05/11/2019 lesakerfrancophone.fr  9 min #163940

On s'en doutait un peu...

...Trump et le New York Times admettent que la guerre américaine en Syrie a des fins impérialistes

Par Finian Cunningham − Le 25 octobre 2019 − Source  Strategic Culture

À partir des révélations candides extraordinaires faites séparément par le président américain Donald Trump et le New York Times, il ne peut y avoir aucune illusion quant à la raison pour laquelle les forces américaines sont réellement déployées en Syrie. C'est une occupation illégale à l'encontre du gouvernement syrien visant à priver ce pays arabe de ses ressources pétrolières.

Par la suite, il a été  annoncé cette semaine que le Pentagone déploierait des chars Abrams et d'autres équipements lourds dans les champs pétrolifères situés près de Deir Ez-Zor. Les troupes impliquées dans ce nouveau déploiement dépasseraient de loin les quelque 1 000 soldats qui, selon le président Trump, allaient « rentrer à la maison ».

Les champs pétrolifères de la Syrie sont situés principalement dans les provinces orientales limitrophes de l'Irak. Ces zones - environ un tiers du pays - constituent le dernier territoire encore incontrôlé par le gouvernement de Damas. L'État syrien devra récupérer ses gisements de pétrole pour financer la reconstruction du pays après presque huit ans de guerre.

Dans un tweet le weekend dernier, Trump a  déclaré : « Les soldats américains ne se trouvent pas dans des zones de combat ou de cessez-le-feu. Nous avons sécurisé le pétrole [sic]. Nous ramenons les soldats à la maison ! »

Le président faisait référence à l'accord douteux qu'il avait conclu avec la Turquie la semaine dernière et qui avait amené les États-Unis à abandonner leurs alliés kurdes et à laisser se déchaîner une offensive meurtrière des forces turques contre le nord-est de la Syrie. Après avoir subi de nombreuses critiques de la part des républicains et des démocrates, ainsi que des experts militaires et des experts des médias pour son retrait des troupes américaines, Trump tente à juste titre de donner une tournure positive à son geste.

C'est pourquoi il se vante d'avoir vaincu «à 100%» le réseau terroriste djihadiste d'État islamique (IS ou ISIS) et de «ramener des soldats à la maison». Ce dernier acte est un accomplissement apparent de la promesse électorale de Trump en 2016 de « mettre fin aux guerres sans fin » et de ramener les troupes américaines au pays après des interventions étrangères.

Alors, quelle est cette référence cryptée de Trump à «la sécurisation du pétrole ?». Notez également comment il a utilisé la majuscule O pour écrire «Oil», indiquant quelque chose de stratégique à propos de sa référence aux ressources de la Syrie. De toute évidence, la prétendue défaite du terrorisme et le retour des troupes à la maison n'expliquent pas tout. Le pétrole suinte entre les lignes.

Le rapport  publié lundi par le NY Times jette plus de lumière sur cet aspect. Certes, le Times n'est guère une source fiable, étant donné ses liens serrés avec les agences de renseignement américaines et son agenda imparable anti-Trump, qui déforme presque tout ce qu'il publie. Néanmoins, étant donné que Trump et le NY Times semblent être cohérents ici sur la question, cela suggère que la révélation a effectivement de la substance.

Le NY Times cite un haut responsable anonyme de l'administration Trump et des sources du Pentagone qui disent que le président a donné son feu vert à un petit contingent de forces spéciales américaines, peut-être 200, qui doivent rester dans l'est de la Syrie. Cela prouve le mensonge de Trump quand il prétend retirer toutes les troupes américaines de Syrie. Il ne «ramène pas les soldats à la maison», mais il continue à crier victoire là-dessus.

Le secrétaire américain à la Défense, Mark Esper, a également  confirmé aux journalistes en route pour l'Afghanistan le week-end dernier, que les forces américaines seraient transférées de la Syrie vers l'Irak et resteraient à proximité de la frontière syrienne. Esper a déclaré que l'armée américaine « défendrait l'Irak » et qu'elle serait déployée pour empêcher une éventuelle résurgence d'État islamique. Quoi qu'il en soit, c'est une justification officielle usée jusqu'à la corde.

