
par Olivier Chambrin
Le 47ème président des États unis d'Amérique, Donald Trump, sera probablement celui qui devra gérer la fin de l'ère de leadership occidental sur le monde. Il doit pour cela mener plusieurs guerres simultanées, tâche qu'il assure mieux que les médias européens ne veulent bien le dire. La Russie semble discerner sa stratégie mais sans encore renoncer à une posture de négociation en vue d'éviter un affrontement nucléaire majeur. Pour maintenir l'hégémonie de Washington sera-t-il indispensable d'obtenir la défaite de Moscou ?
Le «pacificateur» doit mener plusieurs guerres simultanées
1. Une guerre eschatologique existe entre l'hégémon occidental 1 et le Katechon, pour le dire - trop - simplement, la «force qui retient» (l'Antéchrist ou une puissance dominatrice et maléfique pour l'Humanité), perçue par Moscou comme s'identifiant avec la Troisième Rome et l'orthodoxie russe. Ce premier axe conflictuel fondamental est complexifié par des dissensions internes.
Ainsi, une «guerre civile» entre la révolution politico-morale du mouvement MAGA l'oppose aux forces de la Gnose déconstructrice. Cela, sur le sol états-unien comme en Europe, qui en constitue la queue de comète et abrite de nombreuses oppositions au Trumpisme.
À l'inverse, il y a un rapprochement théorique et religieux de principe entre conservateurs, qui brouille sans aucunement la supprimer l'opposition entre Occident et Monde de la Tradition, Russie comprise.
2. L'opposition interne persiste en Occident, malgré la mise au pas des vassaux de l'OTAN et l'instrumentalisation de l'UE comme auxiliaire de puissance états-unienne ; toutefois les rivalités idéologiques n'affectent pas les décisions économico-financières qui orientent la politique aux USA. C'est pourquoi, soit qu'il agisse sous la pression d'une élimination, y compris physique, par les tenants de l'État profond, soit qu'il reprenne à son compte les mêmes intérêts, le POTUS au-delà de certaines apparences, mène une stratégie à l'égard de la Russie qui s'inscrit dans la continuité.
3. La géopolitique états-unienne est l'héritière de celle du royaume britannique : empêcher la constitution d'un bloc continental rivalisant avec la puissance thalassocratique (militaire et économique) de Londres s'est perpétué en une volonté de dominer le Rimland mondial en neutralisant le pivot eurasiatique. Cet impératif a conditionné les deux interventions de Washington lors des conflits mondiaux qui ont in fine permis sa suprématie. Washington avait téléguidé post-1945 une union des puissances européennes qui a consolidé son leadership, culturel, économique, politique et militaire en Europe. Il fallait s'assurer d'un découplage définitif de l'UE (surtout l'Allemagne) d'avec la Russie, objectif atteint avec le conflit en Ukraine, qui a aussi réduit la puissance européenne et renforcé ses vulnérabilités et dépendances aux USA. Connexe avec cette lutte contre l'émergence d'une grande puissance continentale de la monarchie britannique puis de Wall Street, l'objectif du Grand jeu britannique et de l'expansion germanique à l'Est, la neutralisation de la Russie, s'inscrit également dans la logique historique occidentale contre Byzance. Le démembrement de l'URSS avait presque permis la captation des ressources de la Russie par les firmes occidentales, mouvement eltsinien auquel mit fin le président Poutine avec l'aide des structures de force seules subsistant pour contrôler la nouvelle Fédération de Russie. Les enjeux de la guerre actuelle sont non seulement de drainer les ressources de l'Europe mais aussi à moyen terme, soit par négociation soit par résultat de guerre, à mettre la main sur les ressources eurasiatiques sous contrôle de Moscou. Cette stratégie vise à impacter par effet «boule de billard» la RPC, qui reste l'adversaire majeur de Washington. Cela éclaire les positions médiatiquement variables mais théologiquement cohérentes du président Trump. Limiter l'accès de Pékin aux ressources et à l'espace (y compris maritime arctique) russes est un objectif capital pour Washington. Le président Trump semble avoir admis qu'une politique de confrontation est désormais trop risquée, mais cela n'empêche nullement une stratégie indirecte dans laquelle l'UE (comme marché) et la Russie (comme pourvoyeur et partenaire stratégique) sont visées. Il s'agit donc d'une guerre existentielle et civilisationnelle.
