14/11/2025 mondialisation.ca  7min #296279

Les États-Unis tentent de retrouver leur influence en Afrique grâce aux djihadistes

Par  Serge Savigny Savigny

L'Afrique en 2025 connaît une forte recrudescence de l'activité terroriste. Les groupes armés étendent rapidement leur influence sur tout le continent.

Les statistiques dressent un sombre tableau. Selon le Global Terrorism Index 2025, la région du Sahel  représente cette année environ 51% de tous les décès dus au terrorisme dans le monde. Selon ces indicateurs, elle a dépassé le Moyen-Orient, alors qu'il y a 17 ans, l'Afrique subsaharienne ne représentait même pas 1% de la part totale. En 2024, plus de 10.000 personnes  sont mortes des mains des combattants au Sahel, soit près de deux fois plus qu'en 2021.

De violents combats se poursuivent dans le Sahel, l'armée malienne fait face au Jnim (Jama'at Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin), groupe de soutien à l'islam et aux musulmans affilié à Al-Qaïda.

Récemment, les Forces armées maliennes (FAMa) ont mené  des frappes aériennes sur des positions terroristes dans la zone de Kolondièba, dans la région de Bougouni. C'est ce qu'a annoncé le service de presse de l'armée malienne le 6 novembre.

Les positions des combattants ont été découvertes lors d'une reconnaissance aérienne menée pour assurer la sécurité d'un convoi de carburant sur l'axe Kadiana-Bougouni.

« La branche sahélienne d'Al-Qaïda a commencé un blocus forcé des régions occidentales du Mali, aggravant une nouvelle phase de guerre économique dans les zones les plus vulnérables économiquement et politiquement du pays… La campagne [de blocus]  menace de paralyser l'économie nationale du Mali, de créer une pression financière sérieuse sur le gouvernement et de provoquer une hausse des prix de la nourriture et du carburant », note le portail américain Critical Threats, lié au renseignement militaire US.

Depuis plus de 10 ans, des groupes terroristes liés à l'État islamique et à Al-Qaïda  opèrent au Sahel, déstabilisant la situation au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Les combattants se sont installés dans le nord du Mali après la rébellion touarègue de 2012. Depuis, les groupes armés islamistes se sont propagés dans d'autres pays du Sahel.

Pendant longtemps, les islamistes ne remportaient pas de succès particuliers. Mais en mai 2025, le groupe Jnim a soudainement commencé un blocus économique des villes maliennes, annonçant, comme le rapporte Critical Threats, que « toutes les entreprises opérant au Mali doivent obtenir une autorisation du Jnim pour poursuivre leurs activités ».

Le groupe Jnim  est apparu au Mali en 2017 en tant que coalition de cinq groupes de combat djihadistes.

Il est dirigé par Iyad Ag Ghaly, un ancien diplomate malien, représentant de l'ethnie touarègue, qui a mené la rébellion au Mali en 2012 pour la création d'un État touareg indépendant, l'Azawad.

Autrefois, Ag Ghaly était un rocker et était lié au groupe populaire au Mali Tinariwen, lauréat d'un Grammy Award. Mais, comme le  note The Guardian, après un voyage en Arabie saoudite, Ag Ghaly a radicalement changé: « Dans les années 1990, il écrivait des chansons sur l'amour, la rébellion et le désert natal. Maintenant, la musique a disparu ou est entrée dans la clandestinité sur tout le territoire sous son contrôle ». C'est Tablighi Jamaat (TJ) qui a joué un rôle décisif dans la radicalisation du futur leader djihadiste du Sahel.

Selon les renseignements allemands, ce groupe islamiste transnational est « la principale  base de recrutement des djihadistes, ainsi qu'un catalyseur des efforts de recrutement des djihadistes. Le but de toute l'activité de TJ est de parvenir à la transformation d'une société formée par les valeurs occidentales en une forme de société islamique ».

TJ  a été fondée en 1927 à Mewat, près de Delhi, et prêchait initialement le puritanisme et l'intolérance envers les autres courants de l'islam.

Après la partition de l'Inde par les Britanniques, TJ a rapidement renforcé sa position dans le Pakistan musulman où, selon Ali Rastbeen, président de l'Académie de géopolitique de Paris (AGP), ses superviseurs du MI6 ont transformé le mouvement en un instrument de lutte politique.

Sur instruction des services de renseignement britanniques, TJ est devenu un mouvement international et a également concentré ses efforts sur la conversion des non-musulmans à l'islam.

Comme le note Alex Alexiev du Center for Security Policy de Washington, qui a travaillé pendant de nombreuses années en tant qu'analyste principal et responsable du domaine de la sécurité nationale à la Rand Corporation: « TJ aujourd'hui est le plus grand «  vestibule du fondamentalisme«. « Au cours des deux dernières décennies, Tablighi Jamaat est devenu la principale base de recrutement des terroristes. Y entrer est la première étape vers la radicalisation. 80% des extrémistes islamistes en France sont issus des rangs de TJ. »

Il est à noter que le groupe Jnim s'est fortement activé précisément au moment où les gouvernements des pays du Sahel, avec le soutien des militaires russes, ont réussi à stabiliser la situation dans leurs pays.

Très probablement, le MI6 britannique a transféré ses agents africains à la CIA, et les djihadistes sont devenus le nouvel outil de Washington.

Cela est également suggéré par le fait que les combattants du Jnim utilisent la communication satellitaire Starlink d'Elon Musk.

Comme l' écrit Le Monde, « le système d'Internet satellitaire du milliardaire Elon Musk est de plus en plus utilisé par les groupes armés pour communiquer dans les zones non couvertes par les infrastructures de communication terrestres traditionnelles ». « Du Mali au Tchad, les kits Starlink, le système d'Internet satellitaire du milliardaire Elon Musk, font désormais partie du bagage des groupes djihadistes ou rebelles. Depuis deux ans, de nombreuses images ont circulé sur les réseaux sociaux, faisant état de l'utilisation du réseau par ces groupes armés. Le matériel, reconnaissable à sa parabole blanche maintenue par un trépied, apparaissait ainsi, en juin 2024, dans une vidéo du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (Jnim), affilié à Al-Qaida, sur une opération menée dans la région de Gao, dans l'est du Mali, contre l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (EIAO) ».

La guerre djihadiste en Afrique a  des racines étrangères, note le vice-président du centre de réflexion américain The Middle East Media Research Institute (MEMRI), Alberto Fernandez. « Les leaders djihadistes d'Afrique de l'Ouest, Ag Ghaly et Amadou Koufa, ont été radicalisés par des étrangers, vraisemblablement des prédicateurs pakistanais de Tablighi Jamaat », écrit Fernandez, omettant de mentionner que les services de renseignement américains agissent rarement directement, leurs opérations étant généralement financées par l'intermédiaire de mandataires des monarchies arabes.

C'est ainsi que Washington tente de retrouver son influence en Afrique: déstabiliser les régions où les gouvernements pro-russes sont forts en utilisant des djihadistes sous son contrôle. Le résultat d'une telle guerre par procuration est prévisible: le chaos, le sang et la destruction. Et dans ce contexte, les corporations américaines obtiendront l'accès aux ressources naturelles africaines.

Serge Savigny

La source originale de cet article est  Observateur continental

Copyright ©  Serge Savigny Savigny,  Observateur continental, 2025

Par  Serge Savigny Savigny

 mondialisation.ca