08/10/2020 les-crises.fr  7 min #180132

Selon Bp, l'ère de la croissance de la demande de pétrole est révolue

Source : BP

Source :  Bloomberg, Rakteem Katakey
Traduit par les lecteurs du site  les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Les perspectives énergétiques d'un grand groupe britannique envisagent des scénarios jusqu'en 2050

le virus, la politique gouvernementale et les changements sociétaux ayant un impact sur la demande

BP Plc (Public Limited Company; NdT) a déclaré que la croissance continue de la demande de pétrole est terminée, devenant ainsi la première super major à appeler à la fin d'une ère que beaucoup estimaient pouvoir durer encore une décennie si ce n'est plus.

La consommation de pétrole pourrait ne jamais revenir aux niveaux observés avant la crise du coronavirus, a déclaré BP dans un rapport publié lundi. Et même, selon son scénario le plus optimiste, la demande ne devrait pas dépasser un plateau « globalement stable » pendant les deux prochaines décennies, alors que la transition énergétique détourne le monde des combustibles fossiles.

L'affaiblissement

BP estime que la demande de pétrole pourrait déjà avoir atteint son pic

Source : BP

BP est en train de se détourner radicalement de l'orthodoxie. Depuis les patrons des géants de l'énergie jusqu'aux ministres des pays de l'OPEP, les dirigeants principaux de l'industrie ont toujours insisté sur le fait que la consommation de pétrole connaîtrait des décennies de croissance. À maintes reprises, ils ont décrit le pétrole comme étant le seul produit de base qui puisse satisfaire les exigences d'une population mondiale en pleine augmentation et d'une classe moyenne en développement.

Le géant britannique décrit un avenir différent, un avenir dans lequel la suprématie du pétrole est remise en question et finit par s'effondrer. Cela explique pourquoi, parmi ses pairs, BP a pris les mesures les plus audacieuses à ce jour pour aligner son activité sur les objectifs de l'accord de Paris sur le climat. Six mois seulement après avoir pris ses fonctions, le PDG Bernard Looney a déclaré en août qu'il réduirait la production de pétrole et de gaz de 40 % au cours de la prochaine décennie et qu'il dépenserait jusqu'à 5 milliards de dollars par an pour créer l'une des plus grandes entreprises d'énergie renouvelable au monde.

En effet, il considère que la consommation de pétrole a déjà atteint son maximum en raison de la pandémie, des politiques gouvernementales plus strictes et des changements dans le comportement des consommateurs. Selon les perspectives énergétiques de BP, la consommation devrait chuter de 50 % d'ici 2050 dans un scénario, et de près de 80 % dans un autre. Dans une situation de « Statu quo », la demande se redresserait, mais resterait stable à près de 100 millions de barils par jour pendant les 20 prochaines années.

BP n'est pas la seule grande compagnie pétrolière à adapter son activité à la transition énergétique. Royal Dutch Shell Plc, Total SE (Société européenne, Ndt) et d'autres en Europe ont annoncé des orientations similaires vers des activités plus propres alors que les clients, les gouvernements et les investisseurs réclament de plus en plus de changements.

Trois avenirs possibles

Le rapport de BP précède trois jours de réunions d'information en ligne qui débuteront lundi sur sa stratégie en matière d'énergie propre et de climat. Cette étude prend en compte trois scénarios, qui ne sont pas des prédictions mais qui couvrent néanmoins un large éventail de résultats possibles au cours des 30 prochaines années et constituent la base de la nouvelle stratégie annoncée par Looney en août.

L'approche « Rapide » prévoit de nouvelles mesures politiques entraînant une augmentation significative du prix du carbone. La trajectoire « Net Zero » (objectif neutralité carbone, NdT) renforce l'approche « Rapide » avec de grandes évolutions sociétales, tandis que la projection « Business-as-usual » (Statu quo) suppose que les politiques gouvernementales, la technologie et les préférences sociales continuent d'évoluer comme elles l'ont fait dans un passé récent.

