14/10/2019 reporterre.net  6 min #162942

À Londres, Extinction Rebellion a paralysé un aéroport

Les militants écologiste d'Extinction Rebellion ont réussi à perturber la vie de la capitale britannique, lors de leur première semaine de rébellion contre le changement climatique.

  • Londres (Angleterre), correspondance|

Plus de 1.300 arrestations, des centaines et des centaines de manifestants, des blocages, des discours, des défilés costumés, des campements sauvages... En une semaine, les militants du mouvement écologiste Extinction Rebellion ont défrayé la chronique à Londres. L'organisation débutait le 7 octobre une « rébellion internationale » en divers endroits du monde afin d'alerter sur l'urgente nécessité de lutter contre le dérèglement climatique. L'opération, qui pourrait encore se poursuivre les jours prochains, a été particulièrement suivie dans la capitale britannique.

Dès le lundi 7 octobre, quelques milliers de militants commençaient leurs actions de blocage. Le plan initial était de s'installer aux abords du palais de Westminster, siège du Parlement britannique, afin d'interpeller directement les politiques. Au Royaume-Uni, le mouvement Extinction Rebellion (XR) demande à ce que « la vérité soit dite » au public à propos de l'urgence climatique et plaide pour une réduction drastique, voire un arrêt complet, des émissions de CO2 à l'horizon 2025. Une perspective bien évidemment assez éloignée de ce que prévoit le gouvernement britannique, qui dit vouloir parvenir à cet objectif en 2050.

Des sites comme le pont de Westminster et celui de Lambeth, un peu plus loin, ont donc été bloqués. Des centaines de personnes se sont retrouvées à Whitehall, non loin du siège du gouvernement, et sur Trafalgar square, où différentes structures en bois ont été installées. Les militants d'Animal Rebellion, un groupe affilié à Extinction Rebellion, ont passé une nuit au marché à viande de Smithfield et ont tenté, en fin de semaine, de bloquer le Billingsgate market, spécialisé dans le poisson. Le siège de la BBC a également été la cible des manifestants, les militants accusant l'emblématique chaîne britannique de ne pas parler suffisamment de l'urgence climatique.

Entre autres grosses actions, Extinction Rebellion s'en est aussi pris au London City Airport, jeudi. Cet aéroport londonien, de taille relativement modeste, localisé en pleine zone urbaine, prévoit d'augmenter le nombre de ses vols. Une idée bien sûr complètement à contre-courant des objectifs de réduction des émissions de dioxyde de carbone. « Cela va engendrer encore davantage de pollution et impacter notre santé et celle de nos enfants », indique Karen, habitante du quartier de Greenwich situé non loin de l'aéroport, qui a participé à l'action de jeudi. « On a perturbé le trafic à la station de DLR [le Docklands Light Railway, train qui mène au site], ainsi qu'à l'intérieur et à l'extérieur de l'aéroport. » Des militants se sont collés les mains au sol. Un ancien champion paralympique a grimpé sur le toit d'un avion. Et un vol pour Dublin a dû être retardé après l'intervention d'un activiste, qui était parvenu à monter un bord.

Un grand nombre de personnes ont été arrêtées au cours de ces opérations. La police en dénombrait 1.300, pour l'ensemble de la semaine, ce week-end. Des interpellations qui se sont toutefois faites dans une ambiance relativement apaisée - beaucoup s'accompagnaient d'ailleurs d'applaudissements - les arrestations faisant partie intégrante de la stratégie d'XR pour faire passer son message politique. « Je pense que les moyens de manifester plus traditionnels n'ont pas été aussi efficaces qu'ils auraient dû, résume Georgina, militante bloquant une voie et qui attendait d'être emmenée par les forces de l'ordre en début de semaine. Ce n'est qu'en perturbant le système et en se faisant arrêter qu'on y parviendra peut-être. »

Du côté des autorités, on n'apprécie guère le mouvement. La chef de la London Metropolitan Police, Cressida Dick, déplorait vendredi que les actions d'Extinction Rebellion aient mobilisé énormément d'agents sur le terrain, ceux-ci se trouvant alors dans l'impossibilité de d'assurer leur « service » habituel auprès des populations locales. Les interactions avec les forces de l'ordre se sont toutefois bien passées, dans l'ensemble, de l'avis de plusieurs militants.

Chez Extinction Rebellion, l'image est essentielle. Prêtresses (et prêtres) vêtues de rouge prenant la pose sous le regard interloqué des passants, pieuvre géante escortée par des policiers sur Whitehall, exposition de centaines d'arbrisseaux en pot juste à côté du Parlement britannique afin d'inciter à des politiques de reforestation... La semaine aura été emplie d'images assez surréalistes, la manifestation prenant parfois l'allure d'un véritable carnaval. Ou d'un festival. Ça et là, les tentes des militants ont poussé comme des champignons. Sur St-James Park, non loin du 10 Downing Street. Elles ont assez rapidement été enlevées par la police en début de semaine et se concentraient essentiellement sur Trafalgar square, ce week-end.

Autre action marquante et visuelle, la fin de la première semaine de rébellion (le mouvement est censé durer une quinzaine de jours à Londres) s'est achevée, samedi 12 octobre, par une « marche funèbre », à laquelle ont participé des milliers de personnes sur Oxford street, l'artère centrale et luxueuse de la capitale. Là encore, les activistes n'ont pas manqué d'imagination. Squelettes d'animaux, crâne humain... D'impressionnantes sculptures en papier mâché ont été déployées. De même que des effigies d'abeilles, d'animaux marins, victimes ou potentielles victimes du changement climatique. « Nous sommes en deuil, expliquait une manifestante. Nous pleurons la perte et la mort de la nature. Et des humains qui en font partie. »

Parmi les passants, certains étaient admiratifs. « J'ai eu l'occasion d'observer l'impact du changement climatique en Amérique du Sud, expliquait Connie, ressortissante allemande qui vit à Londres. Et c'est une très bonne chose que les gens en parlent et fassent quelque chose à ce sujet. » Touriste belge de passage dans la capitale britannique, Sophie s'est montrée plus nuancée : « Nous devons garder en tête le fait que cela est important et que nous devons en parler mais, bon, peut-être pas de façon aussi dramatique. Le fait de bloquer des routes, des aéroports, l'économie du jour, c'est peut-être un peu trop... »

Un avis que ne partagent bien sûr pas nombre de militants XR pour qui l'urgence climatique est trop pressante. Le mouvement marquait une pause, dimanche, à l'occasion notamment du Royal Parks Half Marathon qui devait se tenir dans le centre de Londres. Avant, probablement, de lancer de nouvelles actions en début de semaine.

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