14/10/2019 mondialisation.ca  10 min #162926

Honduras - La farce de la guerre contre la drogue et la narcodémocratie

Depuis le coup d'État de 2009, le Honduras est devenu un laboratoire politique, permettant de condenser l'histoire de la dernière décennie en un narco-corridor où les États-Unis se sont consacrés au trafic de drogue et au pillage du pays, le tout sous le regard discret et la complicité des administrations Obama et Trump.

 Le massacre d'Indiens Mosquitos par la DEA et la police hondurienne en mai 2012 a déclenché une offensive dans le cadre de la prétendue guerre aux drogues. Deux femmes enceintes et deux mineurs ont été tués au cours de l'opération qui, selon les autorités étatsuniennes, avaient attaqué un hélicoptère avec des armes à feu. Des années plus tard, le département d'État a reconnu l'innocence des personnes assassinées, mais à ce jour, aucune justice n'a été rendue en raison de l'immunité accordée aux agents étrangers et du verdict de la justice hondurienne qui a jugé l'innocence des artilleurs de la police nationale.

Quelques jours avant le massacre, le New York Times publiait un article sur l'application au Honduras  des leçons apprises en Irak, l'article en question louait l'application des techniques de guerre expérimentées en Irak, dans le scénario de la côte nord du Honduras, dans le but supposé d'arrêter le transit des stupéfiants.

Il ne fait aucun doute que les Mosquitos ainsi que d'autres régions non peuplées d'Amérique centrale ont été utilisées comme tremplins sur la route de la coca. Dans le cas particulier du Honduras, véritable épicentre du trafic de drogue, ce n'est pas précisément les filières illégales de la côte nord, mais le Congrès national, dont les membres respectables se sont consacrés au transfert de stupéfiants tout en contribuant à creuser les caisses nationales, la corruption étant leur leitmotiv.

Le Honduras mène une guerre non pas précisément contre la drogue, mais contre le peuple, qui est confronté à une vague de violence, aggravée par un État en déliquescence, qui depuis une décennie saigne la population, sans aucune possibilité à ce jour de sortir de l'obscurité dans laquelle elle se trouve. En 2011, le Honduras avait atteint le chiffre de plus de 90 meurtres pour 100 000 habitants, soit plus de dix fois la moyenne mondiale des homicides.

L'exode massif qui a lieu depuis des années a été enterré par les médias serviles, qui ont ignoré le problème jusqu'à l'apparition des caravanes médiatisées, utilisées par Trump comme carburant explosif, pour les élections de mi-mandat aux États-Unis qui se sont tenues fin 2018.

Le cas du Honduras est similaire à celui de plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, où depuis plus de deux décennies, les satrapes chacun leur tour sont devenus des alliés du crime organisé sud-américain ; et bien sûr les pressions internationales fluctuent en fonction de la docilité du régime à l'exploitation des « ressources naturelles ». Les cas du Honduras et de la Guinée-Bissau présentent une série de similitudes qui témoignent d'un certain intérêt de la part de la communauté internationale pour le maintien de régimes corrompus comme tremplin sur la route de la coca, aussi essentiels que les paradis fiscaux le sont pour le commerce lucratif des drogues et des armes illicites.

En plus de 40 ans d'existence de la prétendue guerre contre la drogue, les paradis fiscaux où s'arrête une bonne partie des profits, continuent indemnes malgré les prétendues pressions. Pendant que le transfert des précurseurs chimiques reste en vigueur.

Coup d'État et narco-démocratie

Depuis le coup d'État de 2009, une politique de ciel ouvert a été mise en place dans le pays, avec le soutien apparent des forces de sécurité. Pendant plusieurs années, le crime organisé associé aux politiciens et aux militaires a agi sans objection apparente de la part des États-Unis, qui ont fait preuve d'une certaine complaisance à l'égard du gouvernement autoritaire issu d'une farce électorale, où l'opposition avait été pratiquement anéantie, en plus de fusionner les partis de centre droit qui pendant des décennies ont monopolisé la politique vernaculaire.

L'un des projets nationaux promus après le coup d'État était celui des villes modèles promues par les libertaires étatsuniens, avec lesquelles, à ce jour, l'intention est de vendre aux enchères certaines parties du pays, habitées par coïncidence par des peuples autochtones. Les Zones d'Emploi et de Développement Économique (ZEDE), connues sous le nom de villes modèles, ont fait partie du projet de  perturbation de la démocratie avec lequel les libertaires néo-réactionnaires étatsuniens ont tenté de revenir au rêve de William Walkerm de créer des villes-états, avec leurs propres constitutions et forces de sécurité.

