17/09/2020 2 articles tlaxcala-int.org  37 min #179372

Reprise du procès de Julian Assange : l'avenir du journalisme d'investigation en question

Eléments sur l'installation d'une dictature en Europe : Julian Assange face à l'Old Bailey, 7-10 septembre 2020

 Monika Karbowska Моника Карбовска

Le voyage en Europe

Ce difficile voyage en Europe du 3 au 11 septembre 2020 fut à bien des égards un exploit.

Je n'aurais jamais pu imaginer, lorsqu'il y a un an je décidai de voir de plus près les tribunaux anglais ou Julian Assange devait comparaitre, que l'année d'après je parcourrai les familières routes de l'Europe dans une atmosphère d'apocalypse sanitaire, de tension politique intense et de destruction d'un mode de vie, de valeurs, de systèmes juridiques, de tout ce qui a fait notre culture.

Je suis obligée de placer le procès de Julian Assange dans ce contexte de cette forme de suicide collectif de nos sociétés qu'est en réalité la « crise du coronavirus » et de lier les deux phénomènes, même si certains penseront que c'est exagéré, et que la persécution d'un homme innocent n'a rien à voir avec l'ambiance sourde de peur dans laquelle nous sommes des millions à vivre depuis 6 mois.

Tant pis.

Ceci est ma vision et mon analyse.

Le peu de liberté d'expression qui nous reste, je l'utilise pleinement et sans masque avant qu'ils ne soient en mesure de nous bâillonner et nous enfermer pour de bon.

Je quittais la France avec soulagement le 3 septembre en ayant l'impression, pour la première fois de ma vie, que le pays ou j'ai choisi de vivre il y a 28 ans s'est transformé en hôpital psychiatrique à ciel ouvert.

Le cynisme des politiques disputait la palme du prix de la violence avec une hideuse dictature policière et hygiéniste imposée à coup de décrets illégaux par des préfets autoritaires dans la plus pure tradition de Vichy.

L'Occident a déjà connu beaucoup de périodes de folie - la dernière et la plus destructrice fut la folie collective du fascisme et de la guerre des années 1930 et 40, mais 1914 -18 comme suicide collectif de la culture européenne fut marquant également.

On a accusé les Yougoslaves des années 1990-98 de « suicider leur Nation », mais les Occidentaux d'aujourd'hui ne peuvent plus servir de modèle de démocratie et de raison pour personne ! La date fixée pour le lancement du jugement de Julian Assange m'a frappée, le 7 septembre 2020 étant le septembre 2020, jour du 80 anniversaire du début du « Blitz » - l'opération « Seelöwe », invasion programmée de la Grande Bretagne par Hitler, remplacée in extremis par 57 jours et nuits de bombardements continus des maisons et des usines britanniques par l'aviation nazie.

Cette date est aussi le symbole de la Résistance du peuple anglais au fascisme, et le début de la fin de la marche victorieuse du nazisme allemand sur l'Europe.

Si les élites britanniques ont décidé de jeter un voile d'oubli sur cette date, elle ne m'a néanmoins pas échappé grâce à des auteurs comme Joshua Levine i.

Imposition du masque obligatoire partout dans les rues, les parcs, les jardins, les champs de la banlieue, les bureaux, les ateliers, les transports, les magasins, les rares lieux culturels et sociaux encore résistants...

22H sur 24 pour de nombreux prolétaires.

Port du masque muselière empêchant de respirer et de s'exprimer pour tous les enfants et les jeunes de France, chicanes et punitions pour ceux qui demandent à avoir leur mot à dire.

Des enfants exclus des école pour cause de pseudo tests covid, privés d'éducation suite à de fermetures d'école complètement illégales aux regards de la Convention de l'ONU des Droits de l'Enfant sans parler de notre Constitution et autres textes fondamentaux...

Interdiction policière des rassemblements et manifestations.

Paris ville vide à nouveau, car personne n'a envie de se promener avec la muselière la peur au ventre de voir les flics débouler pour te coller une amende pour physique non adéquat.

Les bars du bord de Seine de nouveau vides de jeunes alors même que ce sont les rares lieux ou on peut enlever pour 1 heure ou 2 notre symbole de soumission à Macron et à l'idéologie covidienne.

Comment tuer économiquement, socialement et politiquement une ville, une nation, un pays.

Je sentais l'ambiance lourde de menaces policières et je me réjouissais à l'idée de m'aérer ailleurs.

Mais je n'avais pas encore vu l'état réel de l'Europe...

L'Allemagne décrète l'embargo sur la France
La veille de mon départ je consulte le site de l'ambassade allemande en France et j'ai la désagréable surprise de lire que notre puissant voisin a décrété la France zone pestiférée et imposé une quarantaine aux voyageurs venant de l'Ile de France, du Midi et des Antilles.

Comment les Allemands comptent ils vérifier qui vient d'où sachant que les transports collectifs (trains et bus) pour chez eux partent de Paris ? Le site du gouvernement allemand ne fournit pas de détails.

Comme toujours dans l'affaire du covid le discours médiatique et la violence réelle de la police tiennent lieu de Loi, l'Etat de droit a été relégué dans nos pays au rang de souvenir des « temps anciens » par opposition au « Nouveau Monde » que la gauche espère toujours voir naitre spontanément comme enfant de la « crise du covid ».

La réponse m'est donnée le lendemain dans la lourde atmosphère de cris, d'insultes et de tension qui règne à la gare low cost de Bercy désormais dans les mains de l'entreprise monopoliste allemande Flixbus.

25 personnes attendent de pouvoir monter dans le Paris-Berlin, dans la saleté d'une gare jamais nettoyée et en étouffant sous le masque obligatoire obstruant les voies respiratoires, alors que les deux chauffeurs de bus polonais leur crient directives et menaces dans un mauvais Anglais.

Nous attendons une heure debout comme un bétail docile qui ne sait pas à quelle sauce il va être mangé.

