22/01/2020 tlaxcala-int.org  8 min #167810

De Sigonella a Trapani, la Sicile, terre de drones tueurs

 Antonio Mazzeo

Deux articles récents de notre ami Antonio Mazzeo mettent en lumière le rôle stratégique de la Sicile dans les dispositifs guerriers de l'OTAN et consorts

Stoltenberg débarque en Sicile avec les nouveaux drones

Visite officielle en Italie du Secrétaire général de l'OTAN, M. Jens Stoltenberg. Stoltenberg est arrivé hier soir 16 décembre à Sigonella et ce matin il participera à la cérémonie officielle de livraison des nouveaux drones de renseignement AGS de l'Alliance Atlantique. La station aérienne et maritime sicilienne a été choisie comme siège du centre de commandement et de contrôle du nouveau système de "surveillance terrestre" de l'OTAN et "base principale d'opérations" des cinq grands avions RQ-4D "Phoenix" sans pilote, dont deux sont déjà arrivés à Sigonella entre novembre et décembre 2019.

Outre le secrétaire Stoltenberg, la cérémonie d'inauguration du système de surveillance terrestre de l'Alliance se déroulera en présence du président du Comité militaire de l'OTAN, Stuart Peach, et du commandant suprême des forces alliées en Europe, le général Tod Wolters de l'armée de l'air US.

« Avec le transfert des deux premiers drones AGS, une autre étape importante dans la réalisation du programme visant à équiper tous les alliés de l'OTAN d'un système de pointe de renseignement, de surveillance et de reconnaissance », a déclaré le général de l'armée de l'air US Phillip Stewart, commandant de la force AGS de l'OTAN stationnée à Sigonella. « Lorsque le projet sera terminé, l'Italie accueillera environ 600 membres du personnel de l'Alliance, y compris un centre d'utilisation des données et de formation qui pourra former jusqu'à 80 étudiants par an », a révélé le magazine des forces armées US, Stars and Stripes.

Equipés de la plateforme radar MP-RTIP avec des capteurs thermiques sophistiqués pour la surveillance et le suivi d'objets fixes et mobiles, les drones AGS pourront voler jusqu'à 18 000 mètres d'altitude et à une vitesse de 575 km/h. Les données recueillies seront d'abord analysées à Sigonella, puis transmises par un réseau crypté au JISR de l'OTAN, le Commandement conjoint du renseignement, de la surveillance et de la reconnaissance, qui a des antennes à Bruxelles, Mons et La Haye. Le nouvel avion sans pilote aura une portée de plus de 16 000 km, ce qui lui permettra d'opérer dans une zone géographique qui comprendra tout le continent africain et le Moyen-Orient, l'Europe de l'Est jusqu'au cœur de la Russie. Grâce aux informations collectées et décodées par les AGS, l'OTAN pourra élargir le spectre de ses activités sur les champs de bataille, en renforçant sa capacité à identifier les cibles à frapper par des frappes aériennes et des missiles.

L'avion de l'OTAN opérera à Sigonella en même temps que les avions espions Global Hawk de l'armée de l'air US et Broad Area Maritime Surveillance de la marine US et les fameux drones tueurs "Reaper" qui font des victimes parmi les civils sur les principaux terrains de guerre internationaux, consolidant ainsi le rôle de la Sicile en tant que capitale mondiale des avions de guerre sans pilote.

Les relais et installations de télécommunications par satellite de l'UAS SATCOM sont également activés en Sicile depuis 2018 avec tous les drones que les agences de renseignement US et le Pentagone déploient aux quatre coins de la Terre. L'installation de Sigonella permet la transmission des données nécessaires aux plans de vol et d'attaque des nouveaux systèmes de guerre, fonctionnant comme une "station jumelle" du site allemand de Ramstein et du grand aéroport de Creech (Nevada).

Les trois autres drones AGS arriveront en Sicile directement des USA d'ici juin prochain. Mais pour que l'ensemble du système de "surveillance terrestre" soit réellement achevé, il faudra attendre 2022, cinq ans après le contrat entre le commandement de l'OTAN et le constructeur, Northrop Grumman, d'une valeur de 1,5 milliard de dollars, le plus coûteux de toute l'histoire de l'Alliance atlantique.

