05/12/2020 reseauinternational.net  3 min #182537

Une guerre mondiale qui n'aura pas lieu?

par Fiodor Loukianov

Les conflits locaux, le terrorisme, les sanctions, ce sont des choses qui ne disparaitront pas. Mais il faut des conditions très spécifiques pour qu'une troisième guerre mondiale éclate.

Si nous parlons précisément d'une guerre mondiale comme d'un conflit impliquant les plus grandes puissances mondiales, qui couvre une grande partie du globe et a des conséquences pratiquement pour tout le monde, alors, heureusement, les chances d'une telle guerre sont aujourd'hui bien plus faibles qu'il y a cent ans. Parce que l'arme nucléaire, dont disposent les puissances ayant potentiellement la possibilité de déclencher ou d'entrée dans une telle guerre, est un bon facteur de dissuasion. Il est avant tout question des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine, mais il est également possible d'ajouter à cette liste certains pays européens (le Royaume-Uni et la France), ainsi que l'Inde, le Pakistan et d'autres.

Après tout, l'arme nucléaire n'a pas été créée comme une arme d'attaque, mais comme un instrument d'intimidation et de dissuasion. Il faut reconnaître qu'elle remplit bien cette fonction. Et malgré les nombreuses discussions que l'arme nucléaire cesse d'être un tel élément d'horreur totale, et bien que certains disent prudemment que son usage chirurgical ne serait pas si terrible pour l'humanité (à moins que ce soit un conflit d'envergure entre les Etats-Unis et la Russie), ces débats sont immédiatement étouffés.

On parle également d'injustice. Car plusieurs pays ont ce droit (qu'ils se sont accordé en inventant le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires) contrairement aux autres. Ce qui est qualifié d'injuste et de discriminatoire. Il existe même un mouvement, sans que les principaux pays y participent, mais qui est très large avec plus de 50 pays prônant l'interdiction totale de l'arme nucléaire.

Nous vivons à une époque de démantèlement d'anciens accords. Le dernier qui reste en vigueur est le Traité sur la réduction des armes stratégiques (START) signé avec l'administration Obama, mais il expire en février 2021. L'administration Trump était encline à ne pas le prolonger (ou alors à des conditions impensables et pour peu de temps). L'administration Biden, de toute évidence, semble prête à le prolonger, mais pas de cinq ans - c'est donc un simple report. Et quand tout cela se terminera se posera la question de savoir s'il y aura encore des règles dans ce domaine?

En sachant notamment que quand ce modèle était élaboré il n'y avait que deux acteurs (personne ne prenait en considération la France, la Royaume-Uni et la Chine à l'époque). A présent, les acteurs officiels sont cinq, ainsi que quatre officieux - l'Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël (dont la position est assez intéressante: « Nous ne possédons pas d'armes nucléaires, mais nous les utiliserons si nécessaire »). Et bien que la plupart des pays disposent d'arsenaux incomparables avec le russe ou l'américain, celui de la Chine, qui est confidentiel, grandit très manifestement.

Nous entrons dans une nouvelle époque, ce qui ne signifie pas l'approche d'une guerre nucléaire, au contraire, ce sera probablement une motivation pour que certains politiques se remuent. Et la multipolarité nucléaire ajoute une multitude de différentes nuances.

Fiodor Loukianov, journaliste et analyste politique

source:  observateurcontinental.fr

 reseauinternational.net

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