Les chauffeurs nous interdisent de mettre nos sacs dans la bagagerie du bus car à cause de nouvelles « mesures » de l'Allemagne déclarant la France « zone rouge » nous devons d'abord montrer nos papier d'identité aux chauffeurs et remplir une curieuse attestation « Passenger Locator Card ».

Cette feuille de papier A4 parle de « special rules » (normes spéciales) qui s'appliquent désormais aux voyageurs de France déclarée « high risk area» (zone à haut risque) par les « autorités de l'Allemagne »(qui ?).

Nous devons remplir le formulaire car omettre ou cacher des informations peut être puni d'une « amende de 25 000 Euros ».Le formulaire exige de savoir d'où nous venons, nos noms et dates de naissances, notre nationalité, notre numéro de téléphone, l'adresse ou nous allons rester et les adresses ou nous voilons nous rendre les 14 jours prochains.

En bas je distingue un questionnaire de « santé covid » - avez-vous de la fièvre, de la toux, perte de gout et d'odorat.

La dernière question exige de savoir si on a eu le test du covid, quel a été son résultat et dans quel pays il a été fait !
Les gens sont comme sonnés par la violence de la charge, pressentant l'illégalité monstrueuse de la chose, mais ne pouvant se défendre car otage de la firme Flixbus qui peut leur refuser de voyager.

Un homme néanmoins proteste qu'il a payé son billet et qu'il n'est pas question qu'il ne monte pas dans le bus.

Les deux chauffeurs polonais, un homme et une femme, sont visiblement terrorisés eux-mêmes mais remplissent leur rôle de kapos en criant violemment sur l'homme, en appelant des agents de sécurité privés de la gare et en menaçant que la « Polizei » va s'occuper de lui à Berlin s'il ne remplit par le formulaire.

Je suis très inquiète et excédée, d'autant plus qu'une Ukrainienne mal élevée me pousse dans le dos pour me passer devant.

Mais je calme le jeu en parlant doucement en Polonais aux deux chauffeurs.

Mes mots amènent un peu d'humanité dans cette folie et la femme finit par faire son job et enregistrer les voyageurs, leur bagages et les installer dans le bus.

Elle finit par nous faire remplir les formulaires et nous les prend des mains (je ne remplis pas les adresses et ni la partie « avez-vous eu le covid ».

Après tout j'ai acheté un billet pour la Pologne, l'Allemagne n'est qu'un transit).

Nous partons soulagés.

Alors que Flixbus a condamné les toilettes pour cause de « coronavirus », le chauffeur polonais finit par se comporter en vrai professionnel : il sait qu'ils transportent des humains et pas une cargaison de bétail dans un wagon plombé sur 1300 km du Paris-Berlin.

Une fois loin de Bercy, il ouvre la porte des toilettes pour nous permettre de les utiliser.

Il s'arrête même dans la nuit sur une aire d'autoroute pour une pause interdite par son employeur.

Tous les masques tombent au cours de la nuit, et je suis soulagée de voir le visage marquée mais humain de la femme chauffeur si stressée.

Violations des Droits en Europe
J'examine alors le formulaire de Flixbus et toutes les violations des lois me sautent aux yeux immédiatement.

Le formulaire ne mentionne aucune institution : quelle institution a décrété en Allemagne la France « high risk zone » ? Sur quelle base légale ? Un décret ? Une Loi ? Une circulaire ? On n'a pas le droit de menacer les gens de punition ni d'amende simplement comme ça sur une feuille de papier sans aucun en tête d'institution publique et de faire porter la responsabilité des menaces aux employés de l'entreprise privée, ici Flixbus.

Flixbus en tant qu'entreprise privée se rend coupable de nombreuses violations de droits en obligeant ces clients à lui fournir des informations aussi sensibles que l'état de santé de ses clients (« avez-vous eu de la toux, de la fièvre, aves vous fait le test covid et quel a été le résultat » ?), leurs adresses de résidences dans plusieurs pays, leurs numéros de téléphone.

Je soupçonne que la « Polizei » qui sert d'épouvantail est un storytelling destiné à nous faire peur, comme souvent aussi bien dans l'affaire Assange que dans l'affaire du Covid.

En effet, nous passons la frontière sans aucun contrôle de la police aux frontières qui elle n'a pas l'air d'avoir envie de participer des mesures arbitraires de la folie « covidienne».

Elle laisse cela aux employés de Flixbus...

Nous avons deux heures de retard lorsque nous arrivons à Berlin le lendemain matin.

Il ne me reste qu'une heure pour mon bus pour la Pologne.

Mais alors que nous arrivons au ZOB «(Zentraler Omnibus Banhof), un événement inquiétant se produit : le bus rentre dans le parking de la gare, tourne un peu puis ressort.

Les voyageurs se lèvent de leur siège inquiets : où sommes-nous donc conduits, enfermés que nous sommes dans cette boite de métal ?
Le bus contourne l'espace du ZOB et apparait alors un espèce de « camp » composé de tentes blanches derrière des barrières de sécurité gardées par des hommes en uniforme.Plus tard je verrai que le camp était estampillé « Deutsches Rotes Kreuz », Croix Rouge allemande.

Le bus cale devant le camp sans cependant ouvrir la porte et les « policiers » s'approchent.

Les voyageurs ont un mouvement de panique.

La chauffeur polonaise a peur.

Elle lâche « Polizei Polizei », crie que nous n'allons pas sortir si nous n'obéissons pas et si nous ne faisons pas le test du covid, tout en nous redistribuant les fameux formulaires.

En fait de police, ce sont des agents de sécurité privés, des migrants visiblement.

Je me tourne vers la chauffeur et je lui dis en Polonais que je ne vais pas en Allemagne mais en Pologne et qu'en l'occurrence forcer les gens à faire un test médical est illégal.

Son collègue ouvre alors la portière et tout va très vite.

Je sors la première et je cours vers l'agent de sécurité privé.

Je lui crie en Allemand, mon billet à la main « Je ne vais pas en Allemagne mais en Pologne, mon bus part tout de suite ! » Il me regarde dans les yeux et il a compris que j'ai compris : « prends tes bagages et sauves toi» me crie-t-il.