Maîtriser le passage du statut d'hégémon à la simple conservation du Leadership
Le président Trump développe une politique complexe, parfois en rupture mais au fond conforme avec celle de ses prédécesseurs. Outre les autres joueurs, il doit tenir compte de ses oppositions intérieures, de ses «alliés/vassaux», des intérêts à long terme des USA et de la perte relative de la capacité d'action états-unienne avec le dépassement de la «fin de l'Histoire» : idéologique et culturelle (identifiée comme des facteurs de puissance depuis les années 1920), économique et financière, et diplomatique et militaire.
Pour maintenir son leadership mondial, le président des USA dispose de moyens de pression :
1. L'action militaire directe dont il semble avoir compris qu'elle ne permet qu'une action ponctuelle, sous peine de créer des «bourbiers». Elle est complétée par l'activation et le support à des proxys (Israël et Turquie, Union européenne...) qui prennent en charge les conflits dans la durée sans engagement US autre qu'un soutien qui s'avère favorable au lobby militaro-industriel états-unien.
2.L'action diplomatique reprend les principes d'inversion orwellienne («la guerre c'est la paix») permettant curieusement d'assurer une certaine légitimation interne et internationale. 2
3. Le POTUS est apparemment moins intéressé que ses prédécesseurs par le contrôle des appareils et institutions internationales, véritables fictions juridiques ayant fonctionné comme leviers de commande mondiaux au profit de l'Occident, n'hésitant pas à s'en retirer ou cesser de les financer lorsqu'ils ont été subvertis notamment par des idéologies hostiles à sa doctrine et présentes aux USA mêmes.
4.Donald Trump semble bien plus en faveur de deals léonins fonctionnant comme les traités inégaux de la diplomatie européenne du XVI au XIXe siècle, appuyés sur la puissance US et la corruption ou la vassalisation des élites locales, politique menée par ses prédécesseurs également.
5. La politique des «sanctions» jusque lors relativement inopérante car surtout auto-détrimentale des intérêts européens, devient plus efficace depuis que le poids des USA est réellement jeté dans la balance pour dissuader ou soumettre les partenaires économiques de Moscou. Ces mesures restent cependant très mesurées concernant l'investissement US préservé en vue de deals futurs, frappant plutôt les États vassaux ou les partenaires économiques de la Russie.
Premier bilan de l'action du président Trump
1. Au-delà des déclarations et «coups» médiatiques 3, on constate un renforcement de l'aide militaire à Kiev, une continuité du soutien ISR et appui matériel permettant de frapper la Russie dans son économie (missiles à portée intermédiaire, voire longue portée) et de maîtriser le recul inexorable mais limité des ZSU sur le terrain.
2. C'est l'administration Trump qui a relancé les chaînes de production du complexe militaire US, et la reconstitution d'une base militaro-industrielle dégradée de l'OTAN, via les 5% du PIB et aux frais de l'UE. L'intégration des leçons de la guerre en Ukraine pour l'organisation, l'équipement et la formation des forces armées US. Malgré des résultats incertains, le schéma de l'organisation militaire de l'OTAN est accepté par de nouvelles armées, d'États membres ou pas. La doctrine US semble donc toujours considérée comme efficace dans le long terme.
3. Le retrait des dispositifs négociés de contrôle des armements nucléaires, avec une modernisation de l'arsenal US (hypersonique et ICBM de 13 000 km de portée, nouveau SNLE, systèmes RMT de brouillage des satellites russes et chinois) et le retour de moyens mis en suspens (missiles intermédiaires, positionnés pour un temps de vol de 7mn vers la Russie, défense antimissiles balistique avec le golden dome). Le retrait des traités et de la prohibition des essais nucléaires, le renforcement de la préparation des forces de dissuasion (incluant des exercices d'attaques préventives de Moscou et de Kaliningrad) sont des signaux d'acceptation théorique d'une guerre nucléaire.
4. Une pression réelle et accrue sur l'économie russe et la géopolitique de l'énergie (RPC, Inde). L'évaluation de son efficacité réelle est délicate en fonction de déclarations contradictoires des pays concernés (arrêt des achats pour les compagnies chinoises Sinopec et Petrochina, malgré les déclarations gouvernementales de fermeté, refus de se plier du gouvernement Modi...) et des États de pavillon des pétroliers visés. La société russe et la Banque centrale semblent toutefois attester d'un effet assez puissant de cette stratégie d'action périphérique.
