

Présentant son frère comme candidat du parti à la présidentielle, Mahinda Rajapakse, a déclaré: «Le Sri Lanka a besoin d'un dirigeant qui garantisse la sécurité nationale et reconstruise le pays. Pour cela, nous avons besoin de discipline et de loi. Sans discipline, aucun pays ne peut être développé.»

Les déclarations sur la défense de la «sécurité nationale» et l'établissement de «discipline et loi» sont la rhétorique de dirigeants qui se préparent à la mise en œuvre d'un État-policier et font écho au discours et aux actes du président américain Donald Trump, du Premier ministre indien Narendra Modi et des dirigeants d'extrême droite au niveau international.

Modi a utilisé la «sécurité nationale» comme cri de ralliement lors des dernières élections et l'emploie maintenant pour justifier le confinement militaire du Cachemire et des mesures oppressives contre les masses indiennes.

Gotabhaya Rajapakse et le SLPP exploitent systématiquement les attaques terroristes du 21 avril du dimanche de Pâques par le National Thowheeth Jamma'ath, des islamistes extrêmistes, qui a tué près de 300 personnes et en a blessé 500 autres, pour faire avancer sa campagne de maintien de l'ordre. En fait, il a été prouvé que des responsables indiens de la défense et des dirigeants politiques, parmi lesquels Sirisena, Wickremesinghe et le leader de l'opposition, Mahinda Rajapakse, avaient été informés à l'avance par les services de renseignements indiens des attentats imminents.

Tous les partis parlementaires sri lankais, en particulier le SLPP, ont immédiatement soutenu l'imposition par Sirisena d'un état d'urgence et le déploiement des forces armées contre les musulmans et pour intimider les travailleurs et les pauvres. Le SLPP a ouvert la voie en attisant le sentiment anti-musulmans dans le but de diviser et d'affaiblir la classe ouvrière.

Le président Sirisena, soutenu par le Parti national unifié (UNP) de Wickremesinghe, est arrivé au pouvoir en 2015 en profitant de l'hostilité généralisée à l'égard du régime du président Mahinda Rajapakse. Les partis bourgeois tamouls et musulmans, ainsi que le Janatha Vimukthi Peramuna (JVP), les syndicats et les groupes de pseudo-gauche, ont œuvré pour contenir et faire dérailler l'opposition en suscitant des illusions dans la campagne dite de «bonne gouvernance» de Sirisena.

L'opposition des travailleurs, des jeunes et des pauvres a toutefois rapidement refait surface dès que le gouvernement Sirisena-Wickremesinghehe a commencé à mettre en œuvre les exigences d'austérité du Fonds monétaire international.

Lorsque l'UNP et le SLFP ont subi une défaite humiliante aux élections municipales de février 2018, Sirisena a retiré son soutien à l'administration Wickremesinghe et s'est rallié à son rival Mahinda Rajapakse. En octobre dernier, Sirisena a limogé Wickremesinghe en tant que Premier ministre et l'a remplacé par Rajapakse.

Le coup politique de Sirisena, toutefois, s'est retourné contre lui parce que Washington s'opposait au retour de Mahinda Rajapakse, le considérant comme un pro-chinois. La Cour suprême du Sri Lanka a déclaré que la dissolution du parlement par Sirisena était inconstitutionnelle.

Dans des conditions où l'UNP et le SLFP sont largement discrédités, des éléments de l'élite dirigeante se sont tournés vers le SLPP et sa campagne réactionnaire de défense de la «sécurité nationale» et d'offre d'un «gouvernement fort».

Les promesses de Gotabhaya Rajapakse de mettre fin aux «terroristes extrémistes» constituent un code pour réprimer les actions de masse de la classe ouvrière et des pauvres, ainsi que des opposants politiques.

Gotabhaya Rajapakse, qui a passé plusieurs années aux États-Unis, rentra au Sri Lanka à la fin de 2005, juste après l'accession de son frère à la présidence. Il fut nommé secrétaire à la défense juste avant que Colombo relance sa guerre contre les séparatistes LTTE en juillet 2006. La guerre de presque 30 ans, qui servait également à supprimer les droits démocratiques de la classe ouvrière, se termina avec la défaite des LTTE en 2009.