Tout semble indiquer qu'au cours de la dernière décennie, les cartels de la drogue et les partis politiques ont fusionné au Honduras, les fortes rumeurs ont été confirmées par le tribunal du district sud de New York, où les proches des deux derniers présidents défilent en même temps que la liste des personnes impliquées s'allonge, ce qui laisse entrevoir la complicité qui existait jusque là entre le crime organisé, les partis politiques, situation qui a apparemment été traitée avec une énorme bienveillance de la part des autorités US.

Fraude électorale massive de la droite à El Paraiso

Les « élections » de 2013, ont été caractérisées par une participation ouverte des narcotrafiquants qui se sont présentés à la mairie et aux postes de députés. L'un des plus frappants, le processus mené à El Paraiso, Copan, où Alexander Ardon a remporté 81,4% des voix, puis a fourni « protection » aux observateurs et journalistes qui ont accompagné le « processus électoral ».

Pendant le vote, Ardón a enfermé les observateurs du bureau de vote dans un hôtel. Ardón, qui se disait «  roi du peuple«, témoigne aujourd'hui devant la Cour Sud de New York, contre l'actuel président, qui est devenu le centre d'attention, en raison de sa capacité sans précédent à rester au pouvoir, malgré les preuves, une situation qui laisse penser qu'il a le soutien sans restriction de Washington.

Les élections de 2017 ont montré comment, au Honduras, le crime organisé et les partis politiques ont convergé dans une attaque solide contre les opposants, en utilisant les troupes d'élite que le président actuel a à sa disposition, accompagnée par une suite de pasteurs évangéliques et quelques hauts prélats de l'Église catholique, qui ont tendance à apporter leur soutien total au régime.

Les élections de 2009, 2013 et 2017 ont montré comment, au Honduras, les processus électoraux sont devenus une autre affaire aux mains de la criminalité organisée, qui a absorbé les partis politiques existants.

La guerre contre la drogue, les peuples autochtones et la déterritorialisation

Les peuples autochtones des Caraïbes méso-américaines ont été livrés au crime organisé avec la complicité des forces de sécurité des États-nations. Aujourd'hui, nous sommes victimes de la répression qui vise davantage la déterritorialisation que l'arrêt du trafic de drogue.

Par ailleurs, les communautés autochtones et noires du Chocó en Colombie sont touchées par un phénomène similaire, avec la circonstance aggravante qui s'est produite au fil des ans de l'utilisation de défoliants sur leurs territoires, une stratégie qui est appliquée dans d'autres pays andins.

Dans le cadre du contrôle du territoire apparaissent les énormes plantations de palme africaine dans les zones de jungle, donnant lieu à des déplacements de population, qui semblent sans fin malgré le prix dérisoire de l'huile de palme sur le marché international.

Dans le cas du peuple garifuna, le Honduras est utilisé depuis des années par le crime organisé, qui se trouve en symbiose apparente avec les forces de sécurité, donnant naissance à un État en déliquescence, où l'État de droit disparaît face à la violence dominante.

Les narco-trafiquants ont saisi une bonne partie de la côte nord par le biais d'achats souvent illégaux, en plus de la manipulation des registres de la propriété, comme ce fut le cas avec  l'Institut de la Propriété dans la ville de La Ceiba.

Il y a le cas du territoire Garifuna de Vallecito, qui a été approprié à 80% par le crime organisé, l'Organisation Fraternelle des Noirs du Honduras (OFRANEH), après des années de pression, a réalisé la réhabilitation et la récupération du site en 2014. Néanmoins, les pressions territoriales se poursuivent, avec la présence fréquente de bandes d'hommes armés, sans que l'État ne manifeste la moindre volonté d'exercer un contrôle sur le territoire national.

Organisation fraternelle des Noirs du Honduras, OFRANEH

Article original en espagnol :  Honduras- La farsa de la guerra contra las drogas y la narcodemocracia, Rebelión, le 8 octobre 2019.

Traduction par  Réseau International

La source originale de cet article est  Rebelion.org
Copyright ©  OFRANEH,  Rebelion.org, 2019

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