Je ne demande pas mon reste, j'attrape mon sac à dos et je cours de toutes mes forces pour mettre le plus possible de distance entre moi et le bus.

Je rentre dans le parking du ZOB en courant.

Un homme s'approche alors de moi et me demande si je « viens de Paris ».

Je prends peur qu'il ne soit un flic en civil et je dis « nein » ! A tout prix ne pas être identifiée à la France, le pays des pestiférés !
Je ne peux me reposer que quand je constate que la vie se déroule à peu près normalement dans cette grande gare de la capitale de l'Allemagne.

Quasiment pas de masques, sauf dans les bus au moment de monter, une pizzeria qui fonctionne, des voyageurs qui se comportent normalement, loin de la folie dans laquelle nous vivons depuis 6 mois en France.

Le bus pour la Pologne est presque vide, le chauffeur est détendu.

Une co-voyageuse polonaise de 70 ans me raconte sa vie dans la ville de Police, grande ville industrielle de la banlieue de Szczecin, haut lieu d'industrie chimique construite par la Pologne Populaire et privatisée au profit des oligarques allemands.

Elle me raconte que sa famille de « l'est », les territoires ukrainiens, ont reconstruit la ville des ruines, mais aussi utilisé les maisons et objets des anciens habitants allemands chassés par les décisions alliés de Potsdam.

En une heure j'ai droit à une belle réflexion humaniste sur la folie de la guerre, ceux qui en ont souffert de part et d'autre de la frontière germano-polonaise désormais sur l'Oder et sur la réconciliation entre les peuples.

Elle est fière de me raconter son histoire d'ouvrière polonaise et aussi de se dire « anticléricale » en m'annonçant le mariage non religieux de sa fille, ce qui pour une Polonaise est une marque importante de convictions de gauche.

La Pologne telle que cette femme me présente me remplit de bonheur et d'amour.

C'est cette Pologne que j'aimerais voir revivre dans la liberté et la dignité.

Nous nous trouvons dans une phase aigüe de la lutte - la dictature qui s'abat sur la vie personnelle de chacun fait qu'il n'est plus possible de fermer les yeux sur ce visage hideux du capitalisme.

Les groupes polonais sur Facebook « Stop à la dictature sanitaire » et « Commission d'enquête sur les abus de la dictature sanitaire » comptent des dizaines de milliers de Polonais qui s'éveillent brusquement à la vie citoyenne lorsqu'ils découvrent que les restes de leurs libertés personnelles sont abolis, que des gens meurent devant la porte des hôpitaux publics car les médecins refusent de les soigner « sans test covid rien n'est possible », que des enfant subissent des maltraitances et même tortures de la part des directeurs d'écoles quand ils ne supportent plus le masques 8 heures par jour.

Des enfants sont aussi déjà exclus des écoles immédiatement pour non-port du masque.

Les parents polonais doivent accepter que leurs enfants leurs soient enlevés et placés dans des « institutions » s'ils ont une fièvre ou un rhume...

ou sont privés d'école, grave violation de la Convention des Droits de l'Enfant de l'ONU.

Brusquement les citoyens, privés de droits citoyens se trouvent confronté à la nécessité de lutter pour cette citoyenneté et la révolte européenne à Berlin le 29 août dernier fut le coup d'envoi de cette insurrection.

Justement le formulaire obligatoire de Flixbus viole plusieurs droits garantis par la Charte Européenne des Droits Fondamentaux : l'article 3 qui garantit le droit à l'intégrité et notamment le « consentement libre et éclairé » de la personne « dans le cadre de la médecine et de la biologie », l'article 6 garantissant « la liberté » - (que dire d'une pratique consistant à amener des personne captives dans une boite de métal pour un test forcé autre que c'est une privation de liberté ?).

Ensuite vient l'article 45 garantissant « le droit de circuler et de séjourner librement dans l'espace de l'Union » et enfin, l'important article 8 sur la « protection des données personnelles » stipulant que la récolte des données personnels ne peut se faire que dans le cadre de la Loi et sur la base du consentement de la personne et avec garantie d'accès à ces données ii.

Flixbus n'a absolument AUCUN droit de rassembler en tant qu'entreprise privés ces données personnelles sur la santé et les lieu de circulation des citoyens voyageant dans l'UE.

Mais il y a tellement de Droits Fondamentaux Humains violés depuis la privation de liberté de 400 millions d'Européens appelée « confinement » par la propagande covidienne que toutes les digues entre démocratie et dictature sautent facilement...

De même ces pratiques arbitraires violent les articles 3 de la Déclaration Universelle des droits de l'Homme(droit à la liberté), l'article 13 (droit à la liberté de circulation), l'article 12 (protection de la vie privée) iii.

Même le Traité de Lisbonne que nous avons tant critiqué à gauche est allègrement violé, notamment l'article 2 assurant « la libre circulation des personnes » iv! Le Pacte des Nations Unies relatifs aux Droits Politiques et Civils a été également violé par la politique de l'enfermement pseudo sanitaire des population (article 12 garantissant la liberté de circulation dans le cadre de son pays) tandis que les tests covid obligatoires violent l'article 7 du Pacte « En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique ».

De plus, si le Pacte permet des dérogations exceptionnelles en cas de menace « grave sur la vie de la Nation », elles ne peuvent être que limitées dans le temps et surtout ne concernent pas des articles aussi fondamentaux que l'interdiction d'expériences médicales...

Il faut aussi souligner combien la politique d'embargo à laquelle l'Allemagne soumet la France avec le pseudo argument sanitaire est aussi une violation de l'égalité entre les Etats censés être garantie par les Traités Européens...

Le peuple français est présenté par la propagande des Etats puissants tels l'Allemagne comme dangereux pour la « santé » de l'Europe comme s'il était porteur de la maladie contagieuse de la révolte ! En septembre 2020 plane sur l'Europe le spectre du système de Vienne de 1815quand les royaumes réactionnaires se sont ligués pendant 100 ans pour isoler la France coupable de Révolution ! Dans cette ambiance de folie il n'est pas étonnant que la ville de Szczecin, anciennement grand port industriel, maintenant enclavée et décrépie, m'a semblé ce 4 septembre 2020 un havre de paix.