5. Des succès via Israël et Turquie contre l'arc Chiite et donc la ceinture sud de la défense Russe. Les conséquences réelles de la défense par missiles des Iraniens et celles de la frappe états-unienne sur les complexes nucléaires restent difficiles à estimer, mais Moscou n'a paru soutenir qu'assez mollement Téhéran lors de l'attaque israélienne. Le nouveau gouvernement syrien n'a pas expulsé la Russie de ses bases et semble même souhaiter une coopération maintenue mais la position globale russe reste fragilisée depuis un an. En Afrique la non-fiabilité des États sahéliens ayant souhaité l'alliance avec la Russie était assez prévisible, avec ou sans intervention clandestine d'Ankara ou des Anglo-saxons au profit des oppositions.
6. Le renforcement du «nouveau rideau de fer» et un retour à la politique passée de l'OTAN : ouverture vers les routes du Nord via la militarisation de la Baltique ; durcissement de la position des riverains de la Mer Noire (flanc Sud de l'OTAN) aux frais des Européens. La Serbie du président Vucic semble irrémédiablement couper ses liens avec la Russie pour basculer dans l'UE voire l'OTAN (rencontre Vucic Zelensky, fourniture avouée de munitions et matériels militaires à Kiev par Belgrade, avertissement de «mini révolution de couleur» en Serbie...). La Hongrie semble encore préservée grâce aux liens forts entre Donald Trump et Orban Viktor mais l'opposition est agitée par l'UE et la subversion kiévienne et une position excessivement pro-russe subirait la sanction du suzerain états-unien qui livrerait Budapest à ses ennemis européens. Dans cette guerre également il y a des dissensions internes parfois contradictoires. Ainsi la Pologne est clairement russophobe mais aussi en butte aux pressions de Bruxelles pour des considérations idéologiques (immigration, normes sociétales déconstructrices...), comme Hongrie, Slovaquie et Tchéquie qui semblent se rapprocher. Alors que les ex-colonies semblent durablement rejeter les valeurs du «Milliard doré» occidental, les populations d'Europe de l'Est semblent toujours hypnotisées par le mythe européen et les espoirs de prospérité qu'il représente. L'UE se vantait d'incarner la paix, la prospérité et la liberté. Cette promesse a été triplement démentie mais cela n'apparaît pas encore forcément aux populations. Les Russes depuis Pierre le Grand puis Catherine la Grande ont longtemps nourri une forme de complexe d'infériorité vis-à-vis de l'Europe, notamment germanique, qui n'avait pas totalement disparu même après 1945. Avec le départ des populations les plus occidentalisées au début de la SVO, cette mentalité semble en net recul.
7. La consolidation de la présence US dans l'étranger proche russe : Imposition d'une paix entre Arménie et Azerbaïdjan, avec des perspectives économiques pour les USA («pont TRUMP») ; bascule de ces deux pays sur le modèle militaire de l'OTAN. Réunion C5+1 à Washington avec les chefs d'État d'Ouzbékistan, Kazakhstan, Tadjikistan, Kirghizstan et Turkménistan avec une implantation culturelle et économique occidentale croissante dans cet ensemble d'Asie centrale qui rassemble l'équivalent de la moitié de la population russe désormais et projette au moins l'équivalent d'un un dixième de celle-ci via les diasporas sur le sol russe. À cet égard le repli russe est incontestable. Moscou se trouve dans une position relativement comparable à celle de Paris lors de l'après décolonisation, avec le sort de populations russes comparables aux Pieds noirs (dans les pays baltes, en Géorgie, Moldavie et en Asie centrale) et des relations avec les anciennes républiques soviétiques défavorables au Centre.
Dans les faits, et en contradiction d'analyses médiatiques superficielles et puériles («cadeaux» de Trump à Poutine, soi-disant manipulation du premier par le second) les USA se préparent donc activement et plutôt efficacement pour mener la prochaine guerre civilisationnelle dont les prémices sont en cours en Ukraine.
Quelles options russes ? Guerre d'économie
Face à cela, la Russie peut-elle continuer à mener une guerre «à l'économie», sans mobiliser ni utiliser ses moyens le plus puissants ni engager toute la société dans le conflit, comme cela a été le cas jusqu'à présent ?
