11/10/2019 tlaxcala-int.org  5 min #162833

Explosion en Équateur: le président déclare l'état de siège et des manifestations se déroulent dans tout le pays

Fin de cycle (court) en Équateur

 Alfredo Serrano Mancilla

L'Équateur est un nouvel exemple de l'incapacité du néolibéralisme à assurer la stabilité politique, sociale et économique. C'est aussi un exemple de la manière dont le FMI peut devenir une "arme de destruction massive" en un temps record. Et cela d'autant plus si le pays a déjà été transformé par des politiques progressistes fondées sur les principes de la souveraineté. Comme nous nous empressons souvent de le croire, les citoyens n'oublient pas si vite. Le cycle progressiste équatorien, sous l'empreinte du corréisme (la politique de Rafael Correa), n'est pas terminé pour l'instant, malgré le virage à 360 degrés que Lenín Moreno a tenté d'imposer - lequel, d'ailleurs, il faut le rappeler, n'a pas été élu pour cela.

"Directement à la poubelle-Déchets toxiques"

C'est précisément l'un des points nodaux où se situe une bonne partie du dilemme équatorien. Le président n'a pas gagné l'élection avec un programme néolibéral, ni proposé la sortie de l'Unasur et l'adhésion au Groupe de Lima, encore moins le pacte avec toute la vieille politique. Il a obtenu un soutien aux urnes avec une proposition qu'il a trahi dès la première minute de jeu. Et c'est vraiment ce fait politique qui l'a conditionné depuis le début.

Ainsi, la figure présidentielle a été affaiblie à grande vitesse parce que tous les citoyens savaient que ce n'était pas le président qui gouvernait, mais que cette responsabilité appartenait à d'autres. Dans le dernier sondage du CELAG, en mars de cette année, cette perception généralisée aVAIT déjà été confirmée : lorsqu'on leur a demandé qui gouverne en Equateur, 46% ont répondu que c'étaient les grands groupes économiques, 27% les USA et 26% le vieux politicien social-chrétien Jaime Nebot.

Un président qui ne gouverne pas finit par être pris en otage par d'autres et, par conséquent, commence à prendre des décisions basées sur la lutte acharnée des intérêts des acteurs qui le soutiennent tant qu'il les satisfait. Et cela a une contrepartie immédiate : la figure présidentielle devient une autorité fictive qui conduit à une institutionnalité fragile. Et, pour couronner le tout, la seule tentative de gagner en légitimité se fait sur la base d'une critique récurrente du "lourd héritage", alors que la majorité des gens dans la rue pensent au présent.

De cette façon, il était inévitable que Lenín Moreno devienne un président à jeter après usage, dont l'arrivée à la date péremption dépend de deux facteurs : d'une part, du soutien que certains pouvoirs (internationaux, médiatiques, judiciaires, militaires et économiques) veulent bien lui apporter ; d'autre part, du moment où la fatigue et la lassitude du peuple explose suite à une mesure décidée. Et cela a été le cas : réduire les "subventions" sur l'essence, tout en donnant des "incitations" aux grands entrepreneurs. En d'autres termes, et sans euphémismes : l'aide aux personnes qui en ont besoin est éliminée alors que les grandes entreprises sont subventionnées par des exonérations fiscales.

Puis, quand on décide délibérément d'attaquer le bien-être du citoyen, toutes les étincelles latentes éclatent ; les gens protestent et tout vacille. Le climat d'il y a quelques mois, également mesuré par le CELAG en mars, était le suivant : 6 Équatoriens sur 10 avaient des sentiments négatifs sur la situation nationale (colère, incertitude, peur, résignation et sentiment de chaos). Avec cet arrière-plan, la faiblesse du président et une mesure inutile impulsée par le FMI, le résultat ne pouvait être que celui qu'on attendait. Un pays au bord du précipice avec un gouvernement qui n'a pas l'habitude de gouverner, dont le manque de pratique n'est que trop évident, et qui ne fait qu'abuser de la force contre les manifestations. L'état d'exception, le couvre-feu, la fuite du président à Guayaquil, l'ordre d'emprisonnement des opposants et la limitation de la liberté de la presse sont autant d'armes utilisées pour tenter de "stabiliser" le pays, c'est-à-dire pour arrêter la protestation et décourager les manifestants, tout en laissant gouverner ceux qui n'ont pas été élus pour ça.

Il est désormais impossible de savoir ce qui va se passer. Mais il y a deux faits sans équivoque. Premièrement, l'Équateur se trouve dans une situation d'urgence démocratique, et la seule façon de résoudre ce type de situation en politique est de demander aux citoyens de voter, d'autant plus lorsque la Constitution le permet par le mécanisme de la « mort croisée » (tout est dissous : exécutif et législatif, des élections sont organisées). Et deuxièmement, Lénine peut contourner peut-être temporairement ce moment grâce au soutien de ses appuis, mais il n'y a pas de retour en arrière : la seule énigme à résoudre est de savoir à quelle date son mandat prendra fin. Et quand le moment de dire "good bye Lénine" viendra, que ce soit maintenant ou même, quand il arrivera à la fin de son mandat, la compétition à ce moment-là se fera autour d'une seule alternative : le corréisme ou un pays instable.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  celag.org
Publication date of original article: 09/10/2019

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