24/11/2020 ism-france.org  6 min #182053

Il n'y a pas d'enfance en Palestine occupée

Par Wafa Aludaini
20.11.2020 - Des décennies d'occupation, de troubles et de blocus ont fait payer un lourd tribut aux enfants de Palestine et en particulier aux enfants de la bande de Gaza, où les agressions régulières et la détérioration des conditions de vie ont laissé une génération dans le besoin désespéré d'un soutien psychosocial, et incapable de profiter ou de vivre son enfance.

5 novembre 2020, des enfants dans une rue boueuse d'un camp de réfugiés à Gaza [Mustafa Hassona/Agence Anadolu].
L'enfance est normalement synonyme d'innocence, de plaisir, de liberté et d'amour, mais à Gaza, les enfants parlent et comprennent la politique presque dès leur premier jour.

Ezzeddin Samsoum, treize ans, de Rafah, a été identifié comme un "enfant héros" en raison de la bravoure dont il a fait preuve en sauvant un homme blessé lors des manifestations de la Grande Marche du retour l'année dernière. Samsoum a couru sans hésitation et a arraché sa propre chemise pour arrêter l'hémorragie de l'homme.

« Je ne sais pas ce que signifie l'enfance, je me sens toujours responsable et j'ai peur pour mes proches », dit Samsoum. « Je suis un réfugié. Mes grands-parents parlent toujours de la beauté de leur ville, et du fait que la milice sioniste les a expulsés de là par la force ».

« J'ai survécu aux agressions israéliennes sur Gaza depuis le jour de ma naissance. Personne ne m'a appris la situation. Les actions quotidiennes d'Israël contre mon peuple m'apprennent très bien ce que signifie vivre sous l'occupation. »

La pandémie de coronavirus a exacerbé une situation déjà difficile qui voit les enfants de Gaza vivre avec une fourniture limitée en électricité, incapables de quitter la bande à cause du siège étouffant d'Israël et avec le bruit constant des bombes et des drones qui bourdonnent au-dessus d'eux.


Ezzeddin Samsoum, 13 ans, a été reconnu comme un "enfant héros" pour sa bravoure lors de la grande marche du retour, lorsqu'il a secouru un homme blessé

La dureté de la vie quotidienne n'a laissé à Zahra Zayed, 12 ans, qu'un seul thème pour ses poèmes. « Je récite des poèmes depuis mon plus jeune âge. J'aimerais réciter des poèmes sur l'enfance et des choses drôles, mais je n'ai pas de mots pour ces sujets, en raison de la brutalité de l'occupation et de l'affaiblissement de mon peuple », dit-elle.

Les nombreuses frappes israéliennes sur la bande de Gaza ont fait de nombreux blessés parmi ses proches. Pour cette jeune fille de 12 ans, les bombardements, les meurtres, l'injustice, le confinement et les privations sont les sujets qu'elle aborde dans son travail.

« Lors de l'agression de 2014, j'ai été traumatisée. A cause de la dangerosité de la situation, nous avons été obligés de fuir notre maison pour aller dans les écoles de l'UNRWA, car nous pensions que c'était un endroit plus sûr. Mais il n'y avait pas d'endroit sûr à Gaza. Pas d'abris. Rien ne peut nous protéger des frappes ».


Zahra enfant récite un poème sur la Palestine

Zahra a participé à plusieurs conférences où elle récite des poèmes sur son désir de retourner dans les territoires palestiniens occupés.

Depuis 2000, 3.000 enfants ont été tués par les forces d'occupation israéliennes. Certains sous les yeux des médias internationaux, dont Muhammad Al-Durrah, 11 ans.

Procès devant les tribunaux militaires

En plus de la brutalité et de la menace constante de guerre dont sont victimes les enfants palestiniens, ceux qui vivent en Cisjordanie et à Jérusalem-Est sont fréquemment emmenés de chez eux au milieu de la nuit et jugés par des tribunaux militaires où de nombreuses procédures se déroulent en hébreu, une langue qu'ils ne parlent pas.

Ashraf Adwan, treize ans, du village d'Eizariya dans Jérusalem occupée, a été condamné à trois ans de prison par un tribunal militaire israélien et à une amende de 5.000 shekels (1.461 dollars). Les autorités israéliennes affirment qu'il a tenté de poignarder plusieurs soldats armés.

Niant les accusations, la mère d'Achraf dit : « Il est si gentil et si serviable, il n'agit jamais violemment contre quiconque, mais nous sommes régulièrement soumis à l'humiliation et à l'oppression par l'occupation israélienne ».

« Avant sa condamnation, il a purgé un an de prison, mais on m'a interdit de lui rendre visite, alors j'ai profité de sa présence aux séances du tribunal pour le voir », ajoute-t-elle.


Ashraf Adwan avant son incarcération dans les geôles de l'occupation

Selon Defense for Children International - Palestine, 250 enfants palestiniens ont été détenus dans les prisons israéliennes jusqu'en août, sur la base des données de l'Autorité pénitentiaire israélienne.

Le DCIP confirme que « Israël est le seul Etat au monde à arrêter des enfants et à les juger devant des tribunaux militaires ».

Quelque 500 à 700 enfants palestiniens sont arrêtés et jugés par des tribunaux militaires israéliens chaque année.

Depuis le début de la deuxième Intifada en septembre 2000, les forces d'occupation ont arrêté près de 10.000 enfants palestiniens. Beaucoup ont maintenant plus de 18 ans et sont toujours détenus par les Israéliens.

Ces pratiques constituent des violations flagrantes de la Convention relative aux droits de l'enfant qu'Israël a signée et ratifiée depuis 1991, ainsi que de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

La politique d'impunité dont bénéficient les soldats israéliens sur le plan intérieur, sachant qu'ils ne seront pas tenus responsables des violations, les encourage à poursuivre et à intensifier leur agression contre les enfants palestiniens.

Le nombre d'enfants palestiniens de moins de 12 ans détenus par les forces d'occupation a augmenté l'année dernière, 84 d'entre eux étant âgés de 3 à 12 ans.

Parmi les personnes incarcérées figurent Nader Hijazi, du camp de Balata à Naplouse, qui n'avait que trois ans au moment de sa détention, Muhammad Mazen Shweiki, sept ans, de Jérusalem et Zain Ashraf Idris, sept ans, qui a été kidnappé dans son école après que les forces d'occupation l'aient prise d'assaut à Hébron.

L'occupation continue également à convoquer des mineurs pour enquête sous prétexte qu'ils lancent des pierres. Parmi eux figurent  Muhammad Rabi'Elayyan, quatre ans, et  Qais Firas Obaid (vidéo), six ans, tous deux originaires du quartier occupé d'Issawiya à Jérusalem-Est.


Muhammad Rabi'Elayyan

Alors que le monde entier célèbre la Journée internationale de l'enfance, plusieurs organisations de défense des droits de l'homme et des écoles de Palestine occupée profiteront de cette journée pour promouvoir l'unité et la solidarité. Ce dont les enfants palestiniens ont besoin, c'est de stabilité et de la capacité à vivre sans craindre la guerre, l'arrestation, la dépossession ou la privation de domicile. Chaque enfant a droit à une enfance.

Source :  Middle East Monitor

Traduction : MR pour ISM

 ism-france.org

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