Je n'oubliais pas pourtant que les seules protestations lors de la fermeture de toute l'Europe en mars et avril ont eu lieu justement ici : dans les villes de la frontières germano-polonaises, des citoyens désespérés ont bravé la police dans des manifestations interdites car la fermeture de la frontière avait privé ces travailleurs transfrontaliers de moyens de subsistance.

Priver l'humain de moyen de subsistance : encore une violation de la Déclaration Universelle des Droits de l'Hommes dont les articles 23 et 25 garantissent le droit au travail et le droit à un revenu décent !
La Fin de l'Etat de droit en Europe ?
Devant tant d'arbitraire je n'étais pas du tout assurée de pouvoir retraverser l'Europe du Nord et arriver en Angleterre pour le procès de Julian Assange alors que je quittais Szczecin accompagnée de la militante de gauche polonaise Basia W..

La route familière Pologne- Allemagne- Pays Bas- Belgique- France que je connais par cœur depuis que je suis née m'a paru brusquement jalonnée d'embuches et de dangers.

Avant de partir nous remplissons le formulaire obligatoire pour rentrer en Grande Bretagne comportant nos numéros de téléphone, nos adresses de résidence et de séjour et les numéros de proches « à contacter si jamais vous avez contaminé quelqu'un avec le coronavirus » alors même que nous ne sommes pas en tant que Polonaises soumise à la quarantaine.

Si le trajet Szczecin-Berlin a été sans problème, Berlin sans touristes, restaurants vides un samedi soir du premier week-end de septembre m'a paru étrange et sinistre.

Les habitants, même révoltés, même libre de masque dans la rue, même sans les annonces alarmistes dans les transports (« contre le coronavirus ensemble restons mobilisés » du métro parisien font étrangement écho aux attentats terroristes de 1995), restent calfeutrés chez eux.

Le bus Berlin- Rotterdam était donc presque vide aussi.

Conduit par un chauffeur polonais effrayé comme ceux de la route Paris- Berlin, notre bus fut stoppé en rase campagne en pleine nuit par une voiture banalisée.

Nous avons été sommés de sortir et alignés en rang par deux grands hommes blonds en civil et en armes comme les baqueux français.

Dans cette ambiance angoissante nous ne savions même pas ou nous nous trouvions, en Allemagne ou aux Pays Bas.

Les hommes, sans aucune insigne de police, (ils auraient pu très bien être des coupeurs de route ou des mafieux) interrogeaient les voyageurs sur leur lieu de destination à Rotterdam et sur les raisons de leur voyage et séjour.

Arbitraire et totalement illégal, surtout qu'ils ne sont pas une Police des Frontières.

Une mère de famille qui avait laissé ses trois petits enfants dans le bus est sommée de les extraire afin de les présenter aux « flics » à l'extérieur.

Avant mon tour je demande au chauffeur polonais comment il a su que ceux qui lui ordonnent de s'arrêter en pleine nuit sont bien des policiers, car « ça fait peur de les voir comme ça vous arrêter sur la route».

Le chauffeur désigna le panneau lumineux qui s'allumait à l'arrière de la voiture « police follow me », qui me parut bien léger comme signe de reconnaissance.

Il ajoute : « Et encore, vous n'avez pas vu ce qu'ils sont capables de faire ! Lors de mon trajet précédent ils nous ont alignés avec les bagages comme pour nous fusiller » ! Le mot est prononcé, l'inquiétude monte.

Ayant peut-être entendu cet échange, le baqueux hollandais entrouvre sa veste et apparait alors un un logo censé représenter son corps de police, mais toujours sans aucun numéro d'identification.

Lorsque vint mon tour, l'homme vérifie ma carte d'identité polonaise, me demande ou j'habite et ou je vais et ce que je vais faire à Rotterdam.

Rien, je vais à Londres chercher du travail, comme tant de migrants polonais.

Et combien de temps allez-vous rester en Grande Bretagne ? Réponse de migrant : tant que durera le travail.

Avec un tel interrogatoire, la liberté de circulation a bien cessé d'exister en Europe.

Dimanche matin la gare de Rotterdam, si proche du grand port qu'on entend les mouettes crier, a des allures de monstre de verre capitaliste.

Elle ressemble au hideux quartier de Bruxelles ou sont concentrés les institutions de l'Union Européenne.

Nous sommes pourtant heureuses de découvrir un café sans masques et sans folie hygiéniste: si la police néerlandaise protège son pays des intrus, c'est bien parce que les élites très mondialistes de ce pays ont la faculté de protéger leurs propres citoyens de la folie régnante ailleurs.

Les gens vivent donc normalement aux Pays Bas et dans le Flixbus qui arrive deux heures plus tard pour nous emmener à Londres en passant par Lille et Calais l'atmosphère pesante et violente propre à la France et un peu à l'Allemagne s'est estompée.

Seuls quelques jeunes font figure d'acharnés du masque mais il faut dire que justement, étant en pleine santé, ils ne se rendent pas encore compte à quelle contrainte ils soumettent leurs poumons en respirant sous le tissu de fibre synthétiques.

A Lille de nombreux voyageurs français montent dans le bus et nous voilà partis vers la dernière étape du trajet qui me semble la plus difficile : le passage à Calais devant la police britannique et française avant le tunnel de l'Eurostar.

Depuis mes 14 voyages pour le procès de Julian Assange je connais les lieux, pourtant tout me parait bizarre depuis que l'hystérie autoritaire de la « coronaguerre ».

Les policiers français heureusement ne font pas de zèle.

Alors qu'ils sont jeunes, ils sont fatigués sous leur masques 8 heures par jour derrière leur guérite en verre et enlèvent leur accoutrement dès qu'une occasion se présente.