L'aéroport civil de Trapani-Birgi sert de polygone de tir expérimental des nouveaux drones militaires fabriqués par Leonardo

Lancement à l'aéroport sicilien de Trapani-Birgi des essais en vol du nouveau drone de guerre Falco Xplorer produit par Leonardo-Finmeccanica. « L'avion téléguidé a effectué avec succès son premier vol d'essai en décollant de la base aérienne le 15 janvier dernier ; il a survolé le golfe de Trapani dans un espace aérien dédié pendant environ 60 minutes et est finalement revenu, atterrissant sain et sauf », rapporte le communiqué publié ce matin par la holding du complexe militaro-industriel national. « C'est un résultat important, obtenu également grâce au soutien technique et d'ingénierie fourni par le département des vols expérimentaux de l'armée de l'air pendant les phases de planification des vols et les activités connexes. Le nouveau système d'avion téléguidé va maintenant commencer une campagne d'essais pour évaluer toute la gamme des capacités de l'avion, y compris le système de capteurs embarqués. Ces essais permettront également de certifier la navigabilité, c'est-à-dire l'aptitude à l'emploi, du Falcon Xplorer selon la norme STANAG 4671 de l'OTAN, ce qui élargira considérablement le territoire sur lequel le drone peut opérer ».

Avec une masse maximale au décollage de 1,3 tonne, le nouveau drone peut voler en continu pendant 24 heures à une altitude opérationnelle de 24 000 pieds [7 315 m]., dans toutes les conditions météorologiques, pour effectuer « une large gamme de missions, tant militaires que civiles-gouvernementales ».

Le système Falco Xplorer dispose d'une liaison de données par satellite pour les opérations de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR) terrestres et maritimes. La configuration de la plateforme comprend un radar de surveillance multimodal T-80 Seagull avec une couverture jusqu'à 200 miles [321 km]., une tourelle électro-optique LEOSS, un système de protection électronique ELINT (ELectronic INTelligence) SAGE et un système d'identification automatique pour les applications maritimes. La station de contrôle au sol permettra aux opérateurs de surveiller l'avion et ses capteurs et de transmettre des informations aux systèmes C5I (commandement, contrôle, communications, informatique, collaboration et renseignement) du réseau militaire national et de celui des pays alliés de l'OTAN. Le prototype d Falco Xlorer a été construit à l'usine Leonardo de Ronchi dei Legionari (Gorizia).

Selon les maigres données techniques fournies par le fabricant, la nouvelle plateforme se positionne entre les drones MALE (Medium Altitude Long Range), avec des dimensions et des performances très similaires au MQ-9A "Predator" de General Atomics, fourni à l'U.S. Air Force et la version améliorée "Reaper" de la 32ème escadre de l'Armée de l'air italienne stationnée à Amendola (Foggia). Par rapport à la version précédente des drones Falco Evo de Leonardo, le modèle Xlporer a un fuselage plus grand et plus long et une structure d'aile améliorée pour supporter les charges externes. La capacité de charge accréditée est d'environ 350 kg, ce qui prouve que le drone peut être converti à tout moment pour l'exécution d'opérations killer (meurtrières), c'est-à-dire l'exécution de lancements de missiles air-sol.

Les dirigeants de Leonardo comptent sur le Faucon Xplorer pour conquérir un nouvel espace sur le lucratif marché des drones de guerre. La version Evo a été choisie par les forces armées de cinq pays et par les Nations Unies pour la mission "militaro-humanitaire" de la MONUSCO en République démocratique du Congo. Un Falco Evo est utilisé par l'agence Frontex qui supervise le contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne pour des missions de renseignement et de surveillance anti-migrants en Méditerranée centrale ; l'avion opère depuis l'aérodrome de Lampedusa sous la coordination de la station locale de la Garde des finances.

Avec la campagne d'essais en vol du nouveau drone, l'aérodrome de Trapani-Birgi, qui abrite la 37ème escadre de l'armée de l'air, confirme sa vocation de polygone expérimental pour les avions sans pilote produits au niveau national et international. Dans le passé, l'aéroport sicilien (l'un des principaux aéroports utilisés pour le trafic de passagers par les compagnies aériennes à bas prix) a accueilli les essais malavisés du drone de guerre P1HH Hammerhead de Piaggio Aero et Leonardo, avec inévitablement, de lourdes conséquences sur la sécurité du trafic aérien civil et pour la population même vivant à côté de Birgi (les villes de Trapani et Marsala). Le 19 mars 2015, en particulier, un prototype du P.1HH, en raison d'un problème technico-opérationnel, est sorti de piste lors d'essais de roulage. L'avion a terminé sa course dans la prairie entourant la piste, qui a donc été temporairement fermée au trafic aérien. Le blocus opérationnel a obligé les compagnies à détourner des vols vers Palerme Punta Raisi, avec une demande de dommages et intérêts. Plus grave encore, ce qui s'est passé le matin du 31 mai 2016, lorsqu'un drone P1HH s'est écrasé en mer près de l'île de Levanzo, vingt minutes après son décollage de l'aéroport sicilien.

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Courtesy of  Tlaxcala
Source:  cutt.ly
Publication date of original article: 20/01/2020

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