11/09/2019 usbeketrica.com  10 min #161501

« Ice on Fire », documentaire optimiste face à l'urgence climatique

Diffusé le 11 septembre sur OCS City, la chaîne du groupe Orange, après un passage par le festival de Cannes, le documentaire  Ice on Fire, réalisé par Leila Conners et produit par Leonardo DiCaprio, réalise une synthèse pédagogique et utile de l'urgence climatique, et montre qu'il est encore possible d'éviter le pire. Au moins en théorie.

On a beau connaître par cœur les données du problème, l'énormité de l'enjeu fascine toujours autant, le vertige prend aux tripes avec une vigueur intacte. Il suffit pour cela d'écouter les scientifiques exposer les faits, alerter sur les catastrophes à venir et de constater que l'humanité s'obstine sur la pire des trajectoires, qui risque de provoquer sa propre perte. C'est l'exercice de synthèse que réalise très bien le documentaire américain  Ice on fire, produit par HBO, réalisé par Leila Conners et co-produit et narré par Leonardo DiCaprio.

Le film commence par une piqûre de rappel sur la réalité du changement climatique et la responsabilité de l'homme dans ce phénomène. Une réalité scientifique qu'il est hélas encore nécessaire de rappeler, dans l'Amérique climatosceptique de Donald Trump comme pour les téléspectateurs français. Rappelons que 23 % de ces derniers ne croiraient pas à la réalité du changement climatique, dont 36 % des 18-24 ans,  selon un sondage OpinionWay réalisé en mars 2019.

Une fois les bases posées, « Léo » (ou plus exactement sa voix - l'écran étant réservé aux scientifiques et aux panoramas de paysages grandioses en sursis) prolonge sans concession l'état des lieux sur la gravité de notre situation. Nous risquons de provoquer un  emballement climatique hors de contrôle, d'enclencher des boucles de rétroactions qui entraîneront nombre de catastrophes menaçant d'« apocalypse » la biosphère et l'humanité. Là encore, rien de nouveau. Le documentaire explore en revanche plus amont l'un de ces phénomènes susceptibles de déclencher un emballement planétaire, rarement médiatisé : l'explosion récente  des émissions de méthane. Ce gaz au potentiel 25 fois plus réchauffant dans l'atmosphère que le CO2 inquiète les chercheurs, qui n'ont pas encore identifié clairement l'origine de ces hausses soudaines d'émissions.

Parmi les suspects figurent les puits d'extraction d'énergies fossiles aux États-Unis. En faisant la démonstration de l'existence de ces fuites, images à l'appui, le film tombe très à propos puisque l'administration américaine annonçait précisément fin août vouloir...  abroger les réglementations visant à limiter les fuites de méthane. Mais les émissions mondiales de ce gaz auraient aussi d'autres sources, comme ces colonnes de bulles sortant du plancher océanique, ou encore les énormes stocks de biomasse contenus  dans le pergélisol, libérées sous forme de méthane avec le dégel de ces terres arctiques provoqué par le réchauffement planétaire. Les scientifiques rendent visibles ces fuites en enflammant le gaz qui sort de trous creusés dans la glace. « La glace en feu », titre éloquent et symbole parfait du désastre de notre temps.

Extrait du documentaire Ice on Fire, de Leila Conners. ©HBO

Le documentaire, malgré tout, se veut résolument optimiste. Nous aurions toutes les cartes en main pour inverser le désastre en cours, assure-t-il. On aimerait y croire, d'autant que les solutions sont illustrées par de nombreux personnages inspirants, comme ce pêcheur industriel reconverti en cultivateur d'algues géantes, « séquoias des mers » capables tout à la fois de protéger l'océan, nourrir les hommes et capturer du carbone.

L'esprit très consensuel du film l'empêche malheureusement de mettre le doigt sur ce qui bloque. Car la marche à suivre et les solutions sont connues depuis longtemps. Leonardo DiCaprio et Leila Conners le savent bien : ils s'étaient déjà associés pour sortir La onzième heure, documentaire traitant de la crise écologique et des solutions pour y faire face... en 2007. Douze ans plus tard, la situation de la planète n'a fait qu'empirer, et Ice on Fire prend acte du calcul des scientifiques. Pour juguler le réchauffement, limiter nos émissions ne suffira plus, il faudra nécessairement ôter du carbone de l'atmosphère.

Extrait du documentaire Ice on Fire, de Leila Conners. ©HBO

Planter des arbres, faire pousser des algues, développer des machines pour capturer le CO2... Aucune de ces solutions ne peut être à la hauteur de l'enjeu, et le film le martèle avec raison : la solution ne pourra consister que dans le déploiement d'une myriade de solutions.

Sur cet enjeu essentiel, le documentaire réussit à s'adresser au plus grand nombre, donnant avec pédagogie de bonnes raisons d'être inquiet, de se mobiliser et de garder espoir. Dommage, donc, qu'il fasse l'impasse sur des pans entiers du problème, comme la nécessité de moins consommer. Et qu'il rate surtout cette leçon essentielle du passé : disposer de solutions ne suffit pas à lever les blocages politiques ni à contrer la  puissance des lobbys industriels qui,  depuis des décennies, oblitèrent l'avenir de notre espèce.

Ice on fire, de Leila Conners, diffusé en France sur OCS City le 11 septembre à 22h20.

Image à la une : extrait de Ice on Fire, de Leila Conners (©HBO).

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