Cependant, à propos du maintien des forces spéciales américaines en Syrie, le NY Times a déclaré : « Le président Trump penche en faveur d'un nouveau plan du Pentagone visant à maintenir un petit contingent de troupes américaines dans l'est de la Syrie, pouvant compter environ 200 personnes, afin de lutter contre État islamique et bloquer l'avancée du gouvernement syrien et des forces russes vers les champs de pétrole convoités de la région, a déclaré dimanche un haut responsable de l'administration. »

C'est un aveu étonnant. Oubliez la «lutte contre les terroristes», le véritable objectif du déploiement militaire américain en Syrie est de contrôler les ressources pétrolières du pays, situées principalement dans les provinces orientales, où les États-Unis collaboraient depuis cinq ans avec la milice kurde syrienne. Ce partenariat était censé avoir pour but de «vaincre ISIS».

Le largage cavalier des Kurdes par Trump, acquiesçant à la demande turque d'une attaque militaire contre les premiers, qu'Ankara considère comme des terroristes, montre clairement que l'agenda de Washington au sujet des Kurdes ne visait pas vraiment à lutter contre État islamique, mais plutôt à les utiliser, en tant que supplétifs pour balkaniser le territoire syrien, en particulier la région orientale riche en pétrole.

L'auto-congratulation de Trump à propos de «la fin des guerres sans fin» est une platitude trompeuse pour accroître ses chances de réélection en 2020.

Ce président parle de retirer des troupes américaines de Syrie depuis un an. Pourtant, il en reste environ 1 000, ainsi que des avions de combat. Le Pentagone a construit des bases et des aérodromes dans l'est et le sud de la Syrie, près de la frontière avec l'Irak. Les troupes qui quittent la Syrie prennent position dans l'Irak voisin, où elles vont mener des opérations de contre-insurrection, sans doute dans l'intention de se rendre en Syrie quand elles le souhaiteraient.

Trump a accepté de garder 150 soldats à la base américaine d'Al Tanf, dans le sud de la Syrie, où le camp constitue un terrain  d'entraînement pour des milliers de militants djihadistes connus sous le nom de Maghawir al-Thawra. Les Maghawir al-Thawra ne se battent pas contre État islamique, comme le prétend le Pentagone. Il s'agit plus précisément d'une autre approximation des intérêts américains, impliqués dans une division néfaste du travail aux côtés d'État islamique et des Kurdes.

On peut s'attendre à ce que les militants d'Al Tanf se rapprochent des 200 forces spéciales américaines et peut-être de quelques mercenaires kurdes restants, chargés de «bloquer l'avancée du gouvernement syrien et des forces russes vers les champs de pétrole convoités», comme le rapporte le NT Times.

C'est sans doute ce que voulait dire Trump quand il faisait allusion à «la sécurisation du pétrole» en Syrie. De cette manière, le président Trump et le New York Times admettent que le véritable but de l'armée américaine en Syrie est la conquête impériale.

La cruelle ironie, c'est que la Syrie doit exploiter son pétrole pour se reconstruire après une guerre lancée secrètement contre elle par les États-Unis et ses partenaires de l'OTAN en 2011. Aujourd'hui, avec une vindicte vengeresse maladive, les États-Unis semblent résolus à empêcher la Syrie d'utiliser ses propres ressources pétrolières vitales pour la reconstruction, en prévoyant une occupation militaire illégale de la Syrie orientale par l'armée américaine, pour une durée indéterminée.

De nombreux observateurs astucieux des huit années passées en Syrie ont toujours su que l'agenda de Washington était un changement de régime et que ses revendications anti-terroristes étaient un prétexte frauduleux. Nous avons maintenant le président américain et le principal journal américain qui reconnaissent l'occupation criminelle du territoire syrien pour s'emparer des champs pétrolifères.

Finian Cunningham

Note du Saker Francophone Il s'agit sans doute beaucoup plus d'empêcher la montée en puissance de l'arc chiite.

Traduit par jj, relu par Kira pour le Saker Francophone

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