1. Au plan humain, la situation ne paraît pas critique. Ainsi, la mobilisation de réservistes pour protéger les sites sensibles visés par les drones et missiles kiéviens répond toujours à une logique contractuelle ; les Appelés sont toujours écartés des lignes de combat. Toutefois il est toujours impossible de dégager la ressource biologique nécessaire et de la déployer pour des offensives de grande ampleur et les pertes russes, inconnues, ne sont pas négligeables. En maintenant le front Kiev ne peut espérer récupérer de territoires mais elle ouvre l'arrière russe à ses attaques à distance en fixant les ressources russes.
2. La production industrielle militaire a augmenté notamment en matière de missiles (270 lancés en octobre 2025 soit +46% de plus que le mois précédent) et de bombes planantes (FAB qui volent désormais sur 200Km, 5328 ont été larguées en octobre 2025 seulement), les drones sont produits en masse et améliorés (Gerbera et Geran à réaction), mais la Russie a dû recourir à la RPC pour les milliers de Km de fibre optique nécessaire, elle a perdu sa supériorité en matière de fabrication de munition selon le Secgen de l'OTAN. La Recherche russe produit des armements de très haute technologie dont certains ne sont pas issus du R&D soviétique.
3. Les réserves soviétiques semblent consommées, la production d'engins blindés et de canons compense les pertes mais plafonne. Les nouveaux aéronefs sont livrés aux forces mais en quantité réduite et il subsiste des déficits capacitaires (Avions radar A-50 ou A-100, avions stratégiques modernes, flotte logistique d'IL-76 M en diminution...) et les terrains restent anormalement vulnérables faute d'abris enterrés, la défense antiaérienne en général (sites industriels et villes compris) semble dépassée par rapport au PVO soviétique. Cette situation peut être le résultat d'une capacité de production limitée, de choix stratégiques (le Nucléaire pour les trois composantes reste prioritaire) ou de l'analyse des nouvelles menaces par drones qui rendent certains matériels moins utiles ?
4. Au point de vue organisationnel et innovation technique, l'armée russe semble avoir dépassé ses faiblesses traditionnelles et celles démontrées en 2022. Mais tant le commandement que les méthodes restent orientés vers des actions relativement limitées (bien que le Genshtab et les commandants de terrain appliquent la stratégie opérative avec un succès et à une échelle qu'aucune armée de l'OTAN, hors celle des USA, ne serait probablement capable d'égaler en offensive). Cela est-il imputable aux ordres du Politique (vraisemblable) ou à un dimensionnement trop réduit pour faire plus ?
5. Si la guerre évolue positivement en 2026, les USA pourraient en tirer des conclusions pragmatiques. Les dirigeants européens sont trop englués dans leurs problèmes internes pour se désengager sagement. Une victoire russe signifierait le maintien d'une frontière hostile à l'Ouest et le maintien de bases de départ sur un État croupion en Ukraine occidentale. Mais sans l'appui états-unien la capacité d'agir de l'UE plus le Royaume Uni resterait en deçà du seuil tolérable, davantage guerre subversive que de haute intensité. Cette option semble celle retenue par le président russe mais elle contient des failles et des possibilités d'évolutions négatives.
Guerre totale
Mener une guerre totale permettrait une victoire face à Kiev, mais ferait monter les enchères face à l'Occident, où une seconde ceinture d'États hostiles semble en voie de construction. Surtout, cela drainerait les moyens que le président russe souhaite affecter au développement intérieur. Néanmoins la menace sur les œuvres vives de l'économie russe, l'arrimage asymétrique croissant avec la Chine font que le temps ne joue plus nécessairement pour le Kremlin. La stratégie de gains territoriaux limités par infiltration face aux drones trouve ses limites car elle consomme aussi les moyens de Moscou et ne prépare pas une intervention extérieure massive et décisive : Au «Je les grignote» de Joffre devait succéder «J'attends les Américains et les chars» de Pétain en 1917. Moscou se retrouve plutôt dans la situation du Reich à partir de 1942. Un appui chinois trop exclusif pourrait s'avérer un piège à long terme, ce qui explique sans doute les collaborations avec la Corée du Nord et la volonté de conserver de bonnes relations avec l'Inde.