Dans les deux premiers scénarios, le rapport montre que la demande de pétrole baisse en raison du coronavirus. « Elle se rétablit ensuite mais ne revient jamais aux niveaux d'avant la crise Covid », selon Spencer Dale, économiste en chef de BP. « Cela amène à l'argument selon lequel la demande de pétrole a atteint son pic en 2019. »

Cela contraste avec ce que beaucoup d'autres annoncent. Russell Hardy, directeur général du géant du commerce Vitol Group, a déclaré lundi que la demande de pétrole est destinée à connaître 10 ans de croissance avant un déclin constant. Il prévoit que la consommation reviendra à ses niveaux d'avant le virus d'ici la fin de l'année prochaine.

Les perspectives de BP l'année dernière envisageaient un scénario appelé « Davantage d'énergie », selon lequel la demande de pétrole augmenterait régulièrement pour atteindre environ 130 millions de barils par jour en 2040. Un tel scénario est absent cette fois-ci.

« La demande de pétrole va diminuer au cours des 30 prochaines années », indique BP dans le rapport. « L'ampleur et le rythme de ce déclin sont dus à l'efficacité croissante et à l'électrification du transport routier ».

L'impact de la Covid

La pandémie a fait voler en éclats la consommation de pétrole cette année, les pays s'étant confinés pour empêcher la propagation du virus. Si la demande s'est améliorée depuis, ainsi que les prix du brut, la crise de santé publique fait toujours rage dans de nombreuses régions du monde et les perspectives restent incertaines en l'absence de vaccin.

Selon BP, l'impact affectera l'activité économique et la prospérité dans le monde en développement, et en conséquence également la demande de combustibles liquides, et cela inclut des changements de comportement durables tels que l'augmentation du télétravail,. Cela signifie qu'il ne sera pas possible de compenser la baisse de la consommation déjà enregistrée dans les pays développés.

Dans le scénario « Rapide » de BP, on constate la chute de la demande de combustibles liquides à moins de 55 millions de barils par jour d'ici 2050, et à environ 30 millions par jour dans le scénario « Net Zéro ». La baisse se situe principalement dans les économies développées et en Chine. En Inde, dans d'autres régions d'Asie et en Afrique, la demande reste globalement stable dans le premier scénario, mais passe sous les niveaux de 2018 à partir du milieu des années 2030 dans le second.

Autres données des perspectives énergétiques :

Selon le scénario « Rapide », les émissions de carbone liées à l'utilisation de l'énergie diminuent d'environ 70 % d'ici 2050, tandis qu'elles diminuent de plus de 95 % avec le scénario « Net Zéro ». Le scénario du « Statu quo » (Business as usual) prévoit un pic au milieu des années 2020.

La demande concernant toute l'énergie primaire - les matières premières dont l'énergie est tirée - augmente d'environ 10 % dans les scénarios « Rapide » et « Net Zero » au cours de cette période, et d'environ 25 % dans le troisième scénario.

Dans le scénario « Rapide », les combustibles non fossiles représentent la majorité de l'énergie mondiale à partir du début des années 2040.

La croissance de la demande énergétique de la Chine ralentit fortement par rapport aux tendances passées, atteignant un pic au début des années 2030 dans les trois scénarios.

Les énergies renouvelables - à l'exclusion de l'hydroélectricité - sont multipliées par plus de 10 dans les scénarios « Rapide » et « Net Zero », leur part dans l'énergie primaire passant de 5 % en 2018 à plus de 40 % en 2050 dans le scénario « Rapide » et à près de 60 % dans le scénario « Net Zéro ».

La consommation de gaz naturel devrait rester globalement inchangée jusqu'en 2050 dans le cadre du scénario « Rapide » et en augmentation d'environ 35 % pour le « Statu quo ». La demande diminue d'environ 40 % d'ici 2050 pour le scénario « Net Zéro ».

Source :  Bloomberg, Rakteem Katakey, 14-09-2020

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