Par Cherif Aissat
Dans la première partie de la brève analyse de ce qui est proposé comme future constitution de l'Algérie ont été traités les articles touchant au droit de propriété pour montrer le crime en dépossession de la nation algérienne de ses richesses naturelles et biens publics.
Dans cette deuxième partie, sera argumenté la mise à la disposition des intérêts économiques et privés de la France de l'armée algérienne. Malgré tous les scandales auxquels sont mêlés ses colonels et généraux, l'armée algérienne est toujours dépeinte comme la « [d]igne héritière de l'Armée de Libération Nationale » dans le préambule lourd et peu solennel du texte qui sera soumis à référendum le 1er novembre 2020 prochain. [1]
L'intervention de l'armée algérienne en dehors de son territoire se fait sous certaines conditions parmi lesquelles la mise en œuvre d'un traité de paix en Afrique du Nord, l'action des troupes militaires algériennes avec les armées régulières des autres pays dissociées de toute milice privée ou paramilitaire et sous un commandement militaire unifié composé au prorata des forces engagées dans les opérations liées au conflit à résoudre.
En plus de mettre fin à un conflit, les objectifs de la participation de l'armée algérienne seront le rétablissement de la paix totale, l'augmentation de sa durée et la réduction des dépenses militaires nationales.
De quel nombre s'agit-il ?
Le texte qui sera soumis à référendum confirme que le sous-développement d'un pays vient d'en-haut, de ses décideurs, alors que le désir de liberté vient d'en bas, du peuple.
Le point 2 de l'article 91 du texte du référendum algérien du 1er novembre 2020 dit : « 2)- [le président] décide de l'envoi des unités de l'Armée Nationale Populaire à l'étranger après approbation à la majorité des deux tiers (2/3) de chaque chambre du Parlement » [2] sans précision du nombre sur lequel sera calculé cette fraction. Cette monumentale bévue dans le texte juridique fondamental confirme que confier la rédaction d'un corpus de lois à uniquement des juristes produira une catastrophe laquelle est une conséquence de l'absence de débats, concertations et de l'incompétence des auteurs.
Dans les pays développés, en plus d'être peu probable, cela est corrigée avec les excuses publiques de ses rédacteurs en marque de respect du peuple et le référendum décalé ; dans les sous-développés, au lieu d'invalider le processus, elle est soumise à approbation populaire. La diversion informationnelle, l'absence complète des généraux et ministres pour rassurer la nation, le silence sur l'effondrement monétaire en cours du pays, le gonflement médiatique de la réelle injustice par la détention d'innocents et l'escamotage de tout débat sur ce texte confirment que l'objectif du pouvoir algérien est de faire passer le référendum avec un résultat positif.
Vote de la constitution, le piège de la guerre, les utilités des Algériens et les vertiges des mathématiciens
Abordons concrètement cet aspect avec cette très importante hypothèse. Chaque Algérien en âge de voter a son ensemble de préférences individuelles et combinaisons individuelles de préférences classées.
100 % des électeurs algériens ont voté et ont accepté que ce texte soit leur constitution. 100 % des votants sont contre l'intervention de l'armée algérienne à l'étranger. 80 % des électeurs ont voté pour parce que l'islam est la religion d'État ou 95 % ont voté pour parce qu'ils pensent que la propriété privée est mieux protégée ou 97% ont voté pour parce que l'identité amazighe est niée. Avec ces taux, tous les Algériens se retrouveront avec une constitution qui bannit la gratuité de la santé et autorise l'armée algérienne à l'étranger.
Sachant que la santé sera contractualisée (privatisée),en allant à l'hôpital (santé publique) pour des soins de santé désormais non fournis, les Algériens malades seront obligés de s'adresser au secteur libéral (privé) qui les fera payer pour des soins non remboursables, alors ils déclencheront à terme des violences sociales.
Sachant aussi que la subvention pour le blé est supprimée et les autres suivront donc les prix des produits alimentaires de base augmenteront, par l'effet Giffen [3], une inflation en chaine s'installera, par conséquent d'autres violences éclateront.
Puisque les 100% des votants ont validé le texte avec intervention de l'armée à l'étranger à laquelle ils se sont opposés à 100% ; sur ordre du président de la France sur son « homologue » algérien qui peut être élu en vertu de « la majorité absolue des suffrages exprimés » de l'article 85 avec 0.5% + 1 des voix exprimées, des soldats algériens se retrouvent au Mali, Niger et Libye. En arguant une augmentation de son budget pour le G5 Sahel et la mise à disposition d'une aviation de combats plus importante, le président de la France retirera ses troupes au sol parce que la vie de ses compatriotes vaut plus que celles des Algériens,
Avec des violences sociales internes et une guerre qui deviendra intra et inter nord-africaine, c'est l'Algérie qui se retrouvera intégralement embrasée le long de ses frontières et sa partition deviendra la solution banale qui sera imposée comme en Yougoslavie, Irak, Soudan et Libye.
