09/11/2020 les-crises.fr  10 min #181412

Aérosols : Scénarios quotidiens de propagation de la Covid-19 - Comment l'enrayer ?

Source :  El Pais, Mariano Zafra, Javier Salas
Traduit par les lecteurs du site  Les Crises

Les milieux intérieurs sont plus dangereux, mais il est possible de diminuer les risques si l'on se donne tous les moyens possibles pour combattre la propagation par aérosols. Nous allons voir les probabilités d'infection dans trois scénarios quotidiens en fonction de la ventilation, des masques et du temps d'exposition.

Six personnes se réunissent dans une maison, une d'entre elles étant contagieuse. 31% des foyers de contaminations connus en Espagne ont lieu lors de ce type de réunions sociales, surtout lors de rencontres avec la famille et les amis.

Indépendamment de la distance, si l'on passe quatre heures sans masques ni ventilation en parlant à voix haute, les cinq autres personnes seront contaminées (selon le modèle scientifique détaillé dans la méthodologie en fin d'article).

Si l'on utilise des masques, le risque se réduit à quatre contagions. Les masques en tant que tels n'évitent pas les contagions si l'exposition est très prolongée.

Le danger d'infection se réduit au-dessous d'une personne contaminée quand le groupe porte des masques, réduit la durée de la rencontre de moitié et pense à ventiler la pièce.

La Covid se propage dans l'air, surtout en intérieur. Elle n'est pas aussi contagieuse que la rougeole, mais les scientifiques reconnaissent à présent ouvertement l'importance de la contamination par aérosols dans cette pandémie, ces minuscules particules contagieuses qu'expire un malade et qui restent suspendues dans l'air dans les milieux clos. Comment fonctionne ce type de contamination ? Et surtout, comment l'enrayer ?

Aérosols : Ce sont des particules de diamètres inférieurs à 100 microns (micromètres) qui peuvent rester suspendues dans l'air pendant plusieurs heures.

Gouttelettes : Particules de diamètres supérieurs à 300 microns qui surmontent la résistance de l'air et tombent au sol en quelques secondes. Chaque goutelette libère environ 1 200 aérosols.

En ce moment, les autorités sanitaires reconnaissent trois modes de contamination pour la Covid :

  • Les gouttes qu'expulsent les personnes contagieuses en parlant ou en toussant et qui atteignent les yeux, la bouche ou le nez de la personne infectée.
  • Les surfaces contaminées, bien que de Centre de Contrôle pour la Préventions de Maladies des États-Unis (CDC) indique que ces cas sont moins probables. De même, le Centre Européen pour la Prévention et le Contrôle des Malades avertit qu'aucun cas de contamination par ce biais n'a été décrit.
  • Troisièmement, l'infection par aérosols, lors de la respiration de ces particules infectieuses invisibles qu'expire une personne malade et qui se comportent comme la fumée. Sans ventilation, ils restent en suspension dans l'air et se condensent dans la pièce au fur et à mesure.

Sans ventilation, les aérosols restent en suspension dans l'air et se condensent dans la pièce au fur et à mesure.

Respirer, parler et crier - des modes de contamination

Au début de la pandémie, on a eu l'impression que le véhicule principal de contamination était les grandes gouttes qui sont expulsées en toussant ou en éternuant. Néanmoins, nous savons à présent que crier et chanter dans un espace clos mal ventilé et dans la durée génère également un risque élevé de contagion.

Ceci arrive car, lorsque nous parlons à pleins poumons, nous expulsons 50 fois plus de particules chargées de virus que quand nous gardons le silence. Ces aérosols, s'ils ne sont pas dilués par la ventilation, se concentrent avec le temps, augmentant ainsi le risque de contagion.

Les scientifiques ont démontré que ces particules, que nous libérons également en respirant ou avec des masques mal ajustés, peuvent être contagieuses jusqu'à cinq mètres et pendant plusieurs minutes, en fonction des conditions. Ce sont celles-ci que nous décrivons dans ces exemples et qu'il faut éviter à tout prix.

Chaque point orange représente une dose de particules capables d'infecter lorsqu'elles sont inhalées

Parler : En parlant, nous émettons une dizaine de fois plus de particules respiratoires qu'en observant le silence.

Crier ou chanter : En criant, nous émettons une cinquantaine de fois plus de particules respiratoires qu'en observant le silence.

Dans le pire des cas (crier ou chanter une heure dans un espace clos), une personne infectée par la Covid libèrerait 1500 doses infectieuses.

Au printemps, les autorités sanitaires ont omis cette voie de contagion, mais des publications scientifiques récentes ont forcé l'Organisation Mondiale de la Santé ou les CDC a reconnaître ce risque.

Un article de la revue Science parle de preuves « accablantes » et les CDC signalent que « dans certaines conditions, les personnes avec Covid pourraient en avoir infecté d'autres se trouvant à plus de deux mètres de distance. Ces transmissions auraient eu lieu à l'intérieur d'espaces clos avec une ventilation inadéquate. Parfois, la personne infectée respirait intensément, par exemple en chantant ou en faisant de l'exercice. »

Un bar ou un restaurant

Les foyers de contamination lors d'événements, dans des locaux et dans des établissements comme bars et restaurants représenteraient une part important des contaminations dans le domaine social.

Surtout, elles sont les plus explosives : chaque foyer de contamination dans une discothèque entraîne une moyenne de 27 personnes infectées, contre seulement 6 contagions lors de réunions familiales, comme nous le montrions au départ. Comme exemple de ce que peut être un de ces super-contaminateurs, il y a le cas d'une discothèque de Córdoba avec 73 contaminations pendant une nuit de fête. Ou la contamination de 12 clients dans un bar au Vietnam, selon des analyses scientifiques récentes.

