29/11/2019 reseauinternational.net  5 min #165216

Comment la Guerre Hybride contre la Bolivie a réussi à opérer un changement de régime

Evo Le « terroriste » et l'armement des groupes alarmistes

par Andrew Korybko.

Le « Ministre de l'Intérieur » bolivien imposé par le coup d'État a exigé que « l'ancien » Président Morales soit emprisonné à vie pour ses activités supposées « terroristes ». Cela revient à la militarisation des groupes alarmistes pour des raisons purement politiques visant à intimider ses partisans majoritairement autochtones pour qu'ils cessent leur résistance au changement du régime soutenu par les États-Unis.

Arturo Murillo, le « Ministre de l'Intérieur » bolivien imposé par le coup d'État, a déclaré dans une interview exclusive accordée au Guardian ce week-end que « l'ancien » Président Morales devrait être emprisonné à vie pour ses activités supposées « terroristes » après qu'un enregistrement ait été révélé de lui exhortant ses partisans à mettre en place des barrages de routes à travers tout le pays en résistance contre le changement de régime opéré par les États-Unis. Ce langage menaçant équivaut à la militarisation des groupes alarmistes pour des raisons purement politiques visant à intimider la base nationale du Président Morales pour qu'elle arrête sa révolte. Le mot « terroriste » est lourdement chargé d'insinuations et implique quelqu'un qui a l'intention de commettre des actes de violence physique, ce que le Président Morales et ses partisans n'ont aucun intérêt à faire si ce n'est pour se défendre.

Pourtant, le qualifier de « terroriste » vise aussi à attirer l'attention internationale, en particulier celle des États-Unis, et à amener d'autres pays à faire pression sur le Mexique qui lui a accordé l'asile politique. Les « autorités » du coup d'État prétendent que Morales viole ce statut en se livrant à des activités politiques. Pas seulement avec l'enregistrement présumé qui a fait surface, mais par le fait même qu'il ait été extrêmement franc (en particulier sur Twitter) au sujet des derniers développements dans son pays natal. Elles réalisent que cela a eu un impact tangible sur la situation en Bolivie, et encourage les supporters de Morales à continuer leur résistance. Les putschistes ont supposé que l'imposition immédiate de leur dictature militaire suffirait à effrayer la population autochtone pour qu'elle se soumette à eux, mais c'était une prévision totalement erronée qui ne prenait pas en compte les motivations des partisans d'Evo Morales.

Il y a des craintes crédibles que « la Bolivie soit confrontée à un nettoyage ethnique à la croate et à un apartheid à la sud-africaine », et après 13 ans à vivre enfin en citoyens égaux grâce aux réformes socio-économiques et politiques sans précédent du Président Morales, la population majoritaire autochtone est prête à lutter pour ses droits plutôt que s'abandonner à un futur de seconde classe ou pire. Même si le Président Morales était resté silencieux (ce qui n'est pas dans sa nature chaque fois qu'il a connaissance d'une oppression quelque part dans le monde), ses partisans auraient probablement érigé des barrages routiers et organisé des manifestations de masse car ils ont littéralement tout à perdre à moins que le changement de régime soit (dans l'idéal, pacifiquement) inversé. Sous-entendre qu'ils soutiennent un « terroriste » qui devrait « passer le reste de sa vie en prison » ne pourrait que les encenser davantage.

Il est bien connu par le passé des États-Unis que les gens pacifiques sont parfois qualifiés de « terroristes » afin de « justifier » l'utilisation par l'État de moyens violents contre eux, jusqu'au meurtre pur et simple, aussi les « autorités » du coup d'État accentuent la perception de menace qu'ils pourraient représenter pour la population autochtone. Cela ne réussira probablement pas à contenir leurs protestations et pourrait même se retourner contre eux, surtout si certains des participants se « radicalisent » par cette rhétorique et s'engagent à utiliser la force contre l'État avant que ce dernier ne la retourne contre eux personnellement. Ce scénario pourrait voir la situation s'aggraver rapidement au point de déclencher une période de guerre civile plus intense que celle dans laquelle le pays se trouve déjà, avec d'énormes conséquences géostratégiques pour la stabilité régionale et particulièrement avec le « printemps sud-américain » naissant.

L'armement des groupes alarmistes qui étiquètent comme « terroriste » peut donc être une arme à double tranchant puisqu'il s'agit évidemment d'une attaque agressive dans la guerre de l'information contre la cible destinée à transmettre le message urgent de violence imminente contre eux, mais cela pourrait aussi inciter la cible susmentionnée à utiliser des moyens violents contre eux par légitime défense si elle est vraiment innocente des accusations « terroristes » et estime devoir attaquer en premier pour avoir les meilleures chances de survivre. Les « autorités » boliviennes jouent avec le feu en qualifiant sournoisement le Président Morales de « terroriste », cela implique que ses partisans le fassent aussi, car une personne qui se respecte ne peut accepter la « légitimité » d'un État qui considère à tort que le soutien à son président démocratiquement élu et légitime renversé par un coup d'État militaire équivaut à un soutien au « terrorisme ».

 Andrew Korybko

source :  Evo The 'Terrorist' & The Weaponization Of Fear-Mongering Labels

traduit par  Réseau International

 reseauinternational.net

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