Nous enlevons le nôtre pour leur présenter nos visages.

Nous sommes comme les femmes saoudiennes qui gardent l'abaya noire en permanence mais doivent bien soulever un pan du « secret » pour montrer leur visage aux contrôle frontalier.

Nous sommes fatigués de trainer nos bagages afin de le faire passer dans le scanner de contrôle.

Puis nous remontons dans le bus et redescendons pour le contrôle anglais.

Surprise.

Le passage que j'ai tant redouté se déroule sans encombre : les policiers britanniques ne contrôlent pas du tout les fameuses attestations ! Même les voyageurs français en théorie soumis à la quarantaine ne sont pas inquiétés ! La fameuse quarantaine s'avère donc être un storytelling de plus ! La police britannique dit à ma collègue polonaise quelque chose sur la quarantaine qu'elle ne comprend pas bien mais le papier qu'elle lui remet renvoie au site internet  visas-immigration.service.gov.ukcomportant le formulaire que nous avons déjà rempli.

Nous sommes donc en règle vis-à-vis de l'administration britannique.

La suite du voyage se déroule sans problèmes, nous traversons le channel, roulons sur l'autoroute du Kent dans l'après midi et arrivons à Victoria Coach Station dans la soirée du dimanche 6 septembre.

La City of London Corporation n'est ni la ville de Londres ni la Grande Bretagne
Dans la soirée nous nous installons dans l'appartement loué dans le centre de Londres, non loin de la Old Bailey, le tribunal ou doit avoir lieu le procès et nous décidons de voir de quoi ont l'air les lieux.

Il est plus de 21 heures lorsque nous nous faisons le tour de la Old Bailey : un énorme complexe de plusieurs bâtiments entourés de non moins imposants immeubles de bureaux de banques et autres entreprises sous lesquels se trouvent de profonds souterrains visibles aux immenses portes d'entrées de camion.

La Old Bailey est ainsi composée d'un bâtiment du 19 siècle que jouxte un bunker austère des années 60.

Il y donc déjà en façade deux porte d'entrées - celle du tribunal Central Criminal Court a l'air de recevoir des visiteurs car des barrières en délimitent l'entrée et une vitrine affiche les audiences de la journée du vendredi 4 septembre.

Une porte cochère fermée barre la porte cochère du « Warwick passage », un passage qui mène à l'arrière de la Old Bailey.

Nous faisons le tour du pâté de maison, photographions une église du 17 siècle et la « Amen Court », un petit quartier de maison du 17 siècle qui ont survécu à l'arrière de la Cour aux bombardements nazis qui avaient sérieusement endommagé ce quartier central.

Nous nous retrouvons aussi à l'arrière du complexe, à la sortie du « Passage Warwick » - le complexe de la Old Bailey se présente comme un immense complexe aux larges et hautes fenêtres, certaines peuvent être des appartements et non des bureaux.

En effet, chose surprenante, cette nuit du dimanche il y a de la lumière dans les pièces du tribunal.

Les deux derniers étages, 4 et 5ème, sont même illuminés d'une étrange lumière bleutée.

Derrière le bâtiment se trouve un petit square avec un banc, un parking ainsi que l'entrée principale des salariés du tribunal.

En sortant du parking nous pouvons refaire le tour du complexe sur notre gauche et revenir vers la « Old Bailey » historique du 19 siècle avec sa haute tour et sa statue de la Justice au sommet.

Nous longeons alors la « Maison de la guilde des Couteliers » du 17 siècle avec ses inscriptions en Français qui fait partie du complexe et un bâtiment moderne dans lequel se trouvaient encore en juillet les bureaux de Axa.

Partout, à tous les coins du complexe, pas moins de 4 grandes portes cochères donnant sur des souterrains.

Par laquelle Julian Assange sera-t-il amené au procès ? Nous ne pouvons pas le savoir et les avocats n'ont évidemment donné aucune indication.

Nous photographions donc les lieux pour mieux nous préparer.

Au-dessus de toutes les portes se trouve le blason de la « City of London Corporation » - les deux lions ailés portant un casque au-dessus de la croix de Saint Georges rouge sur fond blanc.

En effet, la City of London Corporation n'est pas la Ville Londres, c'est l'enclave historique des banquiers et marchands, leur fief plus ancien que l'Angleterre et plus ancien que le Royaume Uni.

Julian Assange ne comparait pas ici devant un tribunal dépendant du ministère de la Justice britannique mais il est amené dans un lieu, un bâtiment appartenant à la City de Londres, la fameuse place forte des banquiers.

Car même si la Central Criminal Court est effectivement un tribunal britannique qui siège dans ce lieu, Julian Assange ne va pas être jugé par les juges officiels de la Central Criminal Court.

En réalité, dans la salle louée de la Old Bailey, nous ne sommes plus en territoire britannique.

Nous sommes dans la City.

En effet, la Cour Criminel Old Bailey appartient à et dépend de la City of London Corporation.

La City of London Corporation est le cœur historique de Londres depuis sa fondation par les Romains puis sous le règne des Anglo Saxons.

Elle est une association privée de commerçant et de banquiers.

Guillaume le Conquérant donne une série de privilèges à cette association appelée Cité de Londres, dont celui de pouvoir s'autoadministrer par Conseil des Sages « Le Court of Aldermen ».

Son successeur choisit de construire sa capitale dans la commune de Westminster qui devient ainsi la nouvelle capitale, aujourd'hui la ville de Londres.

La Cité de Londres, qui est une association d'affaires administrant un territoire, gagne en 1186 le privilège de choisir son maire le Lord Mayor of London.

Aujourd'hui le Lord Major of London est l'un des office électif les plus ancien au monde.

Il représente les intérêts du secteur bancaire établi dans le territoire de la Cité de Londres et des quelques résidents.

Il est de ce fait automatiquement Recteur de l'Université de Londres et Amiral du port de Londres ce qui lui donne un grand pouvoir indépendant du gouvernement de la Grande Bretagne.

