12/10/2020 ism-france.org  5 min #180296

L'expulsion « silencieuse » des Palestiniens de Jérusalem

L'ordre israélien de démolition d'une école laisse les enfants palestiniens dans une impasse

Par Shatha Hammad
9 octobre 2020 - Un tribunal israélien a rejeté jeudi un appel contre la démolition d'une école palestinienne soutenue par l'UE dans la ville occupée de Ramallah en Cisjordanie. Les autorités israéliennes avaient émis un ordre de démolition en septembre contre la nouvelle école primaire construite dans une zone connue sous le nom de Ras al-Tin, à l'est de Ramallah. L'ordre de démolition a été donné sous prétexte que l'école avait été construite sans permis dans la zone C de Cisjordanie. L'école, construite avec des briques et un toit de tôle, et sans portes ni fenêtres, avait accueilli 50 élèves âgés de 5 à 13 ans.

Les enfants palestiniens de l'école primaire de Ras al-Tin, à l'est de Ramallah, qui est menacée de démolition (Shatha Hammad)
Défier l'occupation

Noura al-Azhari, la directrice de l'école, a déclaré à Middle East Eye que l'école avait été ouverte au début de l'année scolaire, bien qu'elle n'ait pas encore entièrement équipée.
"Nous avons commencé l'année scolaire, bien que l'école n'était pas encore prête, afin d'offrir une éducation aux enfants qui devaient marcher environ 7 km et passer par une route de colons chaque jour pour aller à l'école du village d'al-Mughayer", a déclaré Azhari. "C'est une façon de défier l'occupation et de donner du pouvoir aux habitants de la région, qu'Israël menace constamment d'expulser".

Azhari a déclaré qu'avant l'ordre de démolition, les soldats et les colons israéliens avaient assailli l'école tous les jours, faisant voler des drones-caméras au-dessus de l'école et intimidant les enseignants et les élèves.
"Ils [les soldats] ont attaqué l'école tous les jours et ont confisqué nos papiers d'identité, pendant que les colons nous menaçaient et nous intimidaient", a-t-elle déclaré.

L'étudiant Zaid Salama, 13 ans, a déclaré qu'il avait dû parcourir de longues distances à pied pour atteindre son école avant que celle de Ras al-Tin ne soit construite.
"Nous étions très heureux que l'école soit construite. Cela a résolu tous nos problèmes", a-t-il dit à MEE. "Mais les [autorités] israéliennes ont rapidement décidé de la démolir. Notre joie s'est aujourd'hui transformée en chagrin et en indignation."

Salama a estimé qu'en plus de fournir une éducation, l'école garantissait la protection d'une partie des terres palestiniennes occupées contre la confiscation et la colonisation.
"Si l'école est ici, cela signifie que nous resterons ici et que notre expulsion sera difficile. L'école renforce notre existence", a-t-il déclaré.

L'amie de Salama, Malak Omar, 11 ans, a dit à MEE qu'elle avait "trouvé la sécurité dans cette école" parce qu'elle avait peur que les colons israéliens l'écrasent sur le chemin de l'école à al-Mughayer.

Omar a ajouté que "même s'ils démolissent l'école, nous en construirons une nouvelle", un sentiment largement partagé par les autres élèves. "L'école a encore besoin de portes et de fenêtres ainsi que d'une cantine, d'une cour de récréation et de toilettes", a-t-elle déclaré.

Les enfants utilisaient des toilettes éloignées appartenant à l'école, avant que les autorités israéliennes ne les confisquent.
"Nous voulons développer notre école, et pas qu'elle soit démolie", a déclaré Omar.

Une nouvelle leçon

Dans le cours de langue arabe, le professeur Baian Ba'arat a donné à ses élèves une leçon qui ne fait pas partie du programme d'enseignement.
"S'ils démolissent notre école, nous reviendrons et la reconstruirons", a-t-elle dit à ses élèves, avant de fondre en larmes.
"Bien que nous ayons peur et que nous soyons tristes, ce qui nous renforce en tant qu'enseignants, c'est de voir les élèves ignorer l'armée [israélienne] lorsque les soldats attaquent l'école, et continuer à suivre la leçon, ou parfois même se mettre à chanter", a déclaré Ba'arat à MEE.

Bien qu'elle ait dû faire face à de nombreux défis sur le chemin de l'école, Ba'arat a dit qu'elle insistait pour y aller tous les jours afin de soutenir les enfants, qui enduraient des difficultés au quotidien.


L'école menacée par l'occupation
"Ces enfants méritent tout le soutien du monde. Ils méritent de recevoir la meilleure éducation et le meilleur environnement scolaire, ainsi qu'un avenir brillant où ils pourront réaliser leurs rêves", a-t-elle déclaré.

Projet soutenu par l'UE

Selon Bassem Arikat, le directeur de l'enseignement du gouvernorat de Ramallah et d'al-Bireh, l'école a été construite dans le cadre d'un projet soutenu par l'Union européenne, pour répondre aux besoins des 50 enfants du secteur, qui devaient surmonter de nombreux obstacles pour rejoindre leur ancienne école.
"Le but de la décision de construction de l'école était d'apporter une certaine sécurité et stabilité aux enfants, mais les Israéliens ont refusé de nous accorder un permis de construire et ont émis un ordre de démolition contre elle", a-t-il déclaré. "Cela ne sert que le projet de colonisation et d'expansion [israéliennes]".

Arikat a souligné que l'école avait été construite sur une terre palestinienne donnée par un citoyen palestinien, qui avait réussi à obtenir des papiers officiels des autorités israéliennes prouvant qu'il était propriétaire de la terre.

L'école Ras al-Tin est l'une des 18 écoles construites dans la zone C. Les écoles de ces zones sont généralement appelées "écoles du défi", et sont soutenues par l'UE et d'autres organisations européennes.

Le soutien européen ne garantissait cependant pas la protection ou l'immunité de tels projets.

Source :  Middle East Monitor

Traduction : MR pour ISM

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