Dans le pire des cas, si aucune mesure n'est prise, 14 clients seront infectés au bout de quatre heures.

Si les clients portaient un masque en permanence, seules 8 contagions seraient observées.

En ventilant le local, ce qui peut se réaliser avec de bons équipements d'air conditionné, et si on diminue le temps passé dans le bar, le nombre de contagions chute à seulement une personne.

Le collège

Les centres éducatifs représenteraient seulement 6% des foyers de contamination reconnus par les autorités sanitaires. Les dynamiques de contagion par aérosols dans la salle de classe sont très différentes selon que le patient soit un élève ou un enseignant. Le professeur parle beaucoup plus, en élevant la voix pour être entendu, ce qui multiplie les expulsions de particules potentiellement contagieuses.

En comparaison, un élève possiblement malade parle de manière beaucoup plus sporadique. Le gouvernement espagnol a déjà recommandé, avec un guide du CSIC (Conseil Supérieur de la Recherche Scientifique), que soient aérées les salles de classe, à moins que cela entraîne des gênes dues au froid, ou que l'on utilise des équipements de ventilation.

La situation la plus dangereuse est le cas d'une salle de classe sans ventilation avec comme personne infectée (le patient 0) le professeur.

Au bout de deux heures de classe avec un enseignant malade, sans prendre aucune mesure contre les aérosols, la quantité d'élèves contaminés pourra grimper jusqu'à 12.

Si tout le monde portait un masque, seuls 5 seraient contaminés. Lors d'épidémies, il a été observé que la distribution des contaminations est aléatoire et qu'en l'absence de ventilation, les aérosols s'accumulent et se répartissent dans toute la salle.

Si la salle est ventilée (de manière naturelle ou mécanique) et que la leçon est arrêtée au bout d'une heure afin de renouveler complètement l'air, le risque chute fortement.

Pour calculer les probabilités de contamination des personnes présentes en situation de risque, nous utilisons un simulateur développé par un groupe de scientifiques mené par le professeur José Luis Jiménez (Université du Colorado), créé dans l'intention de montrer l'importance des facteurs posant un obstacle à la contamination par aérosols.

Le calcul n'est pas exhaustif et n'inclut pas les innombrables variables qui interviennent lors d'une contamination, mais il sert à illustrer la progression des risques en fonction des facteurs sur lesquels nous pouvons intervenir.

Les sujets respectent les distances de sécurité dans les simulations afin d'éliminer le risque de contamination par gouttelettes, mais malgré cela, ils peuvent s'infecter les uns les autres si l'on n'applique pas toutes les mesures à la fois : ventiler correctement, réduire la durée des rencontres, réduire les capacités d'accueil et porter un masque.

Dans tous les contextes, le scénario idéal serait en extérieur, où les particules infectieuses se diluent rapidement. Si l'on ne se maintient pas suffisamment à distance du patient zéro, la probabilité de contagion se multiplie car alors entrent en jeu les gouttes expulsées ou parce que la ventilation ne suffit pas à diluer les aérosols dans le cas de personnes collées les unes aux autres.

Les calculs obtenus dans les trois scénarios se basent sur des études sur les modes de propagation par aérosols, avec des foyers de contamination réels qui ont pu être analysés en détail.

Un cas qui s'est avéré très instructif pour comprendre la dynamique de contagion en intérieur a été celui d'une répétition de chorale dans l'État de Washington (USA) en mars. Les 61 membres de la chorale sur les 120 présents lors de cette répétition ont essayé de maintenir les distances de sécurité et l'hygiène.

Sans le savoir, ils ont provoqué un scénario de risque maximal : sans masques, sans ventilation, en chantant et partageant un même espace pendant longtemps. Une seule personne atteinte du Covid, le patient zéro, a contaminé 53 personnes en deux heures et demie. Certains d'entre eux étaient à 14 mètres et de dos, donc seuls les aérosols peuvent expliquer cette contamination. Deux d'entre-eux en sont morts.

Un seul contagieux assis au premier rang a contaminé tous les autres.

Après une étude minutieuse de ce foyer de contamination, les scientifiques ont pu calculer à quel point le risque aurait pu être réduit si les mesures contre la contagion aérienne avaient été prises.

Dans les conditions réelles, la contagion a affecté 87% des personnes présentes. Avec des masques durant la répétition, le risque aurait été réduit de moitié. Lors d'une répétition plus courte et ventilée, seuls deux chanteurs auraient été contaminés.

Ces scénarios supercontagieux paraissent de plus en plus décisifs dans le développement et la propagation de la pandémie. Il apparaît ainsi vital dans le cas d'événements de ce type de compter sur des instruments permettant d'éviter les infections massives et de contrôler la pandémie.

Méthodologie

Nous calculons le risque d'infection par covid-19 à partir d'un outil développé par José Luis Jiménez, expert en chimie et dynamique des particules dans l'air de l'Université du Colorado. D'autres collègues du monde entier ont évalué ce simulateur, qui se base sur des données et des méthodes publiées pour estimer l'importance de divers facteurs mesurables qui interviennent dans un scénario de contamination.

Mais même ainsi, le modèle a une précision limitée car il se base sur des chiffres qui sont encore imprécis comme la quantité de virus infectieux émis par une personne infectée ou son infectiosité.

Le modèle part du principe que les personnes pratiquent une distanciation physique de deux mètres et qu'il n'y a pas de personnes immunisées. Dans notre calcul, nous assignons aux masques, la valeur par défaut pour la population générale, qui inclut toute les variétés de masques (chirurgicaux et en tissu), et un ton de voix élevé, ce qui augmente la quantité d'aérosols expulsés.

Source :  El Pais, Mariano Zafra, Javier Salas, 28-10-2020
Traduit par les lecteurs du site  Les Crises

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