14/10/2019 legrandsoir.info  4 min #162939

Syrie : Washington laisse place à une intervention militaire turque dans le nord du pays

Le Kurdistan : L'enjeu est-il là ?


Michel TAUPIN

En 1920, le traité de Sèvres prévoyait la création d'un État kurde sur les restes de l'Empire ottoman détruit, comme pour les autres peuples de la région. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé.

Le traité de Lausanne de 1923, divise le Moyen-Orient en plusieurs pays qui ne prennent pas en compte le droit des Kurdes à disposer de leurs terres, des terres fertiles riches en pétrole et en eau, drainées par de très nombreuses rivières issues de la naissance du Tigre et de l'Euphrate. Qui souhaiterait s'en défaire ?

Pas la Turquie en tout cas (où la répression est la plus forte et constante ; comme pour l'Europe, le PKK y est considéré comme une entité terroriste, et son dirigeant historique Abdullah Ocalan est en prison depuis 1999), pas l'Iran non plus (bien qu'il y ait une province iranienne, autonomie de jure, appelée Kurdistan), ni l'Irak (qui a négocié une forme d'autonomie, de facto et de jure, du Kurdistan irakien), ni la Syrie (confrontée à une autonomie kurde de facto) qui sont les pays sur lesquels la région du Kurdistan s'étend et qui couvre environ 500 000 km2 (à peu près la superficie de la France) pour une population d'à peu près 40 millions d'habitants.

Pour l'instant, l'établissement d'un État Kurde souverain et indépendant aux frontières de ces pays n'est absolument pas à l'ordre du jour. Aucun des pays abritant une minorité kurde ne veut céder un pouce de son territoire. Les partis politiques kurdes ont donc tous opté pour un objectif plus modeste : l'autonomie de chaque minorité kurde dans le cadre des États existants.

Examinons la réalité d'aujourd'hui en fonction de ces objectifs. Dans la guerre que la Syrie mène contre Daesh, avec le soutien de la Russie, pour retrouver l'intégrité de son territoire national et sa souveraineté, les kurdes, malgré leurs divisions, ont joué un rôle essentiel au nord du pays contre l'entité terroriste. Mais certains parmi eux ont aussi combattu l'Armée Syrienne. Et tous avec une idée derrière la tête : Une fois ce territoire qu'ils estiment leur revenir, libéré à la fois de Daesh et de l'armée syrienne régulière, il sera possible de négocier une autonomie de facto et de jure avec le gouvernement de Damas.

Ils ont pour cela, parfois scellé des alliance douteuses qui leur coûtent cher aujourd'hui. Ils ont plutôt fait confiance aux Etats-Unis et à la coalition qui n'avaient pas les mêmes objectifs à terme. En tout cas pas celui de les aider à accéder à l'autonomie malgré leur courage au combat et leurs victoires sur l'EI. Daesh ayant été pratiquement vaincue, les États-Unis ne peuvent plus s'en servir. L'altruisme, la solidarité, la reconnaissance, sont des mots inconnus des Yankees, ils se fichent bien du sort des autochtones. Les Kurdes viennent de l'apprendre à leurs dépens.

Aussi, la Turquie qui considère tous les Kurdes comme des terroristes mais surtout ceux du PKK, était à l'affût, attendant son heure. Et pourtant, elle avait déjà montré son mufle à Afrin. La Turquie d'Erdogan ne veut en aucun cas d'un territoire kurde à sa frontière. Elle a fait et fera tout pour les en débusquer et "sécuriser" sa frontière, même par une occupation partielle de la Syrie.

Les Kurdes ne peuvent aujourd'hui compter que sur Damas et l'Armée syrienne pour éviter le bain de sang promis par Erdogan, tout en continuant à se battre contre l'EI qui n'en attendait pas tant et qui va relever son groin. Ils n'ont plus d'autre choix que d'entreprendre un rapprochement avec Damas et sa force armée, et, sous l'égide de la Russie (et de l'ONU ?) qui entretient des relations apaisées et respectueuses avec les pays concernés, de participer à une négociation pour stopper l'offensive turque (embryon d'une invasion de la Syrie ?), nettoyer définitivement le territoire des terroristes de l'EI et trouver un accord durable pour un Kurdistan syrien. Le travail est colossal mais pas impossible.

Michel TAUPIN

En complément, par LGS :

Le discours de Jean-Luc Mélenchon au rassemblement de soutien aux Kurdes, samedi 12 octobre place de la République à Paris.
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