13/11/2019 les-crises.fr  17 min #164324

Entretien avec le légendaire lanceur d'alerte Daniel Ellsberg après sa 89ème arrestation pour s'être opposé aux armes nucléaires, à la guerre nucléaire et au secret gouvernemental - Par Dennis Bernstein

Source :  CovertAction Magazine, Dennis Bernstein, 24-09-2019

Le Lawrence Livermore Laboratory de Livermore, en Californie, conçoit de nouvelles armes nucléaires et mène des recherches sur le plutonium. [Crédit : worldatlas.com]

Daniel Ellsberg, consultant à la Maison-Blanche en 1961, a élaboré les plans du secrétaire Robert McNamara pour la guerre nucléaire. En 1971, il a publié  les 47 volumes du Pentagone Papers[, une étude top-secrète du Département de la Défense sur l'implication politique et militaire américaine au Vietnam de 1945 à 1967. Dans cet entretien, Ellsberg revient sur le programme d'armement nucléaire des États-Unis après sa 89e arrestation pour son opposition aux armes nucléaires, à la guerre nucléaire et au secret gouvernemental. - les rédacteurs]

Dennis Bernstein : Nous sommes honorés d'accueillir Daniel Ellsberg, celui qui a dénoncé la guerre du Vietnam immorale et illégale et qui n'a cessé depuis de sonner l'alarme et de faire des émules. Daniel Ellsberg s'est fait connaître au début des années 1970 en divulguant  les documents du Pentagone, l'histoire top secrète de la guerre du Vietnam du ministère de la Défense, puis en protestant ouvertement contre la guerre et le secret gouvernemental qui la soutenait. Pourtant, peu de gens savent qu'il a passé la majeure partie de la dernière décennie à étudier la machine de guerre nucléaire américaine dans le cadre d'études hautement confidentielles. Daniel, bienvenue. Vous venez d'être arrêté au laboratoire Lawrence Livermore, n'est-ce pas ?

Daniel Ellsberg : Oui, j'y suis allé presque tous les ans, au moment de la commémoration d'Hiroshima et de Nagasaki, pour envoyer le message qu'il ne faudrait plus fabriquer d'armes dans ce pays sans qu'il soit besoin d'arrêter des gens pour ce faire. C'est mal de faire ce que Livermore fait en ce moment - en bonne conscience, j'en suis sûr. Mais alors, j'ai travaillé sur des plans de guerre en toute conscience. Je me suis fait avoir et eux aussi. Le public a été trompé au sujet d'Hiroshima.

Aujourd'hui encore, peu de gens savent combien ils ont été abreuvés de mensonges pour justifier de ce que nous avons fait.

Aujourd'hui encore, peu de gens savent combien ils ont été abreuvés de mensonges pour justifier de ce que nous avons fait. Je dirais que quand les gens protestent contre la bombe de nos jours, la plupart des Américains se demande, pourquoi cela aurait été mal de sauver un million de vies américaines ? Après tout, Hiroshima n'était-t'elle pas la seule alternative à une invasion du Japon ? C'est ce qu'ils ont entendu de la part de personnes en position d'autorité mais ce n'était pas la seule alternative. En fait, ce n'était même pas une alternative sérieuse à l'invasion.

Le peuple américain a estimé que tuer 140 000 personnes immédiatement et 300 000 avant la fin de l'année était indispensable et donc justifié. Si c'est justifié, qu'est-ce qui ne l'est pas ? Ce que nous faisons en ce moment, menacer de l'usage offensif des armes nucléaires et préparer des attaques qui, si elles étaient menées, détruiraient la plupart des vies sur terre, n'est pas justifié. Mais cela n'est pas remis en question, ni sur le plan moral, ni sur le plan pratique.

Dennis Bernstein : Dan, comment évalueriez-vous les dangers auxquels nous faisons face aujourd'hui en termes d'embrasement nucléaire ? Sommes-nous moins bien lotis aujourd'hui qu'il y a trente ans ?

