19/09/2019 reseauinternational.net  12 min #161857

Législatives en Israël : Benjamin Netanyahou échoue à obtenir une majorité

Les Israéliens ont rendu leur verdict : l'ère de Benyamin Netanyahou est révolue

Par Jonathan Cook

Des semaines de marchandage politique sont à prévoir, et la Liste commune des législateurs arabes pourrait devenir l'opposition officielle.

Pour la plupart des Israéliens, les élections générales de mardi tournaient autour d'une chose et une seule. Pas l'économie, ni l'occupation, ni même les scandales de corruption. C'était une élection sur Benjamin Netanyahou : doit-il être placé à la tête d'un autre gouvernement d'extrême droite, ou son règne de discorde qui dure depuis dix ans doit-il prendre fin ?

À moins que le compte des derniers bulletins de vote ne recèle un bouleversement de dernière minute, les Israéliens ont clairement rendu leur verdict : l'ère de Netanyahou est révolue.

Lors des élections peu concluantes d'avril, qui ont conduit à cette réélection, le Likoud de Netanyahou a obtenu le même nombre de sièges que son principal opposant du parti Bleu et Blanc, dirigé par le général à la retraite Benny Gantz. Cette fois, Gantz semble avoir pris l'avantage avec 32 sièges, contre 31 pour Netanyahou, sur les 120 que compte le Parlement. Les deux partis ont eu moins de succès qu'en avril, lorsqu'ils avaient chacun remporté 35 sièges.

Mais de manière beaucoup plus significative, Netanyahou semble ne pas avoir atteint la majorité de 61 sièges dont il a besoin pour former un autre gouvernement d'extrême droite comprenant des colons et des partis religieux.

Son échec est d'autant plus criant qu'il a mené de loin la campagne la plus laide - et la plus irresponsable - de l'histoire israélienne. Parce que les enjeux étaient énormes.

Seul un gouvernement d'extrême droite - entièrement redevable à Netanyahou - pourrait adopter une législation lui garantissant une immunité contre une procédure judiciaire qui doit commencer le mois prochain. Sans cela, il sera vraisemblablement inculpé pour fraude et abus de confiance.

Selon des informations parues dans les médias israéliens le jour du scrutin, Netanyahou était si désespéré d'éviter ce sort qu'il était à deux doigts de déclencher une guerre contre Gaza la semaine dernière pour retarder les élections.

Le Procureur Général israélien Avichai Mendelblit, officier judiciaire en chef, est intervenu pour mettre fin à l'attaque lorsqu'il a découvert que le cabinet de sécurité ne l'avait approuvée que parce que Netanyahou avait dissimulé les principales réserves émises par le commandement de l'armée.

Netanyahou a également tenté d'acheter les électeurs de droite en promettant la semaine dernière qu'il annexerait une grande partie de la Cisjordanie immédiatement après les élections - un coup d'éclat qui violait de manière flagrante les lois électorales, selon Mendelblit.

Facebook a été contraint de fermer la page de Netanyahou à deux reprises pour incitation à la haine - dans un cas après qu'il ait envoyé un message disant que « les Arabes veulent nous anéantir tous - hommes, femmes et enfants ». Ce sentiment semblait inclure les 20% de la population israélienne qui sont Palestiniens.

Netanyahou a également stigmatisé la minorité palestinienne avec d'autres mesures, notamment en suggérant constamment que les votes des Israéliens Arabes constituaient une fraude et qu'ils essayaient de « voler les élections ».

Il a même essayé d'imposer une loi autorisant ses militants du Likoud à filmer à l'intérieur des bureaux de vote arabes - comme ils l'avaient fait secrètement lors de l'élection d'avril - dans une tentative non dissimulée d'intimidation des électeurs.

Cette mesure semble s'être retournée contre lui, les Arabes Israéliens ayant voté plus massivement qu'en avril.

Le Président américain Donald Trump, quant à lui, est intervenu pour aider Netanyahou en annonçant la possibilité d'un pacte de défense exigeant que les États-Unis viennent au secours d'Israël en cas de confrontation régionale.

Rien de tout ça n'a suffi.

Pour Netanyahou, le seul espoir de survie politique - et d'éviter la prison - dépend de la magie politique pour laquelle il est célèbre.

Cela peut s'avérer un défi de taille. Pour franchir la barre des 61 sièges, il doit convaincre Avigdor Lieberman et son parti ultra-nationaliste Yisrael Beiteinu de le soutenir.

Netanyahou et Lieberman, qui est un colon, sont normalement des alliés idéologiques. Mais nous ne vivons pas des temps normaux. Netanyahou a dû réorganiser les élections après que Lieberman, sentant la faiblesse du Premier ministre, ait refusé en avril de siéger aux côtés des partis religieux au sein d'un gouvernement dirigé par Netanyahou.

