
par Christelle Néant
Le 11 novembre 2025 au matin, le FSB a révélé que l'Ukraine avait une nouvelle fois tenté de détourner un avion militaire russe - un Mig-31 doté d'un missile hypersonique Kinjal - en soudoyant un soldat russe. Comme lors d'une tentative précédente qui avait eu lieu en 2022, le nom de l'organisation de pseudo-enquête OSINT Bellingcat, se retrouve impliqué dans cette affaire. Mais cette fois, les conséquences de ce détournement auraient pu être bien plus grave, provoquant un conflit direct entre la Russie et l'OTAN.
Retour un an en arrière. À l'automne 2024, un homme déclarant s'appeler «Sergueï Lougovski», et travailler pour l'organisation Bellingcat contacte plusieurs soldats de l'armée de l'air russe via des messageries et par courriel pour faire prétendument leur interview sur leur service dans l'armée contre rémunération.
Ce qu'il cherche en réalité, c'est un pilote ou un navigateur de l'armée de l'air russe prêt à voler un Mig-31 en échange de beaucoup d'argent, et d'un passeport occidental. Il envoie même une photo d'un badge presse à son nom avec le logo de Bellingcat clairement visible dessus pour prouver qui il est. Mais les soldats russes comprennent bien de quoi il s'agit et avertissent immédiatement les services secrets (FSB) qui décident de piéger les services secrets ukrainiens, et manifestement britanniques (les liens entre Bellingcat et le MI6 sont avérés et prouvés depuis longtemps), qui sont derrière cette tentative de détournement.

Un pilote et un navigateur russes jouent donc le jeu et laissent leur interlocuteur «Sergueï Lougovski» aller jusqu'au bout de sa véritable démarche. Ce dernier passe la main à un homme se faisant appeler «Alexandre» qui propose de détourner un Mig-31 avec un missile Kinjal en échange d'un passeport d'un pays occidental, et d'un million de dollars. La somme sera ensuite revue à la hausse jusqu'à trois millions de dollars. L'homme ira même jusqu'à filmer des liasses de billets pour prouver qu'il a la somme promise en sa possession et lui montre une photo exclusive de Maxime Kouzminov (un pilote russe qui avait tué ses camarades et détourné son hélicoptère Mi-8 vers l'Ukraine, contre de l'argent, et qui fut retrouvé assassiné en Espagne) pour montrer que ce n'est pas la première fois qu'il monte ce genre d'opération.

Le pilote refusant de faire ce qu'il demande, il se tourne vers le navigateur, lui proposant d'assassiner le pilote en appliquant du poison sur son masque à oxygène, puis de diriger l'avion vers la base aérienne de l'OTAN de Constanta en Roumanie. Sauf que là il y a un problème. Le Mig-31 ne peut pas être posé par le navigateur, la seule chose qu'il peut faire c'est amener l'avion vers une zone sûre avant de s'éjecter avec le pilote dans le cas où ce dernier n'est plus en état de piloter. Il est donc exclu que le plan était de récupérer le Mig-31 intact.
«L'objectif ultime de cette machination n'était, en réalité, pas de récupérer l'avion et son missile. Pour qui connaît un tant soit peu la configuration du MiG-31, la manœuvre apparaît d'une témérité folle. Le Navigateur Officier Système d'Armes, le NOSA en Français ou le WSO en anglais, confiné à la place arrière de l'appareil, ne dispose que d'une visibilité très restreinte et n'est aucunement entraîné à poser le chasseur ; la consigne, en pareille situation, est invariablement l'éjection, «tant pis pour l'avion»», explique Cyrille de Lattre, analyste géopolitique et stratégique, et expert aéronautique.
Si Kiev ne voulait pas récupérer ce Mig-31, quel était donc son plan ? Il suffit de regarder où l'avion devait être amené pour comprendre. En Roumanie, sur une base aérienne de l'OTAN. Maintenant jouons à un jeu de simulation. Vous êtes l'armée roumaine, et vous voyez débarquer dans votre espace aérien au-dessus de la mer Noire un Mig-31 russe armé d'un missile hypersonique Kinjal, se dirigeant tout droit vers votre territoire, et pas n'importe où : vers une base aérienne de l'OTAN. Que faites-vous si l'avion entre sur votre territoire ? Vous allez l'abattre et hurler à la violation territoriale par un avion militaire russe armé en plus d'un missile hypersonique. Vous avez alors le parfait casus belli pour provoquer une confrontation militaire directe entre l'OTAN et la Russie. Et en plus, le traître ayant détourné l'avion ayant été abattu, vous n'aurez pas un centime à lui verser, et il ne pourra pas expliquer ce qu'il fichait là. Un plan parfait heureusement déjoué par les services de renseignement russes.