Daniel Ellsberg : Eh bien, en 1989-1991, les choses ont commencé à s'améliorer. La Russie n'était plus un ennemi idéologique, la guerre froide était terminée, la raison d'être de ces armes avait disparu. C'était le moment de s'en débarrasser. L'idée que nous étions obligés de nous armer comme jamais auparavant avait disparu en même temps que ce conflit. Mais l'idée d'un partage des bénéfices de la paix a disparu avec la guerre du Golfe.

Le pic des dépenses de la guerre froide a été atteint en 1985. Les dépenses ont diminué avec la chute de l'Union soviétique. Les dépenses ont diminué avec la chute de l'Union soviétique jusqu'à l'arrivée au pouvoir du second Bush. Nous sommes revenus au niveau de la guerre froide, soit 9 milliards de dollars par année... [qui] vont à... Boeing, Lockheed, Raytheon, Grumman, General Dynamics.

L'une des choses que j'ai apprises des discussions que j'ai eues aujourd'hui aux laboratoires Lawrence Livermore, c'est que chaque budget pour les armes nucléaires a été augmenté depuis sept ans. C'était notamment le cas en 2015 sous Obama, qui l'a porté à un niveau supérieur à celui de la guerre froide. Le pic des dépenses de la guerre froide a été atteint en 1985. Les dépenses ont diminué avec la chute de l'Union soviétique. Les dépenses ont diminué avec la chute de l'Union soviétique jusqu'à l'arrivée au pouvoir du second Bush. Nous sommes revenus au niveau de la guerre froide, soit 9 milliards de dollars par année. De 2015 à aujourd'hui, le budget a augmenté chaque année. Ça n'a pas commencé sous Trump. Mais à l'heure actuelle, nous avons un budget supérieur de 40 % à celui de la guerre froide. C'est choquant, c'est fou, c'est inacceptable.

Cet argent ne va pas aux étrangers, mais aux Américains : Boeing, Lockheed, Raytheon, Grumman, General Dynamics. Ils sont très bons dans ces opérations. Nous sommes en train de budgétiser une arme en cours de conception à Lawrence Livermore en ce moment, c'est pour l'installer sur de nouveaux ICBM [Missile Balistique Intercontinental, NdT] fabriqués par Boeing. Mais il n'y a pas de raison d'en fabriquer, sauf pour les emplois créés dans chaque district que Boeing a répartis dans tout le pays. Et Lockheed sera un sous-traitant. Il y a les suffrages, les campagnes électorales et les profits.

Étonnamment, j'ai appris aujourd'hui quelque chose qui m'a rendu plus optimiste que je ne l'ai été depuis longtemps. L'autorisation du budget de la défense de la Chambre est différente de la version du Sénat. La version parlementaire supprime le financement des futures installations de production des nouveaux ICBM. Tout a été remis en place par le Sénat, mais doit être coordonné prochainement lors d'une conférence, probablement en septembre, et je ferai tout mon possible pour convaincre les députés et leurs électeurs qu'ils devraient dire à leurs députés de rester inflexibles sur ces suppressions. Ces armes sont dangereuses.

Davey D : Pense-t-on que si nous avons les armes nucléaires les plus perfectionnées, nous pouvons gagner en les utilisant et survivre ? Les gens pensent-ils vraiment que nous pouvons utiliser ces armes et gagner avec elles ?

Daniel Ellsberg : Il y a toujours eu des gens qui ont dit qu'avec elles, nous pouvions gagner. Un certain nombre de présidents et certainement des membres de l'Air Force. D'un autre côté, j'ai connu dans le milieu beaucoup de gens qui savaient que ce n'est pas possible. Mais ce n'est qu'à partir de 1983, lorsque l'hiver nucléaire a vraiment été découvert, qu'il est devenu absolument clair que cela ne fait aucune différence si nous frappons en premier ou pas et toutes nos armes nucléaires sont conçues pour frapper en premier.

