08/08/2020 reseauinternational.net  9 min #177765

Il est temps de se dédier à la salutogenèse

par Marie-France de Meuron.

Même si cette appellation paraît étrange, elle dit bien ce qu'elle signifie : « la genèse de la santé ». Depuis quelques décennies, la médecine s'appuie sur la science stricte pour étudier la pathogenèse, tout en étant cadrée par les statistiques et les modélisations et incitant les  industries pharmaceutiques à se développer jusqu'à s'imposer énormément pour ne pas dire démesurément.

La situation coronavirale met en évidence à quel point ce mode de procéder évacue la notion de globalité de l'être humain, son individualité - il n'y a aucun être identique à un autre - et son pouvoir créatif en chaque instant, ce qui lui permet d'agir ou de réagir de façon particulière et distincte face à une sollicitation similaire qui touche toute une communauté.

Du fait de cette complexité, il s'avère au premier abord bien plus simple de se focaliser sur un microorganisme, en l'occurrence sur un coronavirus qu'on étudie au microscope, plutôt que de prendre en compte l'être humain avec un regard le plus élargi et le plus approfondi possible.

Ainsi, certains malades ont été renvoyés sans soins chez eux tant que le sars-covid n'avait pas atteint un degré menaçant; ou encore les officiels du corps médical - qui n'est plus un corps mais un ensemble hétérogène de médecins qui se sécurisent et s'appuient sur des concepts définis mais très partiels le plus souvent - ont proposé des protocoles qui pouvaient nettement diverger entre eux. Ainsi, ils se sont divisés à tel point qu'ils en ont perdu leur autorité - l'union fait la force - et que ce sont des politiciens qui ont pris des décisions allant jusqu'à leur interdire de prescrire un médicament connu depuis plusieurs années ou encore qu'une revue célèbre en est arrivée à publier un article indigne de la profession médicale.

Evidemment, les dirigeants diront qu'ils se sont basés sur des experts...par conséquent aussi sur des avis morcelés selon des concepts épars mais des notions très limitées comme le masque, le confinement et l'espoir (même pas la réalité concrète) d'un vaccin.

Ne tenant pas compte de la richesse propre à chaque individu, les mesures prises ont produit beaucoup de tort. Ainsi,  les masques ont plus été choisis pour une fonction facile à capter sans tenir compte qu'en devenant muselières, ils allaient provoquer des pathologies distinctes d'une personne à une autre. Sans prendre en compte non plus les effets psychoaffectifs.

Le bilan fort mitigé surgit aussi avec les mesures de confinement qui, au mieux permet à certains de développer leurs créativités et à d'autres de patienter alors que beaucoup subiront des  répercussions énormes, tant sociales que sanitaires et économiques, qui créent de graves pathologies plus ou moins patentes, plus ou moins sournoises mais qui suscitent davantage de mal à plus ou moins long terme, avec son lot de décès, ce qu'on prétendait vouloir éviter. Or, l'être humain doit être considéré sur un continuum tant dans l'espace que dans la durée. De plus, il est un micro-univers où tous les systèmes interagissent continuellement entre eux.

Par conséquent, le « réflexe » de pratiquer la pathogenèse sur un microorganisme apparemment inconnu, a conduit dans des impasses d'autant plus profondes qu'on ne cesse de rajouter des prolongations de style « rebond » ou « deuxième vague », en les agençant avec de nouveaux décrets imposant les masques.

Devant une pareille faillite de la pathogenèse, n'est-il pas temps de passer à une autre dimension, à un nouvel échelon de l'évolution de la médecine, en tenant compte des échecs et en s'enrichissant avec les apports d'autres dynamiques médicales, comme les médecines alternatives et les thérapies complémentaires?

C'est dans un contexte similaire que le sociologue médical  Aaron Antonovsky (1923-1994) s'est posé la question : « Pourquoi les êtres humains restent-ils en bonne santé malgré certaines conditions défavorables et événements critiques de leur vie? » Il est donc fondamental de revenir à une vue d'ensemble de l'entité unique qu'est l'être humain. De cette évidence, A.A. a développé le concept de « salutogenèse » pour désigner une « approche se concentrant sur les facteurs favorisant la santé et le bien-être (physique, mental, social, etc.), plutôt que d'étudier les causes des maladies (pathogenèse). »

Il est évident qu'un tel regard permet de développer d'autres paramètres de ce que sont la santé et la maladie : « ils marquent plutôt l'extrême de deux pôles à l'intérieur d'un tout. » Une telle définition permet de conserver une perception unifiée de l'être humain tout en en reconnaissant sa complexité. C'est en apprenant les lois de ce micro-univers qu'on peut gérer cette complexité afin de ne pas focaliser sur les complications qu'on cherche à maîtriser au coup par coup. C'est ainsi que la médecine conventionnelle, en voulant aborder un malade par un ou des diagnostics, échappe à des causes plus profondes ou alors ne tient pas ou trop peu compte du terrain favorable au développement d'une pathologie.