1. La préparation de la guerre est une réalité croissante en Occident. La remontée en puissance d'un bloc militaire de 500 millions de membres d'une UE - il est vrai parcourue de forces centrifuges - coordonnée et soutenue par la puissance des USA, laisse penser qu'attendre ne profitera pas à la Russie. Il semble que ce soit la raison des déclarations du président Vladimir Poutine et du dévoilement de moyens de guerre terrifiants comme la torpille nucléaire autonome Poséidon, le missile nucléaire autonome Burevestnik, ou l'entrée en service de série de l'ICBM lourd Sarmat ou du missile de portée intermédiaire hypersonique Oreshnik. Mais cette communication est héritée de la guerre froide, lorsque les parties savaient entendre et comprendre les risques révélés par l'affaire des missiles en 1962. Les nouvelles générations de décideurs européens paraissent peu sensibles à cette rhétorique, par défaut de compétence historique ou simplement parce qu'ils n'y croient pas. Il est vrai qu'au fur et à mesure de l'engagement croissant de l'Occident dans la guerre contre la Russie le Suprême russe a fait preuve d'une forte capacité à se maîtriser. Les USA semblent davantage conscients du risque mais travaillent à renforcer leur propre dissuasion et pourraient vraisemblablement sacrifier les proxys européens si nécessaire. 4
2. Or, si le bloc occidental s'engage réellement dans une lutte conventionnelle, la Fédération de Russie se retrouvera dans la situation de Kiev actuellement, dépassée techniquement et quantitativement et adossée à une force industrielle trop réduite. Mais si Kiev peut choisir de riposter par le terrorisme et les frappes à distance comme Londres en 1941 dans l'attente de l'implication de Washington, Moscou ne pourrait réagir comme en 1941 en exploitant une profondeur territoriale et stratégique désormais insuffisante, comme l'a démontré l'attaque des bases de bombardiers stratégiques et les frappes sur des installations au cœur même de la Fédération. Cela devrait certainement rapidement conduire à recourir à son arsenal nucléaire, engageant une surenchère difficilement contrôlable.
3. L'option d'une désescalade semble assez improbable, car Washington mène la guerre dans sa philosophie non-Westphalienne habituelle (capitulation inconditionnelle et annihilation de l'adversaire), faiblement tempérée par la volonté d'imposer des contrats aux vaincus. Ce dernier point pourrait néanmoins peser sur les choix de Donald Trump s'il y trouvait un intérêt économique et financier pour son pays et un avantage diplomatico-politique pour lui (il s'efforce de fustiger «la guerre de Biden» mais au bout d'une année il devra assumer l'évolution d'une situation qu'il affirma pouvoir régler). Comme toujours aux USA la situation interne primera sur l'international, mais la gestion de la crise de l'hégémon devra déterminer si la défaite russe est indispensable ou peu se négocier différemment, ce qui conditionnera l'engagement de Washington et donc celui de l'UE.
4. L'espoir de voir les peuples européens reprendre leur destin en mains pour imposer une démarche lucide et pacifique semble vain, au vu des manœuvres électorales récentes et de l'ingénierie sociale mise en place dans l'UE : après la pression de conformité sociale imposée par des médias sous contrôle, la menace administrative exponentielle et la sanction pénale semblent rendre impossible toute remise en cause du système et des orientations actuelles. La déclaration du Directeur général de Gendarmerie Hubert Bonneau lors de l'audition sur la loi de finances 2026 le 29 octobre, qui évoque un engagement militaire à l'Est (confirmant les propos du chef d'état-major des Armées) et la préparation de la Gendarmerie pour faire face aux mouvements de protestation de la population consécutifs, en donne une inquiétante confirmation. En revanche l'effondrement économique de l'Union européenne pourrait drastiquement faire bouger les lignes ; avec l'instabilité migratoire et le délitement social, ce sont des facteurs susceptibles de suffisamment ébranler les États membres pour modifier leur volonté et leur capacité à alimenter une guerre à l'Est.
En guise de conclusion (provisoire)
Sans être péremptoire, l'analyse laisse envisager que le Suprême russe envisage de continuer à mener une guerre de type SVO élargi en Ukraine, en consacrant des moyens relativement limités et dans une logique de réponse symétrique jusqu'à la libération des territoires constitutionnellement rattachés à la Fédération de Russie après 2022. La victoire partielle, sans satisfaire complètement aux buts de guerre fixés, laissant une Ukraine hostile et idéologiquement russophobe, extrêmement militarisée et alimentée par l'Occident, déboucherait au mieux sur un front figé et une ligne de partage temporaire, comme en Allemagne après 1945, en Corée après et au Vietnam après 1956, avec un fort potentiel de reprise des hostilités. Cette option semble prise en considération par la Russie, qui a redéfini les modalités administratives de mobilisation, préservé les forces nucléaires et semble affecter la production militaire dans la perspective de soutenir un conflit de plus grande intensité directement face à l'Occident et plus uniquement son proxy kiévien.