Boeing nous dit que, bien que ce soit terrible, ce ne l'est pas autant que de frapper en deuxième. Au cours du dernier débat on a demandé à Elizabeth Warren pourquoi elle n'est pas favorable à la frappe en premier. Il lui a ensuite été demandé si elle voulait que nos villes soient réduites en cendres avant d'utiliser les armes nucléaires. Comment répondre à cela ? Si elle pensait qu'en les utilisant d'abord contre la Russie nos villes ne seraient pas réduites en cendres, où se situerait elle ? C'est de la folie. En d'autres termes, lors d'une fausse alerte le réflexe des militaires et du président sera « mes ICBM vont être détruits. Je dois les faire décoller. »

Dennis Bernstein : Sommes-nous plus près d'une guerre nucléaire à cause de ces armes nucléaires de nouvelle génération qui, selon eux, sont plus petites ? Seraient-elles plus tentantes pour les responsables militaires ?

Daniel Ellsberg : Dans une certaine mesure, oui. Mais ces dangers n'ont pas commencé avec Trump. Strictement parlant, je ne pense pas que sous Trump le danger soit nettement plus grand. Le fait est que le danger ne diminue pas. En ce qui concerne ces armes de faible puissance, si Trump pouvait être tenté de les utiliser, les résultats seraient catastrophiques. Nous avons déjà des armes nucléaires à faible puissance. Pourquoi en voudrions-nous de nouvelles ? Livermore a besoin de faire des trucs, Lockheed, Boeing, etc. Au fait, tu ne m'aurais pas entendu dire ça il y a un an. Au cours des quarante dernières années, je me suis concentré sur la partie militaire et gouvernementale du complexe militaro-industriel. Ce n'est que l'année dernière que j'ai étudié la partie industrielle. C'est nouveau pour moi de voir la guerre froide comme une campagne de marketing pour de vastes subventions annuelles à l'industrie aérospatiale.

C'est nouveau pour moi de voir la guerre froide comme une campagne de marketing pour de vastes subventions annuelles à l'industrie aérospatiale.

Dennis Bernstein : Une des bombes que nous avons lâchées sur le Japon a été construite à Hanford. Ce programme continue d'exploser à Hanford.

« Fat Man » - La bombe larguée sur Hiroshima le 6 août 1945, tuant 90.000 à 166.000 personnes. Beaucoup d'autres sont morts depuis. (Crédit : all-that-is-interesting.com)

Daniel Ellsberg : Malheureusement, mon père était l'ingénieur en chef de la construction à Hanford juste après la guerre, après avoir travaillé sur ces problèmes pendant la guerre. Il a démissionné du programme pour deux raisons, dont il m'a parlé une quarantaine d'années plus tard. On lui avait demandé de travailler à Savannah River - qui, soit dit en passant, pourrait maintenant se lancer dans la fabrication d'armes nucléaires. Elle fabriquait à l'époque du matériel pour ça. C'était du travail pour la bombe H, qui allait être mille fois plus puissante que la bombe A. La première bombe à hydrogène que nous avons fait exploser en 1954 était mille fois plus puissante que celle d'Hiroshima. La bombe d'Hiroshima équivalait à 15 000 tonnes de TNT. C'était mille fois plus que les plus grosses bombes de la Seconde Guerre mondiale. La première bombe à hydrogène faisait 15 mégatonnes. C'était trois fois plus que ce qu'ils avaient prévu..

Daniel Ellsberg (à droite) bloquant les portes avec des manifestants au Livermore Lab le 6 août 2013. [Crédit : Youtube outtake]

Les jours des anniversaires d'Hiroshima et de Nagasaki (6 et 9 août), il ne devrait pas y avoir d'activité normale dans ces usines où l'on continue à fabriquer des bombes de type Nagasaki qui servent à déclencher une bombe H. Je me souviens très bien des dates parce qu'elles entourent mon anniversaire de mariage, qui est le 8 août. On ne pouvait pas le fêter parce que je me faisais toujours arrêter. Livermore a découvert comment garder ces choses secrètes, en ne nous traînant pas au procès, ce qui empêche les gens de voir ce qui s'y passe, et que d'autres Américains contestent.