Il est fondamental aussi de prendre en compte que «  la salutogenèse va bien au-delà de sa théorie et de ses concepts. Il s'agit aussi d'une perspective, d'une vision du monde et de la recherche qui se concentre sur les ressources, les compétences, les capacités et les forces des individus plutôt que sur ses faiblesses, ses limites, ses incapacités et ses facteurs de risques à la maladie (Roy & O'Neill, 2012). Il s'agit bien entendu d'un exercice de repositionnement de l'esprit, d'une nouvelle posture épistémologique dans un domaine de recherche où l'emphase est placée sur le négatif plutôt que sur le positif, sur l'absence plutôt que sur la présence. »

Il repense et élargit le concept de promotion de la santé et définit « Ses cinq modes d'actions privilégiés : (1)les aptitudes individuelles,(2)l'action communautaire, (3) l'organisation des services de santé, (4) les environnements et (5) les politiques publiques. La promotion de la santé se distingue des autres fonctions essentielles de la santé publique (surveillance, protection et prévention) en visant l'amélioration de la santé et des conditions d'existences ».

Il rassembla, ce qui est aussi une forme d'élargissement, la communauté des personnes concernées et « il intéressa au premier chef les chercheurs et praticiens des diverses disciplines du domaine de la santé et des services sociaux mais aussi un grand public averti, curieux de constater les évidences scientifiques dont on dispose quant à l'effet d'une approche salutogénique pour promouvoir la santé des individus, des groupes et des populations. » Ainsi, la santé appartient à tous ceux qui oeuvrent en faveur de la salutogenèse et ne se limite pas à une vision du coup par coup de nos dirigeants ou de leurs experts qui sont trop souvent éloignés de la pratique médicale globale..

Qui s'implique actuellement en faveur de la salutogenèse ? En fait, les praticiens d'une approche holistique pratiquent forcément une grande part du processus de salutogenèse. Ainsi,  « Georg Bauer, médecin spécialiste de la santé au travail et des sciences du travail à l'EPFZ, a été très vite intéressé par le terme de salutogenèse, en fait dès la fin de ses études de médecine. « En travaillant à l'hôpital, j'ai constaté que les personnes peu formées tombaient plus vite et plus souvent malades que celles ayant une meilleure formation. J'ai donc voulu savoir pourquoi ».

Des  habitudes alimentaires moins bonnes, des risques plus élevés au travail pouvaient être des explications possibles. Mais Georg Bauer voulait mettre l'accent sur les facteurs positifs. Autrement dit, sur ce qui maintient ou pourrait maintenir les gens en santé. « J'ai trouvé cette approche holistique et magistrale vraiment fascinante, notamment parce qu'on ne s'en tient pas à une certaine maladie, mais qu'on la place dans un contexte de vie supérieur ». En cas de maladies cardiovasculaires ou de dépressions fréquentes, par exemple, il faudrait aussi prendre en considération des causes générées par l'environnement, autrement dit la vie professionnelle et privée. »

Évidemment, avec le regard visant la salutogenèse, l'individu est stimulé au mieux de ses possibilités et développe sa curiosité en étant attentif aux différentes dynamiques présentées autour de lui et les témoignages de ses proches. Il va aussi se faire accompagner par tous les moyens que son environnement lui offre et par les praticiens engagés dans une pareille démarche.

« Aaron Antonovsky a développé ce qu'il nomme des « ressources généralisées de résistance », qui comportent des ressources physiques, personnelles, psychiques, interpersonnelles, socioculturelles et matérielles. Elles sont le potentiel des êtres humains, une forme de compétence de maîtrise pour gérer de manière constructive les tensions et le stress.

  • investir dans des conditions cadres favorables à la santé pour l'ensemble des êtres humains ; et
  • d'intégrer les êtres humains dans les processus de changements pour qu'ils disposent de plus d'espaces d'aménagement, de décision et de ressources de résistance.

Et pour offrir un solide socle à l'édifice de la salutogenèse, dix vaillants conseillers nationaux ont présenté la  motion déposée au Conseil National le 20.6.2020 : « Prévention, traitement et suivi des épidémies et pandémies. Promouvoir la salutogenèse et prendre en compte les médecines complémentaires.

Au point 3, nous pouvons lire leur volonté de « lancer un mandat de recherche spécifique sur les approches thérapeutiques fondées sur la salutogenèse et les médecines complémentaires, qui tiendra également compte des approches fondées sur la médecine alternative non médicale et la thérapie complémentaire, et de libérer les fonds nécessaires à cet effet ».

Devant la pauvreté des traitements des malades porteurs du sars-covid 19, il est temps de nous pencher sur un traitement en vue de soutenir et de renforcer l'état global des organismes plutôt que de se limiter à des mesures de sécurité.

 Marie-France de Meuron

source :  mfmeuron.blog.tdg.ch

 reseauinternational.net

 Commenter