La Corporation est le pouvoir suprême de la City incluant les plus riches de la Cité (Court Aldermen) et le Mayor lui-même.

Malgré le fait qu'il est censé faire allégeance au Couronne de Grande Bretagne, la cérémonie annuelle de Tempel Bar ou le Roi ou Reine doit attendre que le Mayor lui donne le droit d'entrer dans la Cité montre l'étendue de son pouvoir et prouve que la suzeraineté de la Reine d'Angleterre est purement symbolique.

Le Gouvernement de Grande Bretagne ainsi que le Parlement du pays n'ont aucun pouvoir ni réel ni symbolique sur le territoire de la City of London Corporation.

La Cour Old Bailey est administrée par deux sheriff s représentant les guildes bancaires de la Cité.

Le Major of the City of London est à la tête de l'administration de la Cour et il a la prérogative d'y siéger de droit également.

L'administrateur de la Mansion House, le siège du Mayor of City of London, est aussi le responsable de la Central Criminal Court.

Depuis 2017 le directeur exécutif de la Mansion House et de la Central Criminal Court est le financier Vic Annells.

Le Mayor of City of London est actuellement Alderman William Russel un banquier de la banque américaine Meryll Linch.

Les deux sheriffs élus en 2019 par leur pairs sont les banquier Alderman Michael Mainelli a été manager pour les fonds d'investissement anglo-américain de la City, pour des agences du ministère de la Défense et pour la Deutsche Morgan Grefell, et Christopher Hayward, sheriff est lié aux intérêts de la Chine en tant que chef du CA de la Sichuan Business Association.

Les deux sheriffs administrent la Criminal Court Old Bailey dont La City of London est propriétaire et doivent même y habiter le temps de leur mandat v.

Je connaissais ces informations avant de voir les lieux, mais je ne fus pas étonnée de lire sur le panneau d'affichage à l'entrée de la partie « bunker » de la Old Bailey que ce lieu a été producteur de la fameuse « Loi maritime » britannique - le droit établi dans ce tribunal gérait tous les bateaux de la marine anglaise et britannique pendant sa conquête du monde du Moyen Age jusqu'à aujourd'hui ainsi que les territoires des colonies britanniques.

Le droit maritime dépendant de la Old Bailey s'étendait aussi aux territoires établis et gérés par la Virginia Company of London vi, autrement dit aux 13 Etats fondateurs des Etats Unis.

La Constitution des Etats unis d'Amériques et leur Déclaration d'Indépendance du 4 juillet 1776 ne définissant pas le territoire des Etats Unis, ni leur langues, ni leur coutumes, bref, tout ce qui fait une Nation...

certains penseurs anglo-saxons estiment que les Etats Unis restent de iure (et de facto ?) une colonie de la City of London Corporation et ne sont donc pas un véritable Etat.

Certes indépendant du « roi anglais » comme le proclame leur Déclaration mais toujours dépendants des banquiers de la City of London Corporation ?
Julian Assange avait bravé les deux, le pouvoir royal de la Reine d'Angleterre et celui des Etats Unis d'Amérique (anciennes ?) colonies de la City of London.

L'accueil musclé de la City of London Corporation
Notre ballade effectuée, nous entrons dans une épicerie pakistanaise pour acheter de quoi dîner.

C'est alors que se produit l'attaque policière la plus lourde et musclée de tout notre séjour.

Deux policiers en uniformes entrent dans la boutique alors que nous nous approchons de la caisse.

Je suis étonnée, ils ne sont pas là pour un vol, nous allons justement payer nos achats.

Que se passe- t-il ? Un des policier somme ma collègue française d'abandonner ses emplettes et de sortir.

Nous ne comprenons pas ce qui se passe mais nous obtempérons, tellement on est habitués par réflexe à obéir à la police même lorsque ce qu'elle est fait illégal.

Je pense que c'est une erreur, surtout que l'homme, grand, blanc, jeune, musclé et roux, vêtu de noir, porteur d'une arme (taser ?) et de divers attirails nous dit de sortir « pour information ».

Mais voilà qu'une fois sortie devant la boutique, nous sommes toutes les trois encerclées par pas moins de 6 policiers, trois hommes et trois femmes, qui obéissent eux aux ordres d'un petit homme roux vêtus en civil et munie d'une oreillette et d'un talkie qui se tient à côté d'une voiture que nous n'avions même pas remarquée.

Nous sommes assez choquées, surtout qu'ils exigent de nous séparer et de parler à chaque flic séparément.

Nous sommes étrangères, ma collègue polonaise vient à peine de poser le pied en Angleterre la première fois, je m'inquiète pour elle.

La situation est très tendue et choquante.

Que nous reprochent ils ? D'avoir pris des photos de la Old Bailey au cours de notre promenade ! Je réponds qu'il n'est pas interdit de faire des photos de la Cour, il n'y a aucun panneau et d'ailleurs j'avais déjà fait des photos de tout le bâtiment en juillet dernier sans aucun problème.

Je savais bien qu'il y avait des caméras partout, mais comme ce n'est pas interdit, je ne pensais pas que les agents de sécurité privés qui surveillent les banques allaient illico appeler la police en voyant trois femmes déambuler devant la Old Bailey et lire le panneau d'affichage devant la porte ! Ce ne sont d'ailleurs pas des policiers de Londres.

C'est la police de la City of London Corporation.

Ils portent une casquette à damier blanc et rouge et le logo de la City s'affiche sur leurs uniformes.

Cela dit, ils sont jeunes et leurs habillement a bizarrement l'air flambant neuf.

Dans l'émotion nous ne le remarquons pas tout de suite, mais les trois jeunes femmes qui nous prennent à part, deux blanches et une métisse ont des coiffures très étudiées comme si elles sortaient d'un studio de coiffure pour tournage de film.

Celle qui me fouille arbore des petites tresses très compliquées à faire soi-même et à entretenir - dans les métiers de la sécurité, les femmes sont les plus souvent coiffées d'une queue de cheval facile et rapide à faire.