Dennis Bernstein : Vous avez publié l'histoire secrète de la guerre du Vietnam, mais vous aviez aussi l'histoire secrète de la guerre nucléaire envisagée et vous vouliez aussi publier cette histoire. Que s'est-il passé ?

Daniel Ellsberg : Ce fut une grande déception dans ma vie. J'ai pensé que j'allais publier les milliers de pages que j'avais sur les menaces et les dangers nucléaires après avoir publié les documents du Pentagone. Un de mes amis, Randy Keillor, m'a dit à l'époque que c'était plus important que le matériel sur la guerre. C'était vrai, mais c'était au Vietnam que les bombes tombaient alors. Je verrais ce que je pourrais faire pour mettre fin à ces bombardements, puis je diffuserais l'information nucléaire. Malheureusement, j'ai donné les milliers de pages du programme nucléaire à mon frère pour qu'il les garde. Il les a cachés dans un tas d'ordures, mais il a été frappé par un ouragan et nous n'avons jamais pu trouver ces documents.

Dennis Bernstein : Qu'avons-nous perdu alors ?

Daniel Ellsberg : Une grande partie de l'information que nous avons perdue à l'époque se trouve dans mon livre aujourd'hui, bien des années plus tard. Une grande partie a été déclassifiée. Je ne parle pas beaucoup d'Hiroshima dans le livre parce que c'est un tissu tellement emmêlé pour les Américains. Ils ont subi un tel lavage de cerveau sur « pourquoi c'était bien » et « pourquoi il était nécessaire » de lâcher la bombe atomique.

Pour les américains la bombe atomique est venue au monde de la pire façon possible pour comprendre les implications de l'ère nucléaire. Imaginez si Hitler avait fabriqué la bombe le premier. Elle aurait été reconnue comme l'arme nazie par excellence, une arme d'extermination des civils. Cela aurait été le crime de guerre numéro un à Nuremberg. Elle n'aurait pas gagné la guerre pour eux. Elle aurait peut-être détruit Londres, Liverpool, mais il n'aurait pas gagné la guerre. Mais des gens auraient été pendus pour cela, et pas seulement les décideurs, tous les scientifiques. Je ne suis pas pour la peine capitale, mais je pense que les procès pour crimes de guerre peuvent être très utiles. Malheureusement, parce que nous avions bombardé, nous ne les avons pas accusés d'avoir bombardé des centres civils. En fait, nous avons radié cela des crimes de guerre. Parce que nous ne voulions pas nous mettre sur le banc des accusés - ni pour la bombe atomique, ni pour ce qui s'était passé plus tôt - nous ne les avons pas accusés.

Hiroshima rasée avec la bombe « Fat Man » larguée par les États-Unis le 6 août 1945, tuant en un instant des centaines de milliers de personnes. [Crédit : jimsjunket.com]

Et nous considérons toujours que ce genre de bombardement est possible. Écoutez ce que notre président a dit l'autre jour : « Je pourrais gagner la guerre en Afghanistan, mais je devrais tuer 10 millions de personnes ». Cela remonte à Harry Truman, qui ne voyait pas le largage des bombes atomiques comme une question morale. C'était assez raisonnable dans sa position parce que nous avions tué autant de civils japonais que nous le pouvions pendant cinq mois auparavant.

Le plus grand acte terroriste de l'histoire de l'humanité a eu lieu les 9 et 10 mars 1945, lorsque nous avons brûlé Tokyo et tué entre 80 000 et 120 000 personnes en une nuit.

