04/07/2022 reseauinternational.net  5 min #211431

Avoir pour être

par Kadour Naimi.

Les considérations suivantes concernent n'importe quel conflit entre antagonistes, dans trois cas : deux individus (du même sexe ou de sexe différent), deux classes sociales, deux nations. Nous n'en sommes pas encore au conflit entre deux planètes ou deux univers.

Ce conflit se manifeste de façons diverses, plus ou moins claires, plus ou moins graves. Si l'on examine correctement ce conflit, à sa racine, à sa cause première, que trouvons-nous ?... Une forme de répartition de biens matériels, indispensables pour vivre, laquelle répartition est le résultat d'une forme d'acquisition. Dis-moi ce que tu as et comment tu l'as obtenu, je te dirai qui tu es dans l'organisation sociale.

Il semble bien que ce phénomène existe depuis l'apparition de l'espèce humaine, plus exactement depuis que deux antagonistes se sont trouvés en présence : deux individus, deux clans ou tribus, deux classes sociales, deux nations.

Être ou ne pas être (To be or not to be), c'est d'abord avoir ou ne pas avoir : là est l'enjeu, la nécessité vitale. Le problème est alors : se contenter du nécessaire pour soi (individu, clan, classe sociale, nation) ou convoiter plus que le nécessaire, au détriment d'un autre (individu, clan, classe sociale, nation).

Le conflit naît soit de l'insuffisance de ressources matérielles, alors c'est la guerre déclenchée par celui qui est ou se croit le plus fort à la gagner. Le conflit peut également naître d'une suffisance de ressources mais où un protagoniste (individu, clan, classe ou nation) veut avoir plus au détriment de l'autre protagoniste.

Si, au contraire, les deux protagonistes ont assez de sagesse à propos de l'acquisition et de la répartition équitables des biens matérielles, ils optent pour la coopération. Pour être authentique, elle implique liberté, égalité et solidarité.

La liberté sans égalité et solidarité est cause de prévarication, qui se manifeste comme exploitation et domination d'un protagoniste au détriment de l'autre (esclavagisme, féodalisme, capitalisme).

La solidarité sans l'égalité et la liberté est cause d'une autre forme de prévarication (« dictature du prolétariat », « capitalisme étatique » présenté comme « socialisme » ou « communisme ».

L'égalité sans la liberté et la solidarité ne signifie rien.

Quelque soit la manière dont on considère les relations sociales, l'objectivité montre que qu'elles sont basées et fonctionnent selon les modes d'acquisition et de répartition des biens matériels nécessaires à l'existence humaine.

Ces modes déterminent les autres aspects :

• psychologiques : je possède plus de biens matériels à ton détriment, donc je suis psychiquement supérieur à toi ;

• religieux ou spirituels : je possède plus de biens matériels à ton détriment, donc ma religion ou spiritualité est supérieure (ou la seule valable) en comparaison de la tienne ;

• le même raisonnement est appliqué à la « race », l'ethnie, la culture, la civilisation, etc. Même la sexualité : soit deux personnes coopèrent équitablement dans la jouissance érotique, soit l'une des deux accapare plus de jouissance au détriment de l'autre, et c'est le conflit.

Depuis que des êtres humains pensent, agissent et écrivent, le mode d'acquisition et de répartition des ressources matérielles vitales détermine les rapports sociaux, donc l'histoire humaine. En général, partout et toujours, c'est l'acquisition et la répartition au détriment de l'autre qui domine, d'où ressentiment, haine et guerre (entre individus, clans, classes sociales, nations).

Si l'on s'accorde sur cette conception, nous disposons de la boussole pour comprendre n'importe quel conflit, du niveau microscopique à celui macroscopique.

Cette boussole n'est pas reconnue par la personne qui préfère la concurrence pour acquérir et répartir au détriment de l'autre. Cette injustice est justifiée idéologiquement : « nature » humaine (lutte pour la vie, struggle for life), « Volonté du Ciel » (Chine impériale), « Volonté Divine » (les religieux), « Destin manifeste » (oligarchie états-unienne), « Ligne Juste » (autoritaires laïcs).

Cette « légitimation » n'est-elle pas le résultat d'un cerveau qui fonctionne mal, qui est malade ?... Si tel est le cas, il reste à savoir comment le soigner sinon comment le neutraliser.

Cette boussole est, au contraire, reconnue et prise en compte par la personne qui opte pour la coopération libre, équitable et solidaire. N'est-ce pas jouir d'un cerveau qui sait raisonner pour le bien commun ?

Ne dispose-t-on pas ici du critère fondamental qui définit une civilisation : penser et agir pour le bien-être de l'espèce humaine toute entière ? Si tel est le cas, qui est civilisé : le pauvre qui partage son bout de pain avec un autre, ou le banquier qui accumule l'argent au détriment des épargnants et des citoyens ?

Le système d'acquisition et de répartition coopératif, libre, équitable et solidaire est occulté sinon stigmatisé comme « irréaliste », « utopique », « non naturel » par la domination du système d'acquisition et de répartition au bénéfice de l'un et au détriment de l'autre. Ainsi, les moyens de communication dominants, dans tous les secteurs (du scientifique au spectacle), produisent les idéologies qui occultent le problème fondamental (mode d'acquisition et de répartition) pour considérer uniquement les conséquences secondaires.

Et, malheureusement, trop de producteurs d'idées, se proclamant antagonistes, sont dans leur majorité des complices du système dominant, et une minorité reste encore en proie à une mentalité autoritaire élitiste. D'où la confusion et le désarroi chez la personne désireuse de comprendre pour agir sur les conflits dont elle est victime.

Ne dit-on pas : poser correctement la question, c'est déjà y répondre ?...

Dès lors, la question n'est-elle pas l'existence de dominateurs-exploiteurs au détriment de dominés-exploités ?

Et la réponse n'est-elle pas : trouver comment établir la coopération libre, équitable et solidaire, entre les protagonistes : individus, classes sociales, nations ?

 reseauinternational.net

 Commenter