Au final, Donald Trump fait le maximum pour que son pays conserve au moins le leadership de l'Occident (incluant Israël, Corée du Sud, Australie et Nouvelle Zélande) et que le déclassement progressif notamment de l'Europe impacte a minima les USA. Face à la RPC, en gardant la possibilité d'activer Taïwan et Séoul, il agit sur la Russie par le biais du proxy kiévien et des Européens, afin de la contraindre à négocier ses ressources, à se découpler d'avec Pékin, voire à capituler et à ne plus pouvoir assumer un rôle leader sur la planète, des BRICS et des Non-alignés. Il subsiste trois interrogations majeures :
1. Quelle est la marge de manœuvre du président américain au sein de son propre pays ?
2. A-t-il une appréciation suffisamment lucide et raisonnable du risque de guerre nucléaire avec Moscou, compte-tenu du possible sacrifice des pions européens de l'OTAN ?
3. L'objectif de maîtrise du leadership mondial est-il compatible avec une victoire totale ou partielle de Moscou et un désengagement de Washington (dont ce ne serait pas la première fois qu'elle abandonnerait des alliés ou affidés) ou bien l'exigence de contrôle des oppositions à l'hégémonie postule-t-elle obligatoirement pour le président états-unien la destruction d'une Russie forte et autonome menaçant de fédérer un bloc anti-occidental ?
source : Stratpol
- Encore fortement teinté de messianisme aux USA, en particulier au sein du mouvement MAGA et chez les Neocons pétris de Manifest destiny. Certaines oppositions ne sont qu'apparentes. Ainsi le mouvement déconstructeur et anti-traditionnel porté en Occident ne cherche-t-il qu'à légitimer une remise en cause du système en place au profit de forces qui estiment ne pas ou plus en profiter suffisamment, renforçant en réalité l'état profond et ses responsables qui ont d'ailleurs aidés et financé les structures de contestation (ex : appui de Soros, de Schwab...). On rappellera la maxime du Guépard «il faut que tout change pour que rien ne change» («si nous voulons que tout reste pareil il faut que nous changions» tout dans la traduction de Di lampedusa). La contestation est le moteur des révolutions mais celles-ci ne visent qu'à imposer un nouvel ordre des choses et une nouvelle affectation du pouvoir et des richesses. Ainsi en est-il du gnosticisme actuel qui manipule alibi écologique, libéralisme sociétal et transhumanisme technologique afin d'organiser un collapsus culturel donc religieux donc social donc politique permettant d'imposer de nouvelles normes davantage favorables aux promoteurs cyniques et clandestins. Le phénomène est bien documenté historiquement, Marxisme léninisme, Révolution Française, Réforme. Les tentatives de contrôler ces mouvements expliquent certaines positions apparemment surprenantes de l'establishment. C'est particulièrement vrai au sein des dynasties patriciennes et capitolines aux USA mais pas seulement.
- Peacemaker était aussi le surnom du revolver Colt Single action army, ce qui ne manque ni de sel, ni de sens.
- Comme pour tout marchandage, la stratégie trumpiste est d'alterner carotte et bâton, ce qui explique la tenue du sommet d'Anchorage, l'annulation de celui de Budapest, la menace de fournir des missiles Tomahawks - encore virtuelle au vu des arsenaux et des vecteurs terrestres disponibles - l'envoi de SNLE états-uniens menacer la Russie, les pressions accrues sur les acheteurs de gaz et pétrole russes. D'une manière générale l'analyse penche malheureusement plutôt vers des gesticulations et dissimulations d'une stratégie de guerre confirmée.
- Le traitement du président autoprolongé Zelensky peut s'expliquer par sa peu valorisante position de vassal, mais aussi par l'appui dont il a joui de la part de certains clans démocrates US (malgré ses mauvaises relions avec le président Biden), par son manque de coopération pour dépêtrer Trump de la pseudo ingérence russe et pour confirmer l'implication du clan Biden dans les malversations de Burisma, par le soutien dont il bénéficie de la part des tenants de l'idéologie wokiste/LGBT et des vassaux réticents de l'UE.