Ils exigent de voir nos pièces d'identité, nous sommes deux à ne pas les avoir sur nous, après tout nous sommes juste sorties faire un tour dans le quartier.

Ils nous disent que la carte bancaire suffit et recopient nos noms à partir de ces documents.

Puis ils exigent de voir nos photos.

Nous devons ouvrir les deux appareils que ma collègue polonaise avait utilisés.

« Qu'est-ce que c'est que ça » ? -me demande un des hommes en désignant la seule photo de mon appareil, deux fenêtres éclairées de la Old Bailey mais pouvant provenir de n'importe quel bâtiment.

Je réponds simplement « je ne sais pas, un bâtiment avec des fenêtres allumées ».

Un autre questionne ma collègue française sur la photo de l'Eglise Guilde Church of St Martin du 17 siècle de la rue Lutgate Hill.

Sa réponse est « c'est une église.

Des Polonaises s'intéressent forcément aux églises » ! Cela commence à faire très bizarre d'être interrogées comme ça.

Les flics ont bien cité rapidement quelque chose qui ressemble à un article de loi mais ils l'ont fait tellement vite qu'on n'a rien compris.

On se met à leur parler.

On est des touristes étrangères qui viennent juste d'arriver à Londres.

On a à peine mis le pied dans l'appartement de location et fait notre première ballade dans le centre de Londres.

On a fait des photos d'un bâtiment certes officiel, mais historique qu'il n'est pas interdit de photographier.

Alors ?
Alors les étranges policiers de la City of London nous disent que ce qui compte est « l'intention ! Et l'intention est de commettre un acte terroriste » ! En effet, sous le « Terrorisme Act» il est interdit de photographier un bâtiment ou aura lieu le lendemain « a very sensitive trial » (procès très sensible) ! Nous y sommes...

les flics de la City of London Corporation font la chasse aux soutiens de Julian Assange qui viendraient près de la Cour ! Cela commence à m'énerver et m'angoisser.

Je ne vais pas recommencer avec la répression illégale comme celle que j'ai subie en Grèce de 2009 à 2013.

Il faut qu'on sorte de cette situation ! Nous expliquons qu'on n'a fait que des photos touristiques de bâtiments historiques.

C'est la nuit, nous sommes trois femmes étrangères entourées de 6 flics bizarres qui ne se comportent pas en vrais professionnels mais en milice privé - oui la police de la City of London n'est pas une police d'Etat puisque la City of London Corporation n'est pas un Etat ni même une ville mais un curieux territoire hybride appartenant à des entreprises privés auxquelles la Reine d'Angleterre confère le privilège d'avoir leur propre police.

Nous ne sommes plus en Grande Bretagne, nous sommes dans un territoire géré par une association privée, d'aucun dirait une mafia.Quid de nos droits, alors que ce territoire n'a pas signé de convention bilatérales avec nos pays ? Nos consuls peuvent-ils nous aider ?
Lorsque le jeune interrogateur me pose la question pourquoi je photographie ces bâtiments modernes, je lui fais un cours d'histoire sur l'anniversaire du Blitz et les souffrances que la population de Londres a enduré sous les bombardements nazis.

Je suis sensible en tant que Polonaise dont le pays a été entièrement détruit par les nazis à cette terrible histoire de la destruction du cœur historique de Londres et de sa reconstruction après la guerre.

Je voulais montrer à ma jeune amie polonaise le contraste entre les restes de l'architecture du 17 siècle et les bâtiments reconstruits dans les années 50 et 60.

L'homme parait un peu impressionné par mon laïus et me fait un discours similaire sur sa famille pendant le Blitz.

En fait, je ne l'écoute pas, je stresse à l'idée de ce qui peut se passer maintenant.

En effet, ce n'est pas fini.

Ils cherchent quelque chose et se dévoilent vite.

Chacune de nous est séparément sommée de dire si elle connait Julian Assange et ce qu'elle pense de Julian Assange.

Et si elle vient pour le procès.

Pas question.

Nous répondons toute la même chose, nous sommes venus en tant que Polonaises chercher du travail et comme on est dans le centre-ville on fait un tour touristique.

La fliquette qui m'interroge est goguenarde.

Elle me demande ou on habite, je donne la rue.

L'appartement évidemment trop cher pour des migrantes.

Je lui réponds « c'est une opportunité », rajoutant qu'à mon âge j'ai plus d'argent que ma jeune collègue.

Elle me pose des questions sur le boulot que je vais faire, et quand je vais rentrer.

Elle insiste sur Julian Assange, je vois bien qu'elle ne me croit pas, j'ai la tentation de dire la vérité, après tout nous ne faisons rien de mal.

Nous ne violons aucune Loi en tant qu'association des Droits de l'Homme.

C'est eux qui violent les Lois en maintenant un homme en otage captif depuis des années et en le faisant juger par un pseudo-tribunal d'entreprises privées.

Au final toutes les trois nous finissons par dire « puisque vous nous dites que ce procès est sensible et qu'il est si important et qu'il n'est pas interdit d'y assister, alors oui, nous avons envie d'y aller » !
Ce n'est pas fini.

L'intimidation continue.

Alors que les jeunes flics semblaient avoir fini leur exercice de contrôle sur nous, le chef en civil qui se tient plus loin leur donne un ordre de continuer.

Voilà que la fliquette aux nattes bien arrangées se saisit de mon sac et commence à me sortir une tirade sur les articles de loi anti terroristes selon lesquelles elle va me fouiller.

Elle ne se présente pas et n'a pas de numéro d'identification sur elle, contrairement à ce que la Loi selon laquelle elle prétend agir exige (comme le montre leur propre attestation ci contre).

Une fouille au corps ici dans la rue me semble bizarre et inappropriée.

Je saisis mon téléphone et je commence à composer le numéro du consulat polonais.

Je lui dis « puisque vous m'accusez de terrorisme, cela commence à être sérieux.

Je ne comprends pas ce que vous dites.

J'ai droit à l'assistance d'un interprète et d'un avocat.

Je téléphone donc à mon consul pour que le consulat polonais nous prête assistance ».