Ce sont les conséquences des utilités dans ces choix ou préférences qui ont donné des vertiges sans solution à des prophètes de la mathématique que sont, entre autres, John Von Neumann, Kurt Gödel et Frank Ramsey.
L'armée algérienne dans les opérations de maintien de la paix : un aperçu
L'article 31 du texte proposé à référendum dit : « L'Algérie peut, dans le cadre du respect des principes et objectifs des Nations Unies, de l'Union Africaine et de la Ligue des États Arabes, participer au maintien de la paix.»
Les opérations de maintien et/ou de consolidation de la paix entre dans l'application des Chapitres 6 et 7 de la Charte [4] des Nations Unies. Elles sont mentionnées dans le point 1 de l'article 12 du Chapitre 4 :
Tant que le Conseil de sécurité remplit, à l'égard d'un différend ou d'une situation quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte, l'Assemblée générale ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette situation, à moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande.
L'un des travaux les plus célèbres pour la paix dans le monde est celui de l'algérien Lakhdar Brahimi. Il porte le nom de Rapport Brahimi qui a été soumis au défunt Secrétaire général de l'ONU Boutros Boutros Ghali. à qui Le rédacteur de ce papier s'est adressé à Mr L. Brahimi lors de sa tentative avortée pour une transition pacifique en Algérie [5]
Les financements de ces missions sont faits à partir des contributions des États Membres classés dans des catégories ; la A est pour les gros donateurs comme les USA, la G pour les pays comme l'Algérie [6]. Le taux de l'Algérie est de 0.0276 pour 2020-2021 de son revenu national brut (différent du produit national brut). Sa base de calcul est 4668 $ de 2018 (équivalent de 603 152,28 dinars algériens au taux de change du 30 septembre 2020 ou plus de soixante millions de centimes par année et par Algérien) et c'est le revenu national brut par habitant. En contrepartie, les pays participants sont payés proportionnellement au nombre de personnes qu'ils mettent à disposition. Les opérations sont des sources d'entrée de monnaie internationale dans leurs réserves officielles, c'est l'un des motifs qui fait qu'elles soient prisées par les pays sous-développés.
Si pour la Libye et son conflit en cours, aucune mission n'est en œuvre ; ailleurs dans le monde, 13 opérations onusiennes liées à la paix sont opérationnelles. Parmi les plus anciennes, il y a celle de Chypre en service depuis 1964 et qui continue toujours. Chez les voisins de l'Algérie, il y a la MINURSO, mission pour le référendum au Sahara Occidental et la MINUSMA pour la stabilisation au Mali dénommée Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali [7].
La France et ses atouts en Afrique du Nord.
La France, puissance militaire, repêchée par les USA et le Royaume-Uni ont fait d'elle un membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Elle a intégré ses forces militaires du G5 Sahel dans le dispositif de la MINUSMA ce qui lui permet d'être payée par l'ONU. En tant que Membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, elle peut le convoquer pour des sessions extraordinaires qui serviront ses intérêts. Avec son droit de véto, elle peut empêcher toute action de dénonciation de ses actions en Afrique du Nord. En intégrant ses forces au sein de la MINUSMA, elle est vue comme une force de paix et non comme force d'occupation, ainsi elle bloquera toute initiative de libération des peuples du Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso et autres pays où elle est présente. Elle influencera les statistiques des victimes pour maintenir la qualification de conflit [10] dans ce qui se passe en Afrique du Nord et non de guerre. C'est exactement, ce qu'elle a fait avec l'Algérie à partir de 1955 quand Hocine Ait Ahmed tentait d'internationaliser la guerre de libération nationale.
Avec l'appui des décideurs algériens, c'est aussi ce qu'elle a fait durant la guerre civile des années 1990 en Algérie déclenchée par les généraux janviéristes.
Le président de la France sur tous ses chevaux
Après l'explosion au port de Beyrouth, le président de la France a été sur tous les fronts pour maintenir sa domination sur le Liban et être présent dans cette zone très riche et déstabilisée. Après le changement de dirigeants au Mali, il est, une autre fois, remonté sur ses chevaux pour s'opposer aux voix qui demandent le départ des forces françaises de l'Afrique du Nord. Trois actions internationales ont dénoncé cette présence : 1) Appel pour la libération de l'Afrique [8], 2) Initiative BRINA pour l'Algérie [9] et la troisième à l'adresse des chefs d'États restera dans discrète pour le moment.