La bombe d'Hiroshima, larguée le 6 août, a été le deuxième plus grand acte de terrorisme de l'histoire de l'humanité. Trois jours plus tard, Nagasaki fut le troisième plus grand acte de terrorisme. Le plus grand acte terroriste de l'histoire de l'humanité a eu lieu les 9 et 10 mars 1945, lorsque nous avons brûlé Tokyo et tué entre 80 et 120 000 personnes en une nuit. Nous l'avons fait avec le napalm, inventé à l'Université Harvard. On l'utilisait sur les humains parce qu'il colle à la peau et brûle à travers elle. C'était très bon pour brûler les bâtiments et les gens. Ils ont également utilisé du phosphore blanc et d'autres produits incendiaires, dans l'intention de brûler le plus de gens possible.

Le bombardement incendiaire de Tokyo, Operation Meetinghouse, dans la nuit du 9 au 10 mars 1945, fut le raid aérien le plus meurtrier de l'histoire. [Crédit : wikipedia]

Nous avons tué quelque 900 000 civils japonais avant les bombes atomiques... C'est à peu près équivalent au nombre de Juifs gazés à Auschwitz.

Nous avons ensuite procédé de la sorte dans 67 autres villes japonaises. Tout cela, c'était avant la bombe atomique. Nous avons tué quelque 900 000 civils japonais avant les bombes atomiques, qui ont fait 300 000 autres victimes. C'est à peu près égal au nombre de Juifs gazés à Auschwitz et ils ne sont pas exactement morts mieux que dans les chambres à gaz. Lorsque l'information sur les radiations a commencé à se répandre, le général Groves a dit qu'il avait entendu dire que c'était une façon plutôt agréable de mourir. En fait, ce n'est pas vrai. Mais la plupart des habitants d'Hiroshima et de Nagasaki sont morts dans un incendie. (Les gens qui ont sauté des tours jumelles n'étaient pas idiots. L'alternative était de mourir brûlé).

Les restes carbonisés d'une victime retrouvés près de l'hypocentre de l'explosion de Nagasaki. [Crédit : quora.com]

Moralement, il n'y avait pas de différence entre Tokyo et Hiroshima. La bombe était juste plus efficace, moins chère. Le fait est que le peuple américain en a à peine entendu parler. La décision d'Hiroshima n'était pas une grande décision pour Truman. Mais la raison pour laquelle elle était nécessaire est enseignée à des générations d'Américains et à leurs alliés. Si ça ne posait pas de problème à l'époque, alors menacer de le faire à beaucoup plus grande échelle est également acceptable.

Daniel Ellsberg est un membre senior de la Nuclear Age Peace Foundation, auteur de  The Doomsday Machine : Confessions of a Nuclear War Planner (2017) et  Secrets (2003), le sujet du documentaire  The Most Dangerous Man in America, nominé aux Oscars. Il est également une figure essentielle dans le film de Steven Spielberg sur les Cahiers du Pentagone,  The Post, et le lauréat du Prix Olof Palme pour un humanisme profond et un courage moral exceptionnel.

En 1971, Ellsberg a publié les  47 volumes des Pentagone Papers, une étude top-secrète du Département de la Défense sur l'implication politique et militaire américaine au Vietnam de 1945 à 1967.

Ceci est une transcription révisée de  l'interview diffusée à l'origine sur  KPFA [le 6 août 2019].

Photo de couverture : Pendant des décennies, la photo de la « frappe d'Hiroshima » a été identifiée à tort comme le champignon de la bombe qui s'est formée vers 08:16. Cependant, en raison de sa plus grande hauteur, la scène a été identifiée par un chercheur en mars 2016 comme le nuage de feu qui a englouti la ville, un incendie qui a atteint son intensité maximale environ trois heures après l'explosion. Crédit : wikipedia

Source :  CovertAction Magazine, Dennis Bernstein, 24-09-2019

Traduit par les lecteurs du site  www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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