Selon les estimations de l'ONU, sous les Rajapakses, l'armée a tué 40.000 civils tamouls au cours des derniers mois de la guerre. Parallèlement à ces crimes de guerre et aux mesures répressives imposées au Nord et à l'Est, l'armée, ainsi que des formations paramilitaires et des voyous, ont été déchaînés contre les opposants au gouvernement Rajapakse, en particulier la classe ouvrière.

En juin 2011, un employé de la zone franche de Katunayake fut tué et de nombreux autres blessés par les forces de sécurité lorsque des travailleurs ont agi pour défendre leurs pensions de retraite. En 2012, les commandos de la police ouvrirent le feu sur des pêcheurs qui protestaient, faisant un mort. En 2013, trois jeunes furent tués par l'armée lorsqu'elle ouvrit le feu sur des manifestants contre la pollution de l'eau à Weliweriya, dans la banlieue de Colombo.

Gotabhaya a également été accusé d'avoir été impliqué dans le meurtre du rédacteur en chefdu Sunday Leader, Lasantha Wickrematunga, en janvier 2009, et d'avoir des liens avec un escadron de la mort secret dirigé par l'armée qui a enlevé et battu d'autres journalistes bien en vue.

L'ancien président Mahinda Rajapakse a également confié à son frère la tâche «d'embellir» Colombo, ce qui impliquait l'expulsion forcée de centaines de milliers de familles pauvres des bidonvilles des quartiers du centre ville.

Au cours des deux dernières années, le SLPP et ses alliés chauvins ont organisé une campagne agressive pour rassembler les chauvinistes cinghalais et bouddhistes et renforcer leur soutien au sein de l'armée.

De manière significative, le 11 août, Alice Wells, secrétaire d'État adjointe par intérim des États-Unis pour l'Asie centrale et l'ambassadeur des États-Unis au Sri Lanka, Alaina Teplitz, ont rencontré Mahinda Rajapakse à son domicile. Bien que rien n'ait été dévoilé au sujet de leurs discussions, la visite montre une possible volonté que Washington est prêt à traiter avec un gouvernement dirigé par Rajapakse.

Sous Sirisena et Wickremesinghe, la politique étrangère du Sri Lanka a été réalignée sur celle de Washington et un nouvel accord sur le Statut des forces militaires transformera l'île en une «plaque tournante logistique militaire» pour le commandement indo-pacifique des États-Unis.

Comme le remarquait récemment l'éminent analyste indien MK Bhadrakumar dans Asia Times: «Washington préfère conclure un accord faustian uniquement si le parti de Rajapakse []... ne s'opposera pas à la conclusion des accords militaires».

En 2015, la pseudo-gauche et les syndicats ont œuvré pour faire en sorte que l'opposition de masse au gouvernement Rajapakse se transforme en un soutien politique à Sirisena. Au cours des quatre dernières années, ces mêmes tendances se sont opposées à tout mouvement indépendant de la classe ouvrière et ont détourné les travailleurs dans de vains appels au gouvernement. Cela a permis au SLPP et à d'autres éléments d'extrême droite de renforcer leur soutien.

L'UNP est à présent déchiré par des divisions internes quant à la sélection d'un candidat à la présidentielle susceptible de gagner le soutien des couches cinghalaises et bouddhistes ainsi que l'armée. Alors que les partis bourgeois tamouls, y compris l'Alliance nationale tamoule, ont dénoncé la désignation de Gotabhaya Rajapakse, ces formations sont politiquement responsables de la situation actuelle, après avoir soutenu le gouvernement pro-américain actuel.

La classe ouvrière doit rompre avec toutes les factions de l'élite dirigeante et créer son propre mouvement indépendant de lutte pour un gouvernement ouvrier et paysan fondé sur un programme socialiste international. Nous encourageons vivement les travailleurs, les jeunes et les intellectuels progressistes à étudier le programme politique du Parti de l'égalité socialiste, à rejoindre ses rangs et à poursuivre le combat pour cette perspective.

(Article paru en anglais le 19 août 2019)

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