Pour entrainer l'Algérie dans le désastre du G5 Sahel, le président de la France serait avec une très haute certitude parmi ceux qui ont imposé à l'Algérie de constitutionnaliser l'intervention de l'armée algérienne à l'étranger laquelle est une garantie au sens de la théorie du contrat.
Les budgets militaires des pays nord-africains et les conflits
Avant de présenter les chiffres et quelques-unes de leur interprétation, une question : En acceptant d'intervenir à l'étranger, est-ce que l'Algérie acceptera l'intervention de forces étrangères sur son territoire en cas de conflit armé interne, armé interne internationalisé ?
Source: Selection et consolidation à partir de Military expenditure by country, in millions of US$ at current prices and exchange rates, 1949-2019 © SIPRI, 2020. sipri.org. Consulté le 27 Sept 2020.
Brève lecture du graphique. En plus des options politiques de chacun des pays, la démographie et la surface du territoire, il y a les facteurs compétences, patriotisme des décideurs militaires et pressions françaises sur les dirigeants de ces pays. Dans le cas du Mali et du Niger, le fiducide (génocide monétaire de la France) à travers le Franc CFA est à estimer.
À cause du Sahara Occidental et des conflits potentiels aux frontières, l'Algérie et le Maroc se concurrencent en armement.
Le cas Algérie présente des particularités. Le fournisseur de son armement est la Russie. Les effets ravageurs de la dévaluation du dinar, des programmes du FMI et de la Banque mondiale ont fracassé l'armée algérienne.
Des informations additionnelles sur la destruction de l'armée algérienne par les dirigeants algériens sur les ordres du FMI et de la Banque mondiale sont dans notre adresse à son défunt chef d'état-major [11] et [12].
Les interventions militaires de l'Algérie dans les conflits internationaux
À son indépendance et en 1963, avec la rébellion dirigée par Hocine Ait Ahmed, l'Algérie a vécu son premier conflit interne qui s'est éteint avec l'accord sur la démocratisation obtenu. Cet accord a débouché sur un coup d'état, une répression des populations et la détention de Hocine Ait Ahmed.
Le premier conflit international de l'Algérie a été avec le Maroc en octobre 1963. Les forces armées algériennes ont intervenu dans les conflits internationaux : guerre du Kippour en octobre 1973 et au Sahara Occidental (Amgala) en 1976 après son occupation par le Maroc.
L'entrée en guerre de l'Algérie et le triomphe du président de la France
Sauf miracle [13], avec une telle peu probable future constitution marquée par la négation de son amazighité et les quelques problèmes cités, sans sagesse et lucidité des Algériens et de tous les Nord-Africains, l'Algérie entrera en guerre et ce sera la triomphe du président de la France qui a reconquis un territoire libéré par une révolution universelle.
Et comme le dit une expression kabyle dans le cas d'une vendetta, conflit ou guerre : « Thanina quittera la patrie » et espérons que sa destination sera le Canada.
Cherif Aissat
Première partie :
Algérie. Révision de la constitution ou la patrie au pied du président de la France.
Notes
[1] Journal Officiel Algérie. Projet de révision de la constitution. joradp.dz
[2] id.
[3] SIMONIN, Jean Pascal. Une interprétation de l'effet Giffen. persee.fr
[4] ONU. La Charte des Nations Unies et Statut de la Cour internationale de justice. un.org
[5] AISSAT, Chérif. Adresse à Lakhdar Brahimi sur le risque de guerre en Algérie.
[6] ONU. Taux effectifs de contribution au financement des opérations de maintien de la paix. undocs.org
[7] United Nations Peacekeeping. United Nations Multidimensional Integration Stabilization Mission in Mali. https://minusma.unmissions.org/en/resolutions
[8] Afrique du Nord : pour la dictature des libertés et la libération totale de ses nations. Appel. drive.google.com
[9] Initiative BRINA pour l'Algérie drive.google.com
[10] SIPRI. The independent resource on the global security. sipri.org
[11] AISSAT, Cherif. Éviter la grande dérive. Au chef d'état-major de l'armée.
[12] AISSAT, Chérif. Au chef d'état-major de l'armée algérienne.
[13] AISSAT, Cherif. Centre de Recherche sur la Mondialisation. Sauf miracle, l'Algérie aura sa guerre. https://www.mondialisation.ca/sauf-miracle-la-nation-algerienne-aura-sa-guerre-le-canada-et-les-possibilites-de-paix-en-algerie/5642586
La source originale de cet article est Mondialisation.ca
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