«L'objectif ultime de cette machination n'était, en réalité, pas de récupérer l'avion et son missile. (...) Non, l'ambition était tout autre, plus stratégique et infiniment plus dangereuse : il s'agissait de pousser l'appareil russe dans le piège mortel de l'espace aérien de l'OTAN et de la territorialité de la Roumanie, (et, à ce titre, je rappelle ici que la territorialité commence à 12 nautiques des côtes), alors que l'espace aérien lui peut s'étendre bien plus loin, non pas pour l'y voir atterrir, mais pour qu'il y soit abattu. (...) Il ne s'agissait plus ici d'une simple violation de l'espace aérien roumain, mais bien d'une incursion sur son territoire, offrant ainsi une preuve «irréfutable» et spectaculaire de l'agressivité russe, un prétexte en or pour une escalade dont les conséquences eussent été imprévisibles, d'autant que cet avion aurait été armé du missile hypersonique Kinjal, arme à la fois conventionnelle, mais aussi à capacité nucléaire», a déclaré Cyrille de Lattre, qui pense que la Roumanie n'était même pas au courant du rôle qu'elle devait jouer dans ce plan sordide.
Mais ce qu'il faut noter outre le côté machiavélique de ce plan, c'est le fait que l'organisation de pseudo-enquêtes OSINT Bellingcat se retrouve impliquée dans cette affaire, et que ce n'est pas la première fois. En effet, une tentative similaire fut menée en 2022, pour détourner un Su-24, un Su-34 ou un Tu-22M3 russe, avec l'implication de Christo Grozev, enquêteur à l'époque chez Bellingcat. Sa défense face à des accusations aussi graves, fut assez pitoyable, et se limita à raconter qu'il était juste là pour réaliser un film documentaire sur cette opération. Sauf qu'aucun film documentaire n'est jamais sorti à ce sujet sur la plateforme Bellingcat, ce qui met à mal la défense déjà bancale de Grozev.
Résultat cette fois on se retrouve avec un parfait inconnu en guise de journaliste de Bellingcat. Est-ce pour pouvoir plus facilement nier leur implication (en utilisant le déni plausible) ou cacher lequel de leurs collaborateurs est réellement impliqué dans cette affaire ? En tout cas il n'y a aucune trace d'un Sergueï Lougovski chez Bellingcat, ni maintenant, ni depuis 2023. Il y a donc plusieurs possibilités :
1. Le GUR (services de renseignement militaires ukrainiens) a utilisé Bellingcat comme paravent pour son opération, inventant un journaliste de toute pièce.
2. Sergueï Lougovski existe et travaille ou a travaillé pour Bellingcat mais n'a jamais été mentionné officiellement sur leur site ou leurs enquêtes, ce qui en ferait une sorte de collaborateur secret.
3. Sergueï Lougovski est le véritable nom d'un collaborateur ou ex-collaborateur de Bellingcat qui se cachait derrière un pseudo sur leur site (leur page «notre équipe» affiche plusieurs profils avec juste un point d'interrogation à l'envers en guise de photo, ce qui permet de cacher la véritable identité de la personne).
Captures d'écran de la discussion entre «Léon» et un soldat russe.
En tout cas sachant l'implication précédente de Bellingcat dans une opération du même type, et ses liens bien connus avec le MI6 (services secrets britanniques), les options 2 ou 3 me semblent plus crédibles que la première. Surtout que lors de la conversation entre «Sergueï Lougovski» (Leon sur les captures d'écran ci-dessus) et le soldat russe, le premier dit ouvertement qu'il travaille pour un autre pays que l'Ukraine et que sa langue natale est l'anglais mais que parlant couramment le russe c'est lui qui a été envoyé mener ces négociations. Or le Royaume-Uni est l'un des pays européens qui cherche depuis le début à attiser et étendre le conflit à l'ensemble de l'OTAN. Et puis, on ne l'appelle pas «la perfide Albion» pour rien. Le pays s'est spécialisé dans ce genre de plans diaboliques sous faux-drapeau.
Heureusement les pilotes et navigateurs ont fait preuve d'une loyauté sans faille, et les services de renseignement russes ont été plus malins que leurs homologues ukrainiens et manifestement britanniques, évitant que le vol de ce Mig-31 avec son missile Kinjal ne se transforme en guerre directe entre la Russie et l'OTAN.
source : International Reporters
