17/10/2019 les-crises.fr  6 min #163106

Les Slavery Papers Ii : L'histoire du Leusden, par Omo Misha

Source :  Huffpost, Omo Misha,

Le livre « Slave Ship Leusden » [« Leusden, le navire négrier », NdT] est une adaptation des recherches scientifiques du Dr Leo Balai sur l'histoire du Leusden, l'un des derniers navires négriers de la West India Company (WIC). Disponible sur Amazon.com

Selon le Dr Leo Balai, l'histoire du navire négrier Leusden est une histoire de conspiration et de meurtre. « Cela a été le plus grand meurtre de l'histoire de la traite négrière, mais personne n'en a jamais parlé ».

Il y a dix ans, Balai a commencé à faire des recherches sur le navire perdu, il en a fait état dans sa thèse de doctorat à l'Université d'Amsterdam et a publié un livre en 2013,  « The Slave Ship Leusden ». Ses travaux ont éveillé un intérêt international quant à la localisation du navire, probable tombeau de sa cargaison humaine.

Voici l'histoire résumée du Leusden :

Premièrement, il est important de souligner que plus de 40 000 navires ont transporté des prisonniers Africains à travers l'océan. La plupart de ces navires ont été construits pour servir à de multiples fins. L'esclavage n'était que l'une d'entre elles. Le Leusden, cependant, était un énorme navire conçu exclusivement pour la traite des esclaves. Le navire a fait dix voyages au total, transportant plus de 6500 esclaves entre 1719 et 1738. Lors de son septième voyage, s'est produit une révolte qui a entraîné la mort de plusieurs membres d'équipage. Lors de son neuvième voyage, une infection a anéanti les deux tiers de ses 689 déportés. Le navire a coulé au cours de son dixième voyage le 1er janvier 1738. Sur 680 Africains, 664 ont perdu la vie. Il avait quitté le Ghana avec 700 captifs; vingt étaient déjà morts avant le naufrage.

Le Leusden faisait route vers le marché aux esclaves de  Paramaribo, la capitale côtière du Suriname. C'est alors que le voyage touchait à sa fin qu'il heurta une rive à l'embouchure du fleuve Maroni (qui s'écoule dans l'océan Atlantique et sert de frontière entre les pays côtiers sud-américains du Suriname et de la Guyane française). Le capitaine a pensé qu'il suffirait d'attendre la fin de la tempête, espérant que le navire se libérerait de lui même, mais un morceau du gouvernail du navire s'est détaché et il est devenu évident que le navire allait couler.

Les captifs, qui étaient autorisés à prendre leurs repas sur le pont et qui s'y trouvaient pendant l'attente, ont été enfermés de force sous le pont pendant que la coque se remplissait d'eau. Les 73 membres de l'équipage du navire ont fermé les écoutilles et se sont même assis dessus toute la nuit pour s'assurer que personne ne pourrait s'enfuir et se sauver. Au matin, les derniers cris et gémissements des captifs avaient cessé - signifiant alors que les 664 Africains s'étaient tous noyés ou asphyxiés. Ce n'est qu'alors que l'équipage a abandonné le navire, entraînant le plus grand génocide de l'histoire de plusieurs siècles de la traite négrière dans le monde.

Le capitaine et l'équipage sont arrivés sains et saufs à Paramaribo avec seize Africains à vendre, une histoire à raconter, et accueillis par des félicitations pour avoir sauvé un coffre plein d'or.

Avec un nombre de morts près de cinq fois supérieur à celui de la deuxième plus grande tragédie de la traite négrière dans l'Atlantique (le massacre de 132 esclaves en 1781 jetés par-dessus bord sur le  Zong, un navire britannique qui transportait des esclaves d'Afrique vers la Jamaïque), le naufrage du Leusden est considéré comme la plus grande perte de vies en une fois dans ce domaine. Par le nombre de voyages effectués, de captifs transportés et le nombre total de morts, par ses récits connus de révolte et d'épidémies mortelles, par son acte final combinant naufrage et assassinat et par sa valeur archéologique, si jamais on le retrouvait, le Leusden est probablement le symbole le plus marquant, le plus horrible et connu pour être la quintessence du drame de la traite négrière transatlantique. Avec 1741 vies africaines gâchées au total, au cours de ses presque vingt ans d'existence, le sinistre vaisseau reste le plus sanglant de la traite négrière.

Pourquoi en a-t-on si peu parlé ? Et même pratiquement pas du tout dans les Amériques. Il y a un cimetière africain à l'embouchure au nord de l'Amérique du Sud, dernier lieu de sépulture douloureux pour 664 âmes, perdu au milieu des eaux côtières touristiques, et personne n'a jamais cherché à le trouver. Jusqu'à maintenant.

Source :  Huffpost, Omo Misha, 05-03-2017

Traduit par les lecteurs du site  www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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