24/01/2020 usbeketrica.com  6 min #167955

Sécurité alimentaire : des solutions durables pour 2050

Au mitan du siècle, la population mondiale devrait atteindre 10 milliards d'individus. L'équation que cherchent à résoudre chercheurs, États et entrepreneurs est la suivante : comment continuer à assurer la sécurité alimentaire mondiale tout en limitant le réchauffement climatique ? Face à l'étalement urbain, le gaspillage alimentaire, la démographie croissante et la consommation de viande en hausse, ce défi nécessite des solutions concrètes innovantes. Exploration de quelques unes d'entre elles, identifiées par le projet DEMAIN de Bpifrance.

Comment nourrir la population mondiale tout en contenant le réchauffement climatique à 1,5°C ? En plein été caniculaire 2019,  les experts du Giec se penchaient une nouvelle fois sur cette épineuse question. Dans leur rapport de 1 200 pages, les chercheurs mandatés par l'Onu font le constat qu'à ce jour, environ 820 millions de personnes souffrent de la faim, deux milliards d'adultes sont obèses ou en surpoids et 30 % de la nourriture serait perdue.

Selon les experts, il est indispensable de revoir l'usage des terres. « La façon dont nous utilisons les terres n'impacte pas seulement le climat, mais la capacité des terres à fournir les moyens d'existence aux gens, à la nature et à la biodiversité », résumait Fernanda Carvalho du WWF à la remise du rapport. Le Giec préconise d'agir dès maintenant sur la dégradation des sols, le gaspillage alimentaire et les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole.

L'usage des terres doit être repensé afin de protéger les sols (Unsplash, CC Bence Balla-Schottner)

Plus largement, assurer la sécurité alimentaire de toute l'humanité nécessite de repenser entièrement le système alimentaire, des terres à l'assiette. L'un des points problématiques est la consommation croissante de viande. Selon la FAO, la production de viande a quintuplé depuis les années 1960 : de 70 millions de tonnes par an en 1961 à 330 millions en 2017. « Certaines protéines animales consomment plus de ressources en terre, en eau... La tendance actuelle de consommation de ces protéines n'est pas durable. Il faut diversifier notre alimentation, chercher de nouvelles sources de protéines végétales », explique Ariane Voyatzakis, responsable du secteur Agroalimentaire à la direction de l'Innovation de Bpifrance.

L'alimentation animale, le nerf de la guerre

Réduire la consommation de viande, passer à un régime « flexitarien » : l'idée fait son chemin en France et dans d'autres pays occidentaux. L'une des pistes est de développer les protéines végétales, en particulier les légumineuses (pois chiches, lentilles, haricots...) : « Il faudrait prendre exemple sur les Indiens. Ils en consomment à tous les repas et remplacent souvent un plat de viande par des légumineuses », poursuit Ariane Voyatzakis. Les autres options explorées sont les analogues de viande à base de céréales, la viande artificielle - en plein développement - et encore les insectes - dont la consommation pour les humains n'est pas encore autorisée dans l'Union européenne.

Mais le nerf de la guerre en terme de sécurité alimentaire en 2050 se jouera aussi sur un terrain moins connu du grand public. C'est du côté de l'alimentation des animaux que la nécessité de modifier les habitudes est la plus forte, et où l'impact sur la biodiversité est le plus élevé. Un rapport de la FAO estimait en 2013 que l'élevage mondial de bétail est responsable de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre d'origine anthropique, soit plus que les États-Unis et la France réunis.

L'alimentation des animaux, la nouvelle bataille (Shutterstock, CC Anne-Hélène Bour)

Des insectes pour nourrir... les poissons

En France, des filières issues de la food tech se mettent en place pour développer une alimentation animale plus respectueuse de l'environnement. C'est le cas de l'entreprise Valorex, basée en Ile-et-Vilaine qui développe en coopération avec l'Institut national de recherche agronomique (Inra) des recettes à base de graines protéagineuses de féverole, lupin et de pois pour nourrir les animaux d'élevage. « Chaque année, la France importe 3,5 millions de tonnes de tourteau de soja pour nourrir ses volailles, ses porcs et ses bovins, rappelait récemment Stéphane Deleau, directeur général de Valorex, au Télégramme. Résultat, les éleveurs français sont très dépendants de la fluctuation des cours mondiaux du soja. Et cette production massive de soja engendre une déforestation catastrophique au Brésil sans évoquer la pollution des milieux, les émissions de gaz à effet de serre ! » Outre les effets bénéfiques pour l'environnement, les olé-protéagineux développés par Valorex sont plus digestes et plus nutritifs pour les animaux.

« Théoriquement, on peut toucher les assiettes partout dans le monde ! »

Les méthodes d'alimentation alternatives se développent aussi pour les poissons. La demande mondiale d'ingrédients riches en protéines pour nourrir les animaux d'élevage, en particulier en aquaculture, ne cesse d'augmenter, comme le rappelle l'Inria. Or, les animaux nourris à base de farines de poisson favorisent la surpêche et l'appauvrissement des ressources maritimes. À Nice, l'entreprise Inalve (pour In algae veritas) développe une alternative naturelle et renouvelable aux farines de poisson : la culture de microalgues en biofilm, transformée en farine riche en protéines, plus rentable, compétitive et écologique que les productions classiques.

Farine végétale à base de micro-algues (Shutterstock)

Depuis le 1er juillet 2017, l'Union européenne autorise les fermes aquacoles à nourrir leurs poissons avec des protéines issues de larves d'insectes. En France, plusieurs start-up se sont lancées sur ce créneau porteur. C'est le cas d'InnovaFeed, qui produit des farines à partir de larves de mouches, et d'Ÿnsect, qui produit des aliments à partir du Molitor, plus connu sous le nom de ver de farine. « Au départ, on voulait inciter les gens à consommer des insectes. Mais très vite, on a décidé de basculer vers la problématique de nourrir les animaux et les plantes. Ça a un impact plus grand. Théoriquement, on peut toucher les assiettes partout dans le monde ! », explique Antoine Hubert, président d'Ÿnsect, qui s'appuie sur une technologie de rupture protégée par 25 brevets. En trois ans, la start-up affirme avoir déjà enregistré 100 millions de commandes pour ses aliments alternatifs pour les animaux domestiques, les poissons, mais aussi les engrais. Et ce n'est pas prêt de s'arrêter : d'après Antoine Hubert, le marché global de l'alimentation animale et des engrais organiques devrait atteindre 1 000 milliards de dollars d'ici 2050.

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