La jeune femme bafouille et fait marche arrière : « non, vous n'êtes pas accusé de terrorisme, mais en vertu de la Loi terrorisme Act nous pouvons contrôler votre sac et vous fouiller dans la rue » ! Je réfléchis.

Après tout nous n'avons vraiment rien dans nos sacs.

Je décide de me laisser faire.

La femme met des gants et procède à une palpation de sécurité malhabile et pas très professionnelle.

La femme qui fouille ma collègue française fait tellement mal son travail que sa palpation s'apparente à une agression sexuelle.

Je suis inquiète pour mon amie polonaise qui a subi en 24 heures 2 contrôles musclés de flics à peine arrivée dans le pays depuis 2 heures ! La rousse aux tresses ouvre mon sac et en sort tous les objets.

Elle regarde mon agenda à la date du 5 et du 6 septembre, inspecte le roman érotique en Français j'ai avec moi comme porte-bonheur (« c'est quoi » ? « un roman érotique »).

S'ils s'attendaient à des affiches ou tracts pour Assange, ils sont déçus, il n'y a strictement rien dans mon sac et heureusement.

Cela dit des policiers professionnels cherchent des armes ou de la drogue, et ne passent pas leur service à inspecter des agendas personnels et des livres comme s'ils étaient déjà devenus une police politique de la pensée.

Finalement, la fliquette rousse remet mes objets dans mon sac, mais un des hommes, un de ceux qui décident, sort et exhibe mon Gilet Jaune toujours dans la poche de mon sac.« Qu'est-ce que c'est » ? Il est ironique.

Il cherche à me faire avouer que je fais partie du mouvement des Gilets Jaunes.

En Occident la police politique a commencé.

Je lui dis tranquillement « un gilet jaune pour le vélo ».

Je me tiens prête à appeler le consulat si jamais cela dégénèrerait.

Enfin, c'est fini, les élèves flics n'ont rien trouvé.

Elles nous demandent si on veut des attestations de la fouille.

Oh que si ! Pour avoir la preuve que vous n'avez rien trouvé ! Pendant que les fliquettes s'appliquent à remplir un formulaire des plus succincts qui ne raconte aucunement la brutalité psychologique de leur intervention sur nous, l'homme en civil décideur fait mine de parler de fouiller notre domicile.

Là je m'énerve et je lui dis « Non.

Pour cela vous devez présenter un ordre écrit».

Il n'insiste pas.

Visiblement, tout cela est bluff et storytelling destiné à nous impressionner.

Il n'a aucun document nous incriminant pour aucun délit.

Photographier la Old Bailey n'est pas interdit et si cela l'était cela doit être visible par écrit.

Photographier un bâtiment n'est pas synonyme de préparation d'attentat terroriste.

Elles vont loin cependant, dans l'intimidation, les polices privées de Lord Mayor de la City of London.

La policière métisse qui inspecte notre collègue française finit par lui dire, alors qu'il nous démange de leur poser la question cruciale « mais qui êtes-vous » ? « Nous ne sommes pas la police britannique mais celle de la City of London.

La City of London, c'est quelque chose de particulier.

Vous voyez le Vatican ? Nous sommes comme le Vatican.

Indépendant de le Grande Bretagne ».

Je pose aussi la question qui cible le pouvoir à mon inspectrice rousse.

Elle confirme : la milice de la City of London Corporation est indépendante du gouvernement britannique.

Nous sommes en territoire hostile, mais un territoire qui n'est pas un sujet du droit international, pas un Etat, mais une entreprise privée.

Ils nous relâchent.

Nous sommes sonnés et rentrons à l'appartement.

Le papier que ces « policiers » nous envoient ne mentionnent pas quel est le résultat de leur fouille dans nos sacs et sur nos corps.

Il est dit uniquement « des femmes ont photographié la Old Bailey la veille d'un procès sensible ».

Dès le lendemain matin la Old Bailey sera photographiée des dizaines de milliers de fois et aucun des supporters de Julian Assange ne sera inquiété.

C'est cette nuit qu'il ne fallait pas qu'on voit ce qui se passe à la Old Bailey.

Que se passait-il donc de si particulier cette nuit de veille du procès ?
Le papier de la police que nous récupérons dans notre boite mail ne donne aucun résultat de leur fouille, ce qui est inquiétant.

Par contre il stipule que bien que la police n'a le droit de procéder aux fouilles que si elle « des raisons de suspecter que tu a volé quelque chose ou que tu portes des armes offensives, des drogues ou quelques choses qui peut être utilisé pour un vol, un cambriolage ou pour commettre un dommage criminel ».

Visiblement l'objet que les milices de la City considèrent comme une arme possible est un appareil photo ! Bel exemple de mise en place d'une dictature que de pénaliser des preneurs d'images la veille d'un procès pour journalisme ! La dictature de milices privées en marche en Europe, il n'y a pas de doute !

iJoshua Levine « The secret story of the Blitz », Simon and Shuster, 2015, London
ii https://www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf
iii  http://www.textes.justice.gouv.fr/textes-fondamentaux-10086/droits-de-lhomme-et-libertes-fondamentales-10087/declaration-universelle-des-droits-de-lhomme-de-1948-11038.html
iv  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:12007L/TXT
v https://en.wikipedia.org/wiki/Michael_Mainelli
 https://www.cityoflondon.gov.uk/about-us/about-the-city-of-london-corporation/lord-mayor/lord-mayor-biography
 https://news.cityoflondon.gov.uk/city-of-london-corporation-appoints-new-executive-director-of-mansion-house--central-criminal-court
https://en.wikipedia.org/wiki/Lord_Mayor_of_London
 https://blog.6kbw.com/posts/the-central-criminal-court
vi  https://www.encyclopediavirginia.org/virginia_company_of_london
 britannica.com
https://fr.wikipedia.org/wiki/Virginia_Company

Courtesy of  Monika Karbowska
Source:  facebook.com
Publication date of original article: 17/09/2020

 tlaxcala-int.org

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