Netanyahou pourrait peut-être tenter d'attirer l'inconstant Lieberman avec une offre irrésistible, par exemple en lui proposant d'occuper chacun à leur tour le poste de Premier ministre.

Mais Lieberman risque un énorme opprobre public si, après avoir soumis le pays à une nouvelle élection extrêmement impopulaire, il faisait maintenant ce qu'il avait refusé par principe de faire il y a cinq mois.

Lieberman a presque doublé le nombre de sièges de son parti avec 9 sièges, en insistant sur le fait qu'il est le champion du public israélien séculier.

Le plus important pour Lieberman, c'est qu'il se retrouve une fois de plus dans le rôle de faiseur de roi. Il est presque certain qu'il façonnera la teneur du prochain gouvernement. Et quiconque il aura sacré Premier ministre lui sera redevable.

L'impasse qui a bloqué la formation d'un gouvernement en avril est toujours valable. Israël est confronté à la possibilité d'un marchandage politique frénétique pendant plusieurs semaines et même à la possibilité d'une troisième élection.

Néanmoins, du point de vue des Palestiniens - qu'il s'agisse de ceux qui vivent sous occupation ou de ceux qui vivent en Israël en tant que citoyens de 3e classe -, le prochain gouvernement israélien sera d'extrême droite.

Sur le papier, Gantz est le mieux placé pour former un gouvernement de ce que l'on appelle grotesquement le « centre-gauche ». Mais étant donné que sa colonne vertébrale sera composée du parti Bleu et Blanc, dirigé par une foule de généraux faucons, et du parti Yisrael Beiteinu de Lieberman, il serait, dans la pratique, aussi teinté à droite que celui de Netanyahou.

Gantz a même accusé Netanyahou d'avoir volé son idée en annonçant la semaine dernière son intention d'annexer de grandes parties de la Cisjordanie.

Le problème est qu'une telle coalition dépendrait de l'appui des 13 législateurs de la Liste commune représentant la grande minorité palestinienne d'Israël. C'est quelque chose que Lieberman a rejeté d'emblée, qualifiant cette idée d' « absurde » tôt mercredi alors que les résultats filtraient. Gantz ne semble qu'un peu plus accommodant.

La solution pourrait être un gouvernement d'union nationale comprenant une grande partie de la droite : les parti Bleu et Blanc de Gantz faisant équipe avec le Likoud et Lieberman. Gantz et Lieberman ont tous deux indiqué mercredi que c'était leur choix préféré.

La question serait alors de savoir si Netanyahou peut se frayer un chemin dans un tel gouvernement, ou si Gantz réclame son éviction comme prix de l'inclusion du Likoud.

Dans de telles circonstances, la main de Netanyahou ne serait pas forte, surtout s'il est plongé dans une bataille juridique prolongée pour corruption. Il y a déjà des rumeurs d'un soulèvement au sein du Likoud pour le destituer.

L'un des résultats intéressants d'un gouvernement d'union est qu'il pourrait provoquer une crise constitutionnelle en faisant de la Liste commune, le troisième parti en importance, l'opposition officielle. C'est la même Liste commune décrite par Netanyahou comme un « dangereux parti antisioniste ».

Ayman Odeh deviendrait le premier dirigeant de la minorité palestinienne à assister régulièrement aux réunions d'informations régulières organisées par le Premier ministre et les chefs de la sécurité.

Netanyahou restera Premier ministre par intérim pendant plusieurs semaines encore, jusqu'à la formation d'un nouveau gouvernement. S'il reste fidèle à lui-même, il a tout le temps de semer la zizanie.

Jonathan Cook

Source :  jonathan-cook.net

Traduction :  lecridespeuples.fr

***

Pour rappel, voici l'analyse de Nasrallah durant les élections législatives de 2013, toujours d'actualité :

Voir la traduction complète du discours :  sayed7asan.blogspot.fr

Transcription :

J'ai un rapide commentaire sur les élections israéliennes. En bref, les résultats des élections israéliennes mènent aux conclusions suivantes.

Si dans ce monde bien des gens ne se sentent pas concernés et ne suivent pas de près ce qui se passe au niveau de l'entité sioniste, nous nous sentons pour notre part concernés quelles que soient les préoccupations du Liban et quelles que soient les préoccupations de la région. Car l'origine du problème est là. L'histoire a commencé là-bas. Elle a commencé avec la création et la fondation de cette entité. Ce qui s'est passé et ce qui se passe dans cette région est en grande partie de la faute de cette entité et pour le bien de cette entité, pour sa stabilité et sa préservation.

Je ne veux pas ici faire d'analyse. Je vais seulement énoncer la conclusion. Ces élections enregistrent clairement un recul des partis dirigeants et fondateurs de cette entité - tels que le Parti Travailliste et le Likoud. Leur recul est très net. Il y a un manque en Israël : il n'y a pas de fort parti dirigeant. C'est ce à quoi appelait Netanyahou lorsqu'il disait qu'Israël a besoin d'un parti fort qui le dirige. Les élections n'ont pas donné de parti fort qui dirige cette entité. Des dirigeants forts et traditionnels manquent cruellement.

Vous souvenez-vous de ce que j'ai dit un jour ? En fait, ce n'est pas moi qui ai dit cela. Quelqu'un m'a dit un jour - lorsque Sharon tyrannisait, intimidait et terrorisait tout le monde Arabe et toute la région - de ne pas avoir peur de Sharon, ajoutant qu'il ne pourrait rien faire et qu'il était le dernier des Rois d'Israël. Puis j'ai dit dans l'un de mes discours que Sharon était le dernier des Rois d'Israël. Il est évident qu'il est le dernier des Rois d'Israël. Qui est donc venu après Sharon ? Qui y a-t-il ?

Certes, ils se sont mis d'accord pour Netanyahou car il n'y avait pas d'autre choix. Il n'y avait personne. Pour eux, c'est le meilleur des candidats actuels. Cependant, la crise de confiance vis-à-vis de Netanyahou est patente.

L'absence de dirigeants forts et fondateurs, la persévérance des partis religieux fanatiques qui progressent et l'augmentation du nombre de partis et de blocs parlementaires compliquent sans aucun doute le processus de prise de décision.

De manière générale, tout ce qui a eu lieu dans les élections exprime clairement une crise de leadership dans l'entité, une crise des partis, une crise de confiance, et, par conséquent, une crise de l'entité.

Cependant, ce qui ne devait pas nous tromper dans le passé, et qui ne doit pas non plus nous tromper maintenant ou à l'avenir, est la fable de la Droite et de la Gauche et du Centre et du Centre du Centre et que sais-je encore, la Droite de la Droite, etc. En ce qui concerne Jérusalem, en ce qui concerne la Palestine, en ce qui concerne les droits du peuple Palestinien, en ce qui concerne la cause palestinienne, en ce qui concerne les réfugiés Palestiniens, en ce qui concerne les causes et droits Arabes, du Golan au Liban au Sinaï et à l'Egypte, en ce qui concerne l'avidité israélienne, en ce qui concerne les menaces d'Israël adressées aux gouvernements et aux peuples de la région, la Droite, la Gauche, le Centre ou le Centre du Centre ou la Gauche de la Gauche sont tous les mêmes. Bien plus, nos expériences nous ont enseigné que la plupart des guerres israéliennes ont été lancées par des cabinets de Gauche. Qu'il n'y ait aucun malentendu sur l'analyse de la Gauche et de la Droite. Ils sont tous les mêmes. Que ce soit la Droite, la Gauche, le Centre ou un cabinet d'unité nationale qui arrive au pouvoir, rien ne change quant à cet aspect de la confrontation avec l'ennemi. Certes, il va sans dire qu'avec de nombreux partis, il sera plus difficile de prendre une décision politique et il y aura des difficultés de mise en œuvre comme je l'ai dit. Mais pour ce qui est du projet, de la vision, de l'antagonisme, de l'avidité et des menaces, rien ne change. Par conséquent, il n'est pas permis de compter sur quoi que ce soit à ce niveau.

Aujourd'hui, la garantie de Gaza est la force de la Résistance à Gaza. La garantie de la Palestine, du peuple Palestinien et des droits Palestiniens est la réconciliation nationale, l'unité du peuple Palestinien et son adhésion au choix de la Résistance.

La garantie du Liban, quel que soit le dirigeant d'Israël, que ce soit Netanyahou, Sharon, Shimon Peres, Barak, Labeed ou je ne sais qui, la garantie du Liban est dans la formule dont nous avons toujours parlé. C'est l'équation Armée-Peuple-Résistance. Notre pouvoir national, avec ses diverses composantes, est ce qui protège le Liban. L'ennemi ne varie pas selon que le Centre, la Droite ou la Gauche gouvernent. L'ennemi regarde le Liban. Si vous avez de la force, des capacités, si vous pouvez créer un pouvoir de dissuasion, vous pouvez défendre votre pays. Ainsi, vous pouvez extraire le pétrole et le gaz, protéger votre pays et vos frontières, etc. Tout autre élément est inutile et vide de sens. L'expérience de dizaines d'années avec l'ennemi israélien l'enseigne.

Il en va de même au niveau de la région. C'est pourquoi je dis que la meilleure réponse aux élections israéliennes, indépendamment des conclusions et des analyses, est un appel à une plus grande adhésion à la Résistance. Nous devons tous coopérer pour que le peuple Palestinien soit fort à Gaza, en Cisjordanie, en Palestine et hors de Palestine.

Nous devons tous coopérer pour que la Résistance au Liban reste forte et devienne plus forte encore. Nous devons tous coopérer pour désamorcer les mines qui jonchent notre région Arabe. Telle doit être la réponse aux élections israéliennes....

via: lecridespeuples